Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 26 - 2 avril 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Neurones miroirs et conscience de soi

Une nouvelle étude montre un lien entre les neurones miroirs et l’empathie

Marie-Christine Désy

Marie-Christine Désy a fait un exposé de sa recherche qui lui a valu l’un des prix de la meilleure présentation affichée.

Selon des travaux réalisés par Hugo Théoret, les neurones miroirs – ces étranges neurones du cortex prémoteur qui s’activent lorsqu’on observe quelqu’un faire un geste – joueraient un rôle essentiel dans l’empathie en nous permettant de ressentir ce que ressentent les autres.

Une nouvelle étude, menée par l’une de ses étudiantes au doctorat, Marie-Christine Désy, apporte des éléments inédits quant au lien entre neurones miroirs et empathie. En cherchant à savoir si les neurones en question jouent un rôle dans la conscience de soi, l’étudiante a incidemment fait ressortir que les neurones miroirs des femmes s’activaient plus que ceux des hommes.

«Les neurones miroirs se situent dans le cortex où loge la représentation de chaque partie du corps, signale la chercheuse. Lorsque nous regardons un mouvement, comme une main qui bouge sur un écran d’ordinateur, les neurones miroirs liés à l’exécution de ce mouvement s’activent chez l’observateur sans qu’il esquisse le mouvement. Cela ne se produit que dans le cas d’un “mouvement biologique”; la réaction ne survient pas si l’observateur perçoit qu’il s’agit d’une main artificielle, en métal par exemple.»

Des travaux récents donnent à penser que ce système exercerait une action dans l’établissement de la distinction entre soi et les autres; les neurones miroirs réagiraient davantage quand l’observateur est en présence de personnes présentant des similarités avec lui sur le plan de la personnalité ou des opinions. Ce système semble donc jouer un rôle dans la conscience de soi, et Marie-Christine Désy et son directeur ont voulu savoir comment les neurones miroirs répondraient en présence de caractéristiques physiques similaires et différentes de celles de l’observateur.

Des résultats contre-intuitifs
La chercheuse a présenté à  48 sujets des séquences vidéo où des mains de femmes, d’hommes, de Noirs et de Blancs exécutaient un mouvement de l’index. «D’après les études précédentes, nous nous attendions à ce que le système miroir soit plus actif lorsque la personne observée possède des caractéristiques qui ressemblent aux nôtres», précise-t-elle.

À son grand étonnement toutefois, la différence notée a été contraire aux attentes: l’activité  s’est avérée plus importante quand la main différait radicalement de celle de l’observateur, c’est-à-dire lorsqu’elle était d’une autre race. «Le système des neurones miroirs est donc plus sensible quand la personne observée diffère de soi», souligne Marie-Christine Désy.

À son avis, la différence entre ces résultats et ceux des études antérieures serait due au fait que les autres travaux prenaient en considération des éléments de la personnalité qui demandent une évaluation cognitive supérieure à celle des simples différences physiques.

La plus grande surprise, cependant, a été de constater que la différence d’activité neuronale ne s’est produite que chez les femmes et que dans l’hémisphère droit, c’est-à-dire lorsqu’elles regardaient le mouvement d’une main gauche. Ceci a été remarqué chez toutes les femmes, tant chez les Blanches que chez les Noires. «Ces résultats sont à mettre en relation avec les autres travaux ayant montré que l’hémisphère droit joue un rôle plus important que le gauche dans la conscience de soi», affirme la chercheuse.

L’empathie féminine
Mais pourquoi uniquement chez les femmes? L’étudiante avance deux explications possibles. D’une part, la différence entre soi et l’autre pourrait susciter un affect plus marqué chez les femmes. Mais l’interprétation la plus probable est liée à l’empathie.
Comme l’ont démontré d’autres travaux d’Hugo Théoret, les sujets moins prédisposés à l’empathie, comme les autistes, présentent un déficit d’activation des neurones miroirs; ce déficit pourrait être, selon le professeur, l’une des causes de la difficulté pour les autistes de pouvoir se mettre dans la situation de l’autre.

Par contre, il est reconnu que les femmes sont généralement  plus disposées que les hommes  à l’égard de l’empathie. Cela a  de nouveau été confirmé dans cette étude par un questionnaire  évaluant le degré d’empathie  de chaque participant: sur une échelle de 80, le score moyen des hommes a été de 41 alors que celui des femmes a grimpé à 47. Cette différence est jugée significative et est de même proportion que celle précédemment obtenue par l’auteur du questionnaire auprès de 197 sujets. À ce même test, le score des autistes est de 20 sur 80.

La différence notée entre hommes et femmes dans cette recherche de Marie-Christine Désy pourrait ainsi être liée à la différence intersexe dans l’empathie. «Mais il nous reste à poursuivre les travaux, peut-être avec des autistes, pour mieux comprendre le phénomène», indique-t-elle.

L’exposé de cette recherche, à la journée scientifique annuelle tenue par le Département de psychologie le 21 mars, a valu à Marie-Christine Désy l’un des prix de la meilleure présentation affichée.

Daniel Baril

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