Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 21 - 19 FÉVRIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Certains patients angineux sont résistants à l’aspirine

L’aspirine demeure un excellent médicament préventif contre les troubles coronariens, confirme Chantal Pharand

L’aspirine prévient les troubles cardiaques, mais ne peut rien chez certains patients angineux. Chantal Pharand

Le recours à l’acide acétylsalicylique, mieux connu sous son nom populaire d’aspirine, est aujourd’hui une pratique courante dans le traitement préventif des troubles coronariens. Toutefois, les médecins relèvent des cas de résistance à ce médicament, un phénomène qui ne fait que commencer à être étudié.

«Il est très bien établi que l’aspirine prévient les troubles cardiaques et qu’on devrait la prescrire aux patients qui sont à risque de souffrir de maladies coronariennes», affirme Chantal Pharand, professeure à la Faculté de pharmacie.

Cet effet préventif a été observé de façon épidémiologique chez les personnes atteintes d’angine instable (une phase plus aigüe que ce qui est communément appelé angine de poitrine) et chez celles qui ont déjà fait un infarctus.

Mais la littérature scientifique rapporte depuis quelques années des cas de résistance, soit des patients chez qui l’effet préventif ne se serait pas manifesté. Une revue de la littérature réalisée par Marie Lordkipanidzé, étudiante à la maitrise codirigée par Chantal Pharand et Jean Diodati, a révélé que les taux de résistance, mesurés à l’aide de tests in vitro, varient de 0,4 à 83 %! Comment expliquer un tel écart?

Une chaine complexe
Pour répondre à la question, il faut connaitre tout le processus de l’apparition des troubles coronariens.

«L’angine est une douleur ressentie dans la région du muscle cardiaque parce que ses tissus manquent d’oxygène, explique Chantal Pharand. Le manque d’oxygène est dû à un trop faible apport sanguin à la suite d’un rétrécissement de l’une des artères qui irriguent le muscle cardiaque; ce rétrécissement est causé par des plaques d’artériosclérose, qui sont des dépôts de cholestérol.»

La douleur peut se faire sentir à la suite d’un effort physique, d’un stress ou d’un simple changement de température. Elle peut aussi s’étendre vers le cou ou vers l’épaule et elle s’estompe avec du repos. Si la douleur augmente avec les crises et s’accompagne de nausées et d’évanouissements, on parle d’angine instable; le risque d’infarctus est alors plus grand.

Les plaques d’artériosclérose présentent par ailleurs des fissures dont la cicatrisation va contribuer à obstruer davantage la circulation sanguine à l’intérieur de l’artère en créant des caillots. C’est à ce stade qu’agit l’aspirine.

  «L’aspirine n’élimine pas le dépôt de cholestérol, précise la chercheuse. Elle empêche plutôt l’adhésion des plaquettes sanguines, un phénomène à la base de la coagulation, ce qui prévient la formation du caillot.»

La formation d’un caillot est elle-même le résultat d’une longue chaine dans laquelle interviennent plusieurs agents biologiques. Une enzyme présente à la surface des plaquettes, la cyclo-oxygénase (COX), est nécessaire à leur agrégation et c’est précisément cette enzyme que neutralise l’aspirine.

Selon Mme Pharand, la complexité du processus explique les résultats aussi éloignés que 0,4 et 83 % dans les taux de résistance observés à l’aspirine. «Tout dépend de l’étape de la formation du caillot ou de l’agent précis visé par chacun des tests, indique-t-elle. Les taux varient également selon le groupe de patients soumis au test.»

Résistance réelle: 4 %
La chercheuse a refait les tests répertoriés dans la revue de la littérature de Marie Lordkipanidzé en recourant à un échantillon de patients ayant déjà subi un infarctus. Les taux de résistance mesurés ont varié de 3 à 60 %, ce qui est quelque peu inférieur à ce qui avait d’abord été noté dans la littérature.

Mais le test considéré par les spécialistes comme le test standard et qui porte sur l’action de l’enzyme COX a révélé un taux de résistance d’à peine 4 %. Les autres tests concernent d’autres phases du processus sur lesquelles l’aspirine n’aurait que peu ou pas d’effet.
«L’aspirine est donc efficace chez la grande majorité des patients souffrant de troubles coronariens, déclare Chantal Pharand. La résistance plaquettaire touche surtout les diabétiques, les obèses et sans doute les porteurs d’une variante génétique renforçant l’agrégation des plaquettes.»

Pas de contre-indication
Selon la chercheuse, l’aspirine ne constitue pas une contre-indication chez les patients qui ne répondent pas à son action. La sagesse indique par conséquent de prescrire ce médicament à tous ceux qui sont à risque puisque seuls des tests de laboratoire permettent de déceler une résistance.

Les seules contre-indications seraient l’hémophilie et la prise d’anticoagulants puisque l’acide acétylsalicylique réduit déjà l’efficacité de la coagulation.

Par ailleurs, on découvre sans cesse de nouvelles vertus à ce médicament qui, en plus d’être un excellent analgésique et de combattre la fièvre, réduirait les risques de cancer du sein chez les femmes ménopausées ainsi que les risques de cancer du côlon dans l’ensemble de la population.

Daniel Baril

 

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