Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 22 - 26 FÉVRIER 2007
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 Archives de Forum

Publications numériques : 14 M$ pour les sciences humaines

«Plusieurs revues savantes canadiennes doivent passer par des sites américains ou européens pour être diffusées au pays. Cette aberration sera corrigée», se réjouit Guylaine Beaudry

Michael Eberle Sinatra, Guylaine Beaudry et Gérard Boismenu affichent un large sourire puisqu’ils ont désormais les coudées franches pour donner un essor considérable à la diffusion des connaissances en sciences humaines et sociales, en travaillant avec plusieurs autres universités. Érudit a servi de point de départ au plus important projet du genre au pays.

L’Université de Montréal coordonnera un projet de diffusion des connaissances en sciences humaines et sociales qui vient de recevoir 14 M$ de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). «C’est l’aboutissement d’un projet de publication numérique sur lequel nous travaillons depuis 10 ans», lance Guylaine Beaudry, directrice du Centre d’édition numérique et fondatrice d’Érudit, qui a servi de point de départ au plus important projet du genre au pays. Synergies réunira 21 universités, dont 5 principales (Calgary, Toronto, Nouveau-Brunswick, Simon Fraser et Montréal). Une dizaine de personnes seront engagées à Montréal au cours de la prochaine année relativement à ce projet.

Avec Gérard Boismenu, professeur au Département de science politique et directeur de l’Institut d’études européennes de l’Université de Montréal et de l’Université McGill, Mme Beaudry a imaginé une plateforme électronique rendant accessibles aux chercheurs l’essentiel du contenu des revues savantes canadiennes, les publications non évaluées par les pairs (la «littérature grise»), les actes de colloques, les données brutes et éventuellement les thèses et mémoires numérisés au Canada. «Actuellement, explique Mme Beaudry, plusieurs revues savantes canadiennes doivent passer par des sites américains ou européens pour être diffusées au pays. Cette aberration devait être corrigée.»

Pour Michael Eberle Sinatra, professeur au Département d’études anglaises et président de Synergies, les chercheurs d’ici seront bien servis au moment de communiquer leurs connaissances. «Il y a longtemps que je rêve d’une telle plateforme. Cela marquera certainement un point tournant dans ma carrière universitaire», affirme-t-il.

Le doyen de la Faculté des arts et des sciences, Joseph Hubert, à qui on a fait appel à titre de parrain au cours de la démarche des représentants de Synergies, salue l’aide de la FCI en faisant référence aux succès d’Érudit. «Synergies s’appuie sur une solide expertise conceptuelle et technique acquise au fil des ans à l’Université de Montréal, dit-il. Elle s’exprimera de belle façon dans ce domaine.»

Érudit autour du monde
À court terme, Synergies fera siens les documents et données des cinq universités partenaires, y compris le matériel d’Érudit, lancé à l’UdeM en 1998. Au cours des quatre prochaines années, son contenu se bonifiera. «Synergies sera un Érudit à la puissance cinq», résume Gérard Boismenu, ancien directeur scientifique des Presses de l’Université de Montréal. En pleine poussée de croissance, Érudit a reçu récemment une subvention de 475 000 $ du ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation pour la numérisation rétrospective de 10 000 articles et la reconfiguration de son site.

Ayant atteint un rythme de croisière impressionnant en moins de 10 ans d’existence, Érudit (www.erudit.org) diffuse le contenu de 46 revues (soit près de 25 000 articles), d’une quinzaine de monographies et d’une centaine de thèses déposées à l’Université de Montréal. Le succès d’Érudit est mondial: plus de 1,5 million d’appels de fichier quotidiens, 750 000 documents consultés chaque mois... et des citations prestigieuses.

Dans son dernier rapport, l’Association américaine des sociétés savantes qualifie en effet Érudit de modèle du genre pour ce qui est de l’«infrastructure partagée en dehors des États-Unis» (Report of the American Council of Learned Societies Commission on Cyberinfrastructure for the Humanities and Social Sciences, 2006). Rappelons que 85 % du contenu du site est en langue française.

Avec un budget annuel de 650 000 $, plus de 1300 abonnés institutionnels et 15 emplois à temps complet, Érudit fait la fierté de ses créateurs. Une entente avec le site français Persée permet l’accès à la collection complète d’une quinzaine de revues numérisées en France. De plus, le Conseil national de recherches du Canada a autorisé Érudit à diffuser le contenu de 16 revues scientifiques dès juin prochain. «Il est certain que le succès d’Érudit a compté pour beaucoup dans l’attribution de la subvention de la FCI», indique Mme Beaudry. Elle signale qu’une première version de Synergies avait été déposée en 2003 sans succès.

Une philosophie de libre accès
Les objectifs de Synergies sont ambitieux. «L’environnement décentralisé est un des points forts de la nouvelle plateforme, qui sera inaugurée au cours de l’année 2008. Nous pensons faciliter la consultation des contenus selon les expertises, en présentant des interfaces efficaces et attrayantes», reprend Guylaine Beaudry.

L’un des principes de base de Synergies sera l’accès libre et gratuit aux contenus scientifiques canadiens. «Synergies permettra la diffusion de données brutes, mentionne Gérard Boismenu. Peu de sites, à l’heure actuelle, rendent possible cette diffusion même si elle est très souvent exigée par les organismes subventionnaires.»

M. Eberle Sinatra fait remarquer que les étudiants et les chercheurs auront accès gratuitement à la majeure partie des collections diffusées dans Synergies. Les bibliothécaires et les éditeurs universitaires, de même que les experts des publications électroniques et les administrateurs auront tout intérêt à suivre de près l’évolution du site.
À en juger par l’importance de l’aide financière de la FCI, Gérard Boismenu souligne que «10 ans de travail nous ont donné raison».

Mathieu-Robert Sauvé

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