Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 25 - 26 MARS 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La maladie de Lyme est à nos portes

Le réchauffement climatique pourrait porter la limite nord de la maladie à la hauteur de Québec dès 2020

La maladie de Lyme est due à une bactérie transportée par une tique (en mortaise) qui vit dans les herbes en bordure des forêts.

Jusqu’à maintenant, le climat froid du Québec nous avait mis à l’abri de certaines maladies sévissant dans les régions plus chaudes. Avec le réchauffement climatique, cette protection risque de disparaitre.
La borréliose de Lyme est l’une de ces maladies qui arrivera bientôt sous nos latitudes: alors que la limite nord de cette infection bactérienne se situe présentement à la frontière du Québec et des États-Unis, elle atteindra la latitude de  la capitale en 2020, gagnera quelques degrés vers le nord en 2050 et dépassera le Lac-Saint-Jean en 2080. La maladie s’étendra également vers l’Ouest, parvenant au pied des Rocheuses en 2050.

C’est le scénario obtenu par une équipe de chercheurs canadiens à partir des données de deux modèles du réchauffement climatique croisées avec les conditions écologiques favorisant l’expansion de la maladie. Deux chercheurs de l’UdeM sont du nombre, soit le professeur Michel Bigras-Poulin, de la Faculté de médecine vétérinaire, et Nicholas Ogden, chercheur à l’Agence de santé publique du Canada. Tous deux sont aussi membres du Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique de la même faculté.

Conditions favorables
Même si la maladie de Lyme est très fréquente dans les régions tempérées – on dénombre 20 000 cas d’infection par année aux États-Unis et 50 000 en Europe –, ce n’est qu’en 1981 qu’on a découvert ce qui la cause. La maladie est due à une bactérie, la borrellia, transportée par une tique (Ixodes scapularis de son petit nom) qui vit dans les herbes en bordure des forêts. La bactérie se transmet à l’hôte lorsque la tique le pique pour prendre son repas.

Les symptômes peuvent ressembler à ceux de la grippe – maux de tête, douleurs musculaires, fatigue – mais en plus  grave. Dans 25 % des cas, la maladie est accompagnée d’une dermatite. L’infection n’est pas contagieuse et peut être facilement soignée à l’aide d’un antibiotique. Toutefois, si elle n’est pas traitée rapidement, elle risque d’engendrer des troubles de la vision et du rythme cardiaque. La maladie peut aussi affecter les animaux, mais les symptômes seront moins aigus.

Actuellement, la température moyenne annuelle au Québec est trop froide pour que la larve de la tique ait le temps de parvenir à maturité. «Plus le temps est froid, plus la période entre les stades de développement de la tique est longue, explique Michel Bigras-Poulin. Sous nos latitudes, les larves n’ont pas le temps de devenir des nymphes puis des tiques adultes. Si elles y parviennent, le taux de mortalité est plus haut que le taux de fécondité, ce qui fait que les populations d’Ixodes scapularis ne s’établissent pas ici.»

Le réchauffement climatique viendra modifier ces règles. Selon les deux modèles utilisés, la température sous nos latitudes sera bénéfique à la tique: le taux de survie des œufs sera plus élevé, les larves deviendront actives plus tôt en été et la phase entre l’état larvaire et celui de nymphe sera raccourcie.

Michel Bigras-Poulin

Michel Bigras-Poulin

Le résultat est que le nombre de ces tiques retrouvées dans le sud du Québec – transportées par les oiseaux ou les mammifères – pourrait doubler en 2020 et être de trois à quatre fois plus grand en 2080, alors que leur habitat aura dépassé le 50e parallèle nord. Comme le climat leur sera favorable, ces  populations dépendront moins de l’immigration pour être viables    et pourront donc s’établir sur place.

Le cycle de vie de la tique est hautement dépendant de la présence de mammifères, qui lui servent de garde-manger. «Cette tique vit normalement sur les herbes et non sur les animaux, précise le vétérinaire. Pour changer d’état, la larve doit prendre un repas de sang, ce qu’elle fait sur un petit animal comme la souris, puis elle retourne dans les herbes. Elle doit refaire la même chose pour passer de l’état de nymphe à celui d’adulte et prend alors son repas sur un plus gros animal tel un cerf. Pour se reproduire, elle doit prendre un troisième repas.»

Il semble que ce soit habituellement la tique adulte qui infecte les humains; ceux-ci peuvent l’attraper au cours de randonnées en forêt ou au contact de leur animal de compagnie qui a rapporté ces hôtes indésirables. Toutes les tiques ne sont cependant pas infectées et toutes les tiques infectées ne transmettent pas la bactérie. Par contre, plus longtemps la tique est présente sur le corps, plus grand est le risque d’infection. La meilleure protection consiste à porter des vêtements longs lors de randonnées dans les zones à risque.

Pas d’alerte
Les modèles climatiques employés par les chercheurs ne tiennent compte que de la température et ne prennent pas en considération les chutes de pluie, qui sont un élément défavorable à l’expansion de la tique. Il est généralement admis qu’au Québec le réchauffement entrainera plus de précipitations, mais les données varient sensiblement selon les régions et les modèles.

Au dire du professeur Bigras-Poulin, il n’y a pas lieu pour l’instant de s’alarmer, mais les chercheurs restent tout de même vigilants.

Daniel Baril

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