Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 22 - 26 FÉVRIER 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Le lait maternel contient des produits toxiques

Mais rien d’alarmant, dit un étudiant en toxicologie

Seulement 7 % des femmes québécoises nourrissent encore leur bébé exclusivement au sein six mois après l’accouchement.

Tout produit animal (viande, lait, œuf) dans l’assiette d’une femme qui allaite peut contenir des résidus de substances chimiques susceptibles d’être transmis au nourrisson. «Les animaux d’élevage reçoivent des anabolisants et des antibiotiques qui se retrouvent ensuite dans le lait maternel mais en très faibles quantités. Ce ne sont que des traces», dit Thierry Le Bricon, étudiant de deuxième cycle en santé environnementale et santé au travail. Il s’est penché sur les risques de contamination du lait maternel par des substances chimiques provenant d’engrais, de polluants industriels ou encore d’antibiotiques présents dans des aliments d’origine animale.

Depuis plusieurs années, des règlementations ont été mises en place pour protéger la santé des consommateurs canadiens. Santé Canada a ainsi fixé un délai d’attente obligatoire entre le moment où l’animal de boucherie reçoit un traitement médicamenteux et celui où il est emmené à l’abattoir, ce qui permet de limiter la présence de résidus potentiellement toxiques dans les aliments. L’Agence canadienne d’inspection des aliments effectue également des contrôles périodiques sur les aliments. Ceux qui ne respectent pas les normes établies ne se rendent pas jusqu’aux marchés d’alimentation.

Le lait maternel des mères végétariennes semble moins contaminé par des substances chimiques que celui des autres femmes. «La concentration de produits chimiques dans le lait maternel des végétariennes est plus faible que dans celui des femmes qui mangent de la viande, commente l’étudiant. En effet, les fruits et les légumes (notamment s’ils sont biologiques ou s’ils sont lavés) sont en général moins contaminés par les substances chimiques que les produits animaux et leurs dérivés.»

Le spécialiste préconise d’éviter les cuissons au barbecue, car les viandes brulées contiennent des substances toxiques de combustion comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques, qui peuvent se retrouver par la suite dans le lait maternel.

Bienfaits de l’allaitement
Les effets bénéfiques de l’allaitement maternel surpassent largement les effets néfastes, soutient le pharmacien d’origine française. «Les avantages de l’allaitement maternel sont nombreux, autant pour l’enfant, moins sujet à contracter des otites et à avoir la diarrhée ou encore à présenter des allergies, que pour la mère (reminéralisation osseuse, diminution du risque de cancer de l’ovaire). Alors, pourquoi s’en priver?»

Sur le territoire québécois, les populations les plus exposées aux substances toxiques sont les Inuits du Grand Nord ainsi que les familles vivant en milieu agricole. Le lait des femmes inuites peut être contaminé par divers produits toxiques comme les biphényles polychlorés ou le méthylmercure, présents dans l’environnement et dans la chaine alimentaire traditionnelle de ce peuple. «Même dans les populations les plus exposées, tous les scientifiques recommandent de maintenir l’allaitement maternel.»

Reconnaissant les bienfaits de l’allaitement, le gouvernement du Québec a mis en œuvre plusieurs stratégies dont une semaine de l’allaitement, qui se tient en octobre. Le ministère de la Santé et des Services sociaux s’est donné comme objectif pour 2007 que 85 % des femmes allaitent durant les premiers jours après l’accouchement, 60 % après quatre mois et 50 % six mois après l’arrivée du bébé. L’objectif est aujourd’hui presque atteint, mais, l’allaitement exclusif (nourrir son enfant uniquement au sein) étant très contraignant, il faut spécifier que ces chiffres concernent l’allaitement mixte (c’est-à-dire combiné avec l’allaitement au biberon). À ce sujet, M. Le Bricon signale que seulement 7 % des femmes québécoises nourrissent encore leur bébé exclusivement au sein six mois après l’accouchement (données de 2005-2006).

Évaluer les risques
Afin de déterminer le degré d’exposition à certaines substances chimiques, les spécialistes utilisent le lait maternel comme marqueur d’exposition, car il est à la fois facile à obtenir et peu couteux. Toutefois, il ne faut pas confondre la présence d’un contaminant et ses éventuelles répercussions sur notre santé. «Ce n’est pas parce qu’une substance est dangereuse qu’il y a un risque pour vous ou pour votre enfant. Ce qui compte, c’est la dose à laquelle vous êtes exposés», fait remarquer le chercheur.

Les enfants de familles installées en milieu rural qui sont nourris avec des substituts du lait reconstitués à partir de l’eau d’un puits restent toujours à risque d’intoxication par des nitrates. Cependant, les nourrissons allaités sont protégés, car les nitrites (produits toxiques des nitrates) ne passent pas la barrière de protection naturelle entre la mère et l’enfant. Par contre, un bébé nourri au biberon avec de l’eau contaminée risque de tomber malade.

Natacha Veilleux
Collaboration spéciale

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