Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 25 - 26 MARS 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

32 chercheurs canadiens s’attaquent à la mammite bovine

L’infection coute 300 M$ par an aux producteurs laitiers du pays

La mammite bovine est de loin la maladie la plus importante dans le secteur laitier.

Les fermes laitières du Canada sont aux prises avec une endémie de mammite bovine, une inflammation de la glande mammaire qui force les agriculteurs à jeter d’immenses quantités de lait. «En termes économiques, c’est de loin la maladie la plus importante dans le secteur laitier», explique Daniel Scholl, directeur du Réseau canadien de recherche sur la mammite bovine (RCRMB).

Causée par une centaine de bactéries (dont la plus virulente est le staphylocoque doré), l’infection provoque divers symptômes, dont une enflure de la glande mammaire. Mais, dès son apparition, la bactérie peut rendre le lait impropre à la consommation. Celui-ci présente des caillots, devient grumeleux ou se coagule. «Même si l’on connait la maladie depuis le début du 20e siècle, on n’a jamais réussi à l’éradiquer», ajoute le professeur de la Faculté de médecine vétérinaire.

L’industrie laitière canadienne, principalement concentrée au Québec, en Ontario et dans l’Ouest canadien, a voulu s’attaquer au problème, car aucune région n’y échappe. Non seulement chacune des quelque 6000 fermes laitières de la province est touchée par l’endémie, mais chaque vache prise individuellement court le risque d’être infectée un jour ou l’autre. Au Canada, 20 % des lactations sont concernées, soit un sac de lait sur cinq! Sur des revenus totaux de 4,6 G$ pour l’ensemble de la production laitière, la mammite serait à elle seule responsable de pertes de l’ordre de 300 M$ annuellement.

S’il est essentiel de diagnostiquer cette infection de bonne heure pour limiter les pertes économiques, d’autres éléments entrent en jeu. «Quand un diagnostic de mammite est posé, la vache peut être traitée immédiatement aux antibiotiques, poursuit l’agronome Annick Lespérance, coordonnatrice administrative au Réseau. Le traitement dure de cinq à huit jours. Mais, pour éviter que des résidus d’antibiotiques se retrouvent dans le lait de consommation, la production est suspendue.»

Vaches dans l'étable

La bactérie peut rendre le lait impropre à la consommation.

Et la santé humaine?
Selon le vétérinaire Daniel Scholl, l’inflammation ne présente aucune menace pour la santé humaine malgré son incidence élevée chez les vaches laitières. «Le lait commercialisé au Canada est pasteurisé, et les bactéries ne survivent pas à l’opération. On peut donc le consommer sans crainte.»

Quant aux fromages au lait cru, non pasteurisé, le spécialiste ignore s’ils peuvent contenir des bactéries pathogènes.

Même si des mesures d’hygiène élémentaires comme se laver les mains et bien stériliser les appareils de traite peuvent enrayer la propagation de la maladie, la mammite bovine demeure une affection mystérieuse. Le RCRMB a été constitué pour rassembler les forces de 32 chercheurs d’un bout à l’autre du pays. «Après sa création en 2001 grâce à Valorisation-Recherche Québec et à la Fédération des producteurs de lait du Québec, le Réseau vient d’obtenir 8,7 M$ sur cinq ans pour financer ses travaux, commente Annick Lespérance. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et huit partenaires privés ont contribué à ce financement.»

C’est en sa qualité d’expert que M. Scholl a été invité à prendre la direction du RCRMB. Vétérinaire depuis 1987, cet épidémiologiste enseignait à l’Université de Californie, à Davis, lorsque l’Université de Montréal lui a offert un poste à la Faculté de médecine vétérinaire. En 2002, le Dr Scholl a déménagé au Québec avec sa femme et leurs quatre filles afin de relever le défi. «Je demeure stimulé par le travail qui nous attend», mentionne-t-il dans un excellent français.

Daniel Scholl

Daniel Scholl

Les chercheurs du Réseau proviennent de différentes disciplines: microbiologie, immunologie, génétique, sciences biologiques, médecine vétérinaire. Divers axes de recherche ont été définis, tant sur les plans du traitement et du diagnostic que sur celui de la prévention.

Le spécialiste n’est pas en mesure de préciser quel axe sera privilégié dans les prochains mois puisque la prévention n’est pas moins capitale que le traitement. De plus, les travaux de recherche fondamentale, en génétique par exemple, pourront aider à mieux comprendre les fondements de la maladie. «À court terme, je peux vous dire que nous pourrions obtenir davantage de succès en utilisant mieux les connaissances que nous possédons déjà.»

Ainsi, les agriculteurs pourraient facilement diminuer l’incidence de la mammite en adoptant de simples mesures d’hygiène comme le lavage des mains et la stérilisation du matériel. Du côté pharmacologique, on conseillerait d’appliquer un antibiotique prophylactique directement sur la glande mammaire (le pis de la vache) tout juste avant la fin de la lactation.

«Nous ne viendrons sans doute jamais à bout de cette infection, indique le Dr Scholl, mais nous pouvons certainement trouver des solutions pour diminuer les dommages qu’elle cause.»

Mathieu-Robert Sauvé

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