Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 27 - 10 avril 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

La fin d’un tabou pour le théâtre engagé?

Un colloque international sur les «liaisons dangereuses» entre théâtre, religion et politique aura lieu à l'UdeM le 13 avril et comptera parmi ses invités l'auteur Régis Debray.

Gilbert David et Catherine Bertho Lavenir

Après ses heures de gloire dans les années 70, le théâtre engagé est-il devenu tabou? C’est la question que débattront les participants d’une table ronde le vendredi 13 avril. Cette activité clôturera un colloque international de deux jours sur les «liaisons dangereuses» entre théâtre, religion et politique.

Organisé par la Chaire d’études sur la France contemporaine du Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM (CERIUM), le colloque vise à «examiner le rapport établi avec le politique par les activités culturelles», précise Catherine Bertho Lavenir, titulaire de la Chaire.

Vedette centrale de cette manifestation en cinq actes, l’auteur Régis Debray prononcera la conférence d’ouverture, prendra part à la table ronde et discutera de politique humanitaire avec Rony Brauman, ex-président de Médecins sans frontières. De plus, la première œuvre dramatique de l’auteur, Julien le fidèle ou le banquet des démons, publiée en 2005, fera l’objet d’une lecture mise en scène par Geoffrey Choinière, avec Guy Nadon dans le rôle-titre.

«Cette pièce de théâtre propose une réflexion sur la vision philosophique laïque de Julien, qui vit dans un régime théocratique du 4e siècle, explique Mme Bertho Lavenir. Il est plutôt inhabituel d’inscrire une lecture dramatique au programme d’un colloque, mais le thème autant que la mise en scène font partie de la réflexion que nous voulons susciter.»

Ce Julien, c’est Julien II, dit l’Apostat, gouverneur des Gaules puis empereur de Rome, que Régis Debray réhabilite dans une fiction sur fond historique ponctué d’anachronismes afin de dresser un parallèle avec le monde contemporain. Dans sa conférence d’ouverture «L’éloge du spectacle», l’auteur polémiste montrera comment le théâtre permet une expérience esthétique et intellectuelle à l’abri de l’agitation quotidienne et du brouhaha des communications.

éhicule de l’identité
«Le théâtre permet un rapport humain exceptionnel, une expérience partagée avec les comédiens et entre les spectateurs, ce qui échappe au cinéma et aux autres technologies de la communication», souligne Gilbert David, professeur d’histoire du théâtre au Département des littératures de langue française et l’un des organisateurs du colloque.

Selon le professeur, ce lieu de rassemblement et de partage demeure le pivot de la culture même si l’auditoire diminue. «Dans les années 70, poursuit-il, le théâtre a été le véhicule de la conscience identitaire québécoise. Aujourd’hui, une nouvelle conjoncture est créée par la charte canadienne qui fait du Québec une minorité alors que nous pensions être un peuple fondateur. L’espace politique canadien nivèle l’identité québécoise et c’est là le moteur de la rébellion des Franco-Québécois.»

Après une marginalisation du théâtre d’idées qui laisse craindre un nivèlement du questionnement sur les enjeux sociaux (thème qui sera abordé au cours de la table ronde), les milieux culturels seraient à l’aube d’une nouvelle effervescence, semblable à celle des années 70, estime Gilbert David. C’est de cette tension entremêlée de ressentiment qu’il traitera dans sa communication intitulée «La grande fatigue multiculturelle du Québec français», un clin d’œil à Hubert Aquin.

«Aquin faisait une lecture pessimiste du contexte culturel québécois et ne voyait pas comment on pouvait sortir de la léthargie sans rompre avec l’ordre politique de son époque.» Y voyant un parallèle avec la situation présente, le professeur déplore que les partis politiques actuels, Parti québécois en tête, n’aient pas placé la culture au cœur d’une politique de l’identité.

En poste comme titulaire de la Chaire d’études sur la France contemporaine depuis octobre dernier seulement mais très au fait de l’histoire et de la culture québécoises, Catherine Bertho Lavenir fait le même constat sur l’occultation de la culture. «C’est la langue qui est spécifique au Québec et je suis étonnée que la culture ne soit pas au premier plan des enjeux politiques, déclare-t-elle. Les Québécois sont très productifs sur la scène internationale et sont égaux en légitimité culturelle avec la France; il est étrange qu’on ne fasse pas de cette culture le noyau identitaire.»

Au lendemain d’une élection qui rebrasse les cartes de l’identité nationale québécoise et à la veille d’une seconde élection également nationale mais canadienne, un tel colloque ne pouvait mieux tomber. Outre la vingtaine d’universitaires du Québec, de la France et des États-Unis intervenant à titre d’experts, le colloque donnera la parole à des metteurs en scène, des critiques de théâtre et des directeurs de compagnies théâtrales.

Toutes les activités y compris la lecture dramatique sont gratuites, mais il faut s’y inscrire. On peut consulter le programme complet sur le site du CERIUM (www.cerium.ca).

Daniel Baril

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