Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 22 - 26 FÉVRIER 2007
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 Archives de Forum

Le généticien Axel Kahn aux Belles Soirées

le célèbre généticien et philosophe présentera son dernier ouvrage de réflexion sur la nature humaine

Axel Kahn

Voici qui oblige l’Homo sapiens à une certaine humilité: il partage près de 98 % de son bagage génétique avec le chimpanzé, 50 % avec une vulgaire levure primitive!
«Ce qui ne veut pas dire que nous avons un génome de chimpanzé, sans quoi nous serions des chimpanzés», s’empresse de souligner Axel Kahn, directeur de recherche à l’INSERM et directeur de l’Institut de recherches biomédicales Cochin. En conférence aux Belles Soirées ce jeudi, le célèbre généticien et philosophe présentera son dernier ouvrage de réflexion sur la nature humaine, L’homme, ce roseau pensant (Nil éditions, 2007).

Particularités humaines
En tant que biologiste évolutionniste, le professeur Axel Kahn s’est employé dans ses récents écrits (Le clonage en question, Et l’Homme dans tout ça?, Raisonnable et humain) à cerner ce qui constitue la spécificité de l’être humain. «Rien d’humain n’a de signification si ce n’est au regard de l’évolution», déclarait-il en entrevue à Forum en paraphrasant le biologiste Theodosius Dobzhansky.

Cette spécificité réside, selon lui, dans des habiletés telles que la conscience, la liberté, le rire, le rapport avec l’autre. Le chercheur puise dans les sciences biologiques, dans la neurologie et dans la génétique pour réactualiser, à la lumière des données scientifiques récentes, des questions philosophiques que se posaient déjà les philosophes présocratiques et qui reviennent sans cesse hanter l’esprit humain.

«Il y a des conditions matérielles qui permettent aux habiletés humaines d’exister, mais il n’y a pas un gène de la liberté ou un gène de l’amour, précise le généticien. Si les gènes supportent ce qui nous permet d’être humain, ils ne sont pas le support de notre humanité. Un enfant sauvage, par exemple, a un génome humain, mais il n’a pas été humanisé.»

La conscience comme produit dérivé
Ces particularités qui font l’humain sont le fruit de la sélection naturelle; elles ont émergé parce qu’elles présentaient un avantage, estime Axel Kahn. Et le principal avantage qu’elles confèrent, à son avis, est de permettre la projection dans l’avenir.

«L’apparition de cette nouvelle aptitude est ce qui a le plus contribuer à l’émergence de l’homme. La projection d’une action dans l’avenir permet de s’y préparer, soit pour atteindre un objectif ou pour parer les mauvais coups. Celui qui en est capable est en même temps conscient d’être un acteur de l’avenir; la conscience de soi comme un tout unifié est donc un produit dérivé de la capacité de se projeter dans le temps.

«De plus, poursuit le professeur, pour planifier et réaliser une action future, il faut effectuer des choix, il faut trancher. Cela entraine donc la liberté. Voilà comment une augmentation du nombre de neurones causée par des mutations peut conduire à la projection, puis à la conscience et à la liberté.»

Un autre trait spécifiquement humain, lié à la conscience de soi et du temps, est le jugement moral que porte l’Homo sapiens sur ses propres actions. «L’animal humain est le seul qui ait la capacité de se savoir responsable du reste du monde et responsable des générations futures. Tout en me considérant comme moniste et matérialiste, je constate que l’homme est capable de se dédoubler pour juger ses actions, mais il n’en reste pas moins un animal.»

Un post-humain dépossédé?
Axel Kahn aborde également les questions épineuses soulevées par la génétique moderne, dont le clonage et les risques d’eugénisme. Mais ce ne sont pas là les plus grands dangers qui guettent notre espèce, croit-il.

«Le plus grand danger, c’est que l’évolution nous dépossède de la pensée comme l’outil nous dépossède de la main. La machine aide l’intelligence et l’homme moderne est un cyborg: devant la puissance de l’ordinateur, abdiquera-t-il sa faculté de penser au profit de la machine qui pensera pour lui?»

Pour éviter ce scénario catastrophique et préserver ce qu’il est, «l’homme doit redevenir un roseau pensant», conclut le professeur.

La conférence des Belles Soirées se tient le jeudi 1er mars à 19 h 30 (voir le calendrier sur Internet pour plus de détails).

Daniel Baril

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