Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 23 - 12 MARS 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Pour Nicolas Dickner, c’est en écrivant qu’on devient écrivain

Le romancier connait un succès international à son premier roman

Nicolas Dickner

Pour une raison qui n’appartient qu’à Nicolas Dickner, la boussole du narrateur de son roman Nikolski (Alto, 2005) indique obstinément 34° à l’ouest du nord magnétique. La flèche pointe vers un village en Alaska, Nikolski, où est mort le père de Noah, Noah qui justement est à la recherche de son père...

Mais comment une boussole peut-elle indiquer un endroit au mépris des lois du champ magnétique? «Je l’ignore complètement, dit au bout du fil un Nicolas Dickner amusé. J’ai toujours aimé, dans mes écrits, pervertir les notions scientifiques. J’imagine que les lecteurs ont le gout d’y croire!»

À 34 ans, l’auteur connait un succès international avec son premier roman: 18 000 exemplaires vendus, une édition française chez Denoël l’automne dernier et une traduction pour l’an prochain chez Knopf Canada. «Ça va bien», résume le jeune homme, qui a été invité à la Semaine du français et de la francophonie pour parler du métier d’écrivain à l’occasion d’un entretien public.

Louangé de toutes parts («découverte de l’année», «jouissance pour les neurones», selon Carole Beaulieu, de L’actualité; «quelque chose qui n’a jamais été fait dans notre littérature», lance Jean Fugère, chroniqueur littéraire à Radio-Canada; «un kaléidoscope d’images fortes et de phrases qui claquent», écrit Christian Desmeules, du Devoir), Nikolski n’a pas été un livre facile à écrire. Il a nécessité huit réécritures et quatre ans de travail. «Pour tout dire, j’avais renoncé à vivre de ma plume. Je m’étais inscrit en bibliothéconomie et sciences de l’information à l’Université de Montréal. Puis le vent a tourné.»

En effet, après trois jours d’études universitaires à plein temps, l’écrivain doit répondre à l’engouement subit que suscite Nikolski. Entrevues dans la presse écrite, à la télévision et à la radio, conférences, rencontres dans les cégeps, séances de signature dans des salons du livre. Désormais, Nikolski fait travailler son auteur, qui ne s’en plaint pas. Et Nicolas Dickner renonce vite à une carrière dans les bibliothèques...

Écrire, ça s’apprend?
Il faut dire que Nicolas Dickner est déjà titulaire d’une maitrise en lettres de l’Université Laval, dont le mémoire a été publié sous le titre L’encyclopédie du petit cercle à L’Instant même en 2000. Est-ce là qu’il a appris à écrire? «Certaines choses s’apprennent à l’école, mais pas la créativité, le regard, l’attitude», souligne-t-il.

De ses cours de création littéraire à l’université, il n’a pas retenu beaucoup d’éléments utiles. «La plus grosse partie, on l’apprend sur le tas. Écrire est un travail empirique qui s’acquiert par l’écriture et la lecture. En revanche, j’ai beaucoup appris sur la littérature traditionnelle, la sociocritique et les théories de la lecture. Je me souviens d’un professeur, Richard Saint-Gelais, dont les cours étaient passionnants. Il nous faisait réfléchir sur la lecture, le rapport écrivain-lecteur.»

À la rencontre sur le campus de l’UdeM, Nicolas Dickner entend traiter du «métier d’écrivain». Mine de rien, il vit de l’écriture depuis 2001, allant de subventions aux auteurs à des contrats de correction. Il est aussi chroniqueur à la revue culturelle Voir. «Techniquement, je ne fais rien d’autre qu’écrire comme activité rétribuée. Mais tout est relatif quand on s’habitue à vivre avec 12 000 $ par an...»

Si les droits et les engagements que lui vaut Nikolski annoncent des lendemains meilleurs («Je suis tranquille pour deux ans, peut-être trois»), rien n’assure son avenir à long terme. «Il faut faire les livres qu’on veut et non tenter de plaire à la critique», mentionne-t-il.

C’est le but qu’il visait en lançant Traité de balistique (Alto, 2006). Écrit sous un pseudonyme (Alexandre Bourbaki) et en collaboration avec un ami, Bernard Wright-Laflamme, il a représenté un autre défi stylistique. «Nous l’avons écrit à quatre mains. Le courriel nous a délivrés de l’obligation de nous trouver dans la même ville au fil de l’écriture. Ce livre a été rédigé quelque part entre Lima, Montréal, Québec et Bamberg.»

Exercice de style collectif, Traité de balistique présente 19 nouvelles qui ont certains liens entre elles. «Nous nous sommes donné certains défis, comme celui de présenter dans un texte en cours un personnage secondaire tiré d’une nouvelle précédente.»

Encore une fois, on retrouve l’inclination de l’auteur pour la perversion des théories scientifiques, notamment dans les domaines de la gravitation universelle, l’armement et les télécommunications. Le nom du pseudoauteur lui-même est un clin d’œil à un canular célèbre en mathématique. En effet, Raoul Husson a inventé un prétendu «théorème de Bourbaki» quand il était étudiant à l’École normale supérieure en 1923. Il s’était fait passer pour un mathématicien barbu et avait défendu une fausse thèse à une conférence volontairement incompréhensible. «Je me demande pourquoi les scientifiques ont toujours un peu de difficulté avec mes écrits», raille l’auteur.

Le propre de la fiction n’est-il pas de créer du sens avec l’invraisemblance? «Quand je vois ce qui se passe dans la vraie vie, répond Nicolas Dickner avec sagesse, je me demande parfois où se trouvent le vraisemblable et l’invraisemblable.»

L’entretien public avec Nicolas Dickner sera animé par Marie-Christiane Hellot, chargée de cours au certificat de rédaction de la Faculté de l’éducation permanente.

Mathieu-Robert Sauvé

 

La rencontre avec Nicolas Dickner aura lieu le mercredi 21 mars, à 11 h 45, au 3200, rue Jean-Brillant, salle B-3335. L’entrée est libre.

Ce site a été optimisé pour les fureteurs Microsoft Internet Explorer, version 6.0 et ultérieures, et Netscape, version 6.0 et ultérieures.