Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 25 - 26 MARS 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

37 % des membres des minorités visibles se disent victimes de discrimination

Les programmes d’éducation à l’interculturalisme n’auraient que très peu d’effet

Cette scène de la vie scolaire représente un modèle d’intégration qui n’a pas encore gagné tous les établissements, peu s’en faut.

Au Canada, 8 % de la population estime avoir été victime au moins une fois de discrimination au cours des cinq dernières années à cause soit de la race, de l’ethnicité, de la langue ou de la religion. La proportion est la même au sein de la population immigrante. Par contre, chez les minorités visibles, plus de 37 % des résidants se disent victimes de discrimination.

Fait plutôt troublant, la proportion de victimes de discrimination parmi les immigrants de la troisième génération est plus élevée que chez ceux de la première génération, c’est-à-dire 42 % contre 34 %. Le taux est de 36 % chez les immigrants de la deuxième génération.

«Cela est explosif, déclare Richard Bourhis, directeur du Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM). Ceux qui ont acquis les codes de la société d’accueil se sentent davantage touchés par la discrimination que ceux qui viennent d’arriver.»

Professeur de psychologie sociale à l’UQAM, Richard Bourhis a tiré ces chiffres d’une vaste enquête de Statistique Canada menée auprès de 42 500 répondants en 2002. Il en présentait les faits saillants au cours d’une conférence organisée par la Chaire de recherche du Canada sur l’éducation et les rapports ethniques à l’occasion de la Semaine d’actions contre le racisme.

Plus souvent la langue
Dans cette étude, les minorités visibles incluent les Indiens et les Pakistanais, les Noirs, les Latino-Américains, les Asiatiques, les Arabes et les Iraniens. Ils représentent 13 % de la population canadienne, soit trois millions de personnes. Dans cet ensemble, ce sont les Arabes qui se disent le moins souvent victimes de discrimination, soit 26 %, alors que les Noirs sont les plus nombreux à s’en déclarer les victimes, soit 50 %.

Au Québec, l’origine ancestrale non européenne comme motif de discrimination est légèrement inférieure à ce qu’on trouve dans le reste du Canada, soit 30 % contre 36 %.

Au Québec toujours, les plaintes relatives à la langue et même à l’accent sont plus nombreuses que celle liées à l’appartenance ethnique. Chez les résidants de langue maternelle anglaise, 19 % des victimes de discrimination le sont à cause de leur ethnicité, 25 % à cause de la couleur de leur peau et 67 % à cause de leur langue. Même chez ceux qui disent avoir le français comme langue maternelle, 61 % invoquent des actes de discrimination associés à l’accent.

Ailleurs au Canada, 68 % des francophones victimes de discrimination disent l’être à cause de leur langue. Cinquante-six pour cent des anglophones allèguent pour leur part la couleur de la peau.

Quelle que soit la langue maternelle, la religion est un motif cité par 8 % des victimes au Québec et 12 % dans le reste du pays.

Multiculturalisme peu efficace
Comment atténuer les préjugés à la source de la discrimination raciale? Le multiculturalisme n’a pas nécessairement la cote puisque 40 % de la population canadienne considère que la politique du multiculturalisme n’encourage pas l’intégration sociale des minorités (la proportion est de 34 % à Montréal, 41 % à Toronto et 43 % à Vancouver).

Richard Bourhis a passé en revue les diverses approches proposées par les psychologues sociaux.

Une première approche, reposant sur l’information, suppose que les préjugés sont le fait de l’ignorance de l’autre et que des programmes d’éducation interculturels et antiracistes devraient la corriger. Mais, selon les évaluations, l’effet de ces programmes sur les changements de comportements des élèves est très faible; leur efficacité repose sur les discussions entre les élèves et sur l’expression d’attitudes de tolérance par des élèves eux-mêmes.

Les contacts intergroupes sont eux aussi insuffisants pour contrer les préjugés. Pour produire un effet, ils doivent mettre en présence des individus de statut social égal, faire appel à la coopération dans la poursuite d’un but commun et recevoir l’appui d’une instance en autorité.

Du côté des interventions sociocognitives, ce serait les approches visant la «catégorisation croisée» qui auraient, tant en laboratoire que sur le terrain, les effets les plus importants. La catégorisation croisée consiste à mettre en évidence l’appartenance simultanée à deux catégories sociales et à soutenir l’identité multiple:un immigrant, par exemple, peut se dire québécois et musulman, alors qu’un Québécois d’origine pourrait être à la fois francophone et nord-américain.

Richard Bourhis

Richard Bourhis

Selon Richard Bourhis, cette dernière approche, parce qu’elle favoriserait la généralisation des relations harmonieuses intergroupes, serait ainsi la plus prometteuse. À cela, il convient d’ajouter des mesures légales préventives, comme l’action positive pour promouvoir l’employabilité chez les groupes sous-représentés dans certains secteurs, notamment lorsque les tensions intergroupes sont vives. Les études montrent toutefois que ces mesures sont moins bien acceptées lorsqu’elles sont destinées aux minorités ethniques plutôt qu’aux personnes handicapées et aux personnes âgées.

L’exposé du professeur Bourhis comportait également des données d’études internationales. On y apprend entre autres que ce n’est qu’au Canada que la population est largement majoritaire à estimer l’immigration comme un facteur positif pour la société:77 % de la population est de cet avis, comparativement à 49 % aux États-Unis, 46 % en France et 25 % en Italie.

Les données de ces exposés sont disponibles sur le site du CEETUM.

Daniel Baril

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