Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 26 - 2 avril 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Une passion chinoise

Le sinologue Charles Le Blanc se penche sur son parcours universitaire dans un livre publié aux PUM

Pour en savoir plus long sur le métier de sinologue.

«J’ai toujours cherché à aller au-delà de l’expérience immédiate. La Chine m’est ainsi apparue comme l’horizon le plus lointain que je pouvais atteindre», confie le professeur Charles Le Blanc, qui a plongé dans ses souvenirs pour relater l’essentiel de sa longue carrière de sinologue dans un livre paru en janvier dernier dans la collection Profession des Presses de l’Université de Montréal (PUM).

L’ouvrage a tout du petit précis de sinologie, bien que le parcours des spécialistes de la Chine demeure unique. «L’itinéraire de chaque sinologue est fait de séjours et d’expériences», souligne d’ailleurs le professeur spécialisé en philosophie chinoise, qui partage son temps entre l’Université de Montréal, l’Université de Moncton et l’Université de Pékin. Incorporant des anecdotes à la théorie, il démythifie cette science qui le passionne depuis plus de 40 ans. «La sinologie ambitionne de relever deux défis: comprendre la Chine en elle-même et faire comprendre la Chine en Occident», y écrit-il.

Depuis les pérégrinations de Marco Polo, l’Ouest s’est toujours montré fasciné par l’empire du Milieu et le regard qu’il porte sur lui est forcément comparatif.  M. Le Blanc s’amuse à faire ressortir quelques contrastes qui nourrissent l’imaginaire occidental. «Pratiquer une langue sans flexions, une écriture sans alphabet? Adhérer à trois religions plutôt qu’à une seule? Préférer les rites plutôt que les lois afin de régler les rapports sociaux? Manger avec des baguettes plutôt qu’avec un couteau et une fourchette? Faire du blanc plutôt que du noir la couleur du deuil? Concevoir le changement comme fondement du réel plutôt que l’être, la substance et l’essence?»

La société chinoise, de par ses modèles et ses normes uniques, constituait un terreau fertile pour l’ancien étudiant en philosophie qui éprouvait un malaise devant l’universalisme de la pensée occidentale. «Je voulais étudier une civilisation différente afin d’équilibrer cette prétention injustifiée à vouloir tout normaliser selon la vision occidentale», explique-t-il.

Les aspirations du jeune universitaire d’alors se heurtaient à une barrière de taille: la langue. Charles Le Blanc a toujours privilégié les sources de première main, même en philosophie, où il s’est employé à maitriser correctement le latin et le grec. Tout bon sinologue doit d’abord comprendre l’écriture chinoise avant d’espérer saisir l’essence même du pays de Mao. «La langue est pour moi plus qu’un outil de communication. C’est le moyen que chaque peuple utilise pour se représenter sa propre expérience», déclare  M. Le Blanc. Il a ainsi fait sien ce proverbe chinois: «La mémoire la plus vive est plus faible que l’encre la plus pâle.»

Chales Leblanc

Charles Leblanc

Une discipline essentielle
Alors que certains sinologues pratiquent leur science sans jamais fouler le sol de la Chine, Charles Le Blanc y séjourne de deux à trois mois par année. «J’ai dû y passer presque 10 ans de ma vie!» calcule-t-il. Il réside sur le campus de l’Université de Pékin, qui est jumelée à l’Université de Montréal depuis 1981 grâce à son concours. Depuis quelques années, il a pris l’habitude de sortir sa raquette de tennis de ses bagages dès son arrivée pour aller échanger quelques balles avec ses collègues chinois. «J’ai un plaisir naturel à être en Chine, dit-il. Elle me fascine plus que jamais. Actuellement, il y règne une grande effervescence sur tous les plans. Bien sûr, le progrès ne se fait pas également, surtout dans les régions. Je remarque cependant que les Chinois parlent plus librement. Ils n’hésitent plus à nous inviter dans leur maison. Ils en sont fiers.»

La croissance effrénée de la Chine rend la sinologie aujourd’hui plus importante que jamais, selon lui. Des manuscrits datant du 3e siècle avant Jésus-Christ  découverts dans des tombeaux  en 1970 ont offert aux sinologues une matière première inestimable. Cette nouvelle information a donné un nouveau souffle à la discipline. Une vingtaine d’éditions critiques de ces écrits ont été publiées depuis 1993. À partir de trois de ces textes mis au jour, Charles Le Blanc réalise présentement une grande traduction des idées de Confucius et de ses disciples qu’il publiera dans la Bibliothèque de la Pléiade, chez Gallimard, en 2008.

Dès le début de sa carrière, ce sinologue réputé a su déceler le potentiel de la Chine. «Des lectures de collège m’avaient laissé entrevoir que la Chine était destinée à devenir la première puissance de la planète, non seulement sur les plans géopolitique et économique, mais aussi sur les plans culturel et philosophique, raconte-t-il dans l’introduction de son livre. Je voulais être partie prenante de ce renouveau, surtout sur le plan des idées et des valeurs. Étudier la Chine, c’était en même temps étudier l’avenir de notre planète.» Et cela le demeure encore 40 ans plus tard.

Marie Lambert-Chan

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