Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 22 - 26 FÉVRIER 2007
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 Archives de Forum

Collision frontale dans le Petit Nuage de Magellan

Une équipe internationale réalise la première observation de collision de vents stellaires hors de la galaxie

Un bel exemple de collision de vents stellaires dans le système de l’étoile double Eta Carinea. L’éruption qui a créé la nébuleuse s’est produite il y a 150 ans. Photo : J. Morse (Université du Colorado)/NASA.

La Terre est sans cesse balayée par des vents solaires qui propulsent des tonnes de particules dans l’espace. Mais ce qu’on appelle ici une tempête solaire est une brise légère en comparaison de ce qui se passe dans le voisinage de l’étoile HD 5980.

HD 5980 est une étoile double située dans le Petit Nuage de Magellan, à près de 200 000 années-lumière de la Terre. Ce «nuage», visible dans l’hémisphère Sud, est en fait une galaxie naine en orbite autour de notre galaxie, la Voix lactée.

Des dimensions… astronomiques
La masse de chacune des deux étoiles qui composent le système HD 5980 est de 30 à 50 fois plus grande que celle du Soleil. La quantité de photons émise par ces étoiles est un million de fois plus élevée que celle du Soleil, ce qui signifie qu’elles en émettent plus en une minute que le Soleil en une année.

La quantité de matière expulsée par HD 5980 en un mois équivaut à la masse de la Terre. La vitesse atteinte par ces vents est de 1000 à 2000 km/s, une vitesse cinq fois supérieure à nos «tempêtes solaires».

«C’est un endroit où il ne fait pas bon vivre», affirme à la blague Anthony Moffat, professeur au Département de physique. L’astrophysicien est un spécialiste de l’objet en question; c’est lui qui a fait les premières observations montrant qu’il s’agit d’une étoile double.

«De la Terre, nous voyons ce système par la tranche, précise-t-il. Lorsque l’une des étoiles passe devant l’autre, soit une fois tous les 19 jours, l’éclipse est facilement perceptible dans le signal lumineux.»

En 1993, Anthony Moffat a observé une gigantesque éruption provenant de l’une des deux étoiles: le volume de l’astre a alors atteint de 10 à 30 fois sa taille, avant de revenir à la normale au bout de six mois. «C’est une étape normale dans la vie des étoiles massives, souligne-t-il. Après les éruptions, ces étoiles finissent par s’effondrer sur elles-mêmes pour donner des supernovas.»

Émission de rayons X
Toujours à l’affut de ce qui se passe dans ce coin du ciel, le professeur Moffat a participé à des travaux récents ayant permis de constater la production de rayons X lors de la collision des nuages de particules émis par les deux étoiles.

 «Nous connaissons près de 25 systèmes stellaires doubles où les collisions de particules entrainent la formation de rayons X, mais c’est la première fois qu’un tel phénomène est remarqué en dehors de notre galaxie», mentionne Anthony Moffat.

Ce phénomène livre une quantité de renseignements aux astrophysiciens sur la façon dont les étoiles massives évoluent et dispersent leur matière. Mais le fait d’avoir pu détecter le phénomène dans un environnement comme celui du Petit Nuage de Magellan est d’un grand intérêt pour les astrophysiciens.

Anthony Moffat

Anthony Moffat

«C’est un milieu où la densité des étoiles est plus faible que dans notre galaxie et où les étoiles épuisent leur matière moins rapidement, explique-t-il. Les gaz sont moins pollués par les métaux lourds et les interactions sont différentes. C’est une chance unique de pouvoir faire des observations de cette nature dans un tel environnement.»

Les deux étoiles de ce système ne sont éloignées que de 90 millions de kilomètres, ce qui est environ la moitié de la distance entre la Terre et le Soleil. La collision des nuages de gaz, à 2000 km/s, dégage une énergie inouïe qui produit des températures de l’ordre des 10 millions de kelvins, ce qui est comparable à la température régnant à l’intérieur du Soleil. C’est de cette énergie qu’émane le rayonnement X.

Les images de la collision des vents stellaires ont été obtenues à partir du satellite XMM-Newton de l’Agence spatiale européenne (ASE). Outre Anthony Moffat, une équipe internationale incluant des chercheurs de la NASA, de l’ASE et de l’Université nationale autonome de Mexico a pris part à ces travaux sous la direction de la professeure Yaël Nazé, de l’Université de Liège.

Daniel Baril

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