Hebdomadaire d'information
 
Volume 41 - numÉro 27 - 10 avril 2007
 Sommaire de ce numéro
 Archives de Forum

Les nouvelles gauches en Amérique latine

De grosses pointures se penchent sur l’avenir de la gauche en Amérique latine

De gauche à droite, Victor Armony, Jean-Philippe Thérien, Graciela Ducatenzeiler, Kenneth Roberts, Carlos Waisman et Jorge Lanzaro

Après le règne du modèle économique néolibéral, la gauche reprend ses droits en Amérique latine. Mais quelle gauche? C’est la question complexe à laquelle ont voulu répondre les participants d’un colloque qui a eu lieu les 29 et 30 mars au 3200, rue Jean-Brillant, à l’initiative de Graciela Ducatenzeiler, professeure au Département de science politique.

En fait, ce sont les gauches, au pluriel, qui ont été examinées. Qui oserait en effet placer dans le même prisme idéologique le Vénézuélien Hugo Chávez et la Chilienne Michelle Bachelet? Si l’on en croit les experts venus au colloque, le modèle chilien est représentatif d’une mouvance plus sociale-démocrate, tandis que celui de Chávez incarne une gauche plutôt populiste apparentée aux populismes traditionnels des années 30 à 60.
Plus de 200 personnes ont assisté aux communications et débats du colloque organisé par le CERIUM, ce qui en fait l’une des activités les plus courues de l’année à l’Université.

D’entrée de jeu, le sociologue Victor Armony (UQAM) a constaté qu’il fallait mettre de côté les clichés traditionnellement associés à la gauche sud-américaine. Il a noté que la lutte des classes ne figure nulle part dans les discours officiels et que les gouvernements de gauche penchent résolument vers le centre.

Effectivement, dans un nombre significatif de pays d’Amérique latine, les gouvernements de gauche sont prêts à observer les règles du jeu de la démocratie politique.

«Cette gauche, a pour sa part rappelé Jorge Lanzaro, professeur et fondateur de l’Institut de sciences politiques de l’Université de la république de l’Uruguay, a renoncé à la transformation en profondeur de la société. Elle a des racines syndicales, mais elle cherche d’autres appuis dans la société.»

Autre caractéristique de la nouvelle gauche, elle s’inscrit de moins en moins dans un courant international.

«La nouveauté la plus importante, estime M. Lanzaro, ce sont les efforts déployés afin d’avoir une social-démocratie indigène, latino-américaine. On pense au Chili, au Brésil, à l’Uruguay.»

Pour sa part, Carlos Waisman, professeur à l’Université de Californie, à San Diego, a mis l’accent sur les différences qui caractérisent ces nouvelles gauches démocratiques. Le Chili et l’Uruguay seraient marqués par une forte dose de républicanisme, l’Argentine, le Brésil et le Mexique par une combinaison de républicanisme et de populisme, tandis que le Venezuela serait franchement populiste.

Et l’économie?
Les nouvelles gauches ont renoncé à transformer la société de façon révolutionnaire. Elles ne renoncent pas au capital privé ou à l’économie de marché, mais ne font pas moins face à des défis considérables afin de limiter l’impact de la mondialisation de l’économie. La nationalisation de certaines ressources peut être une avenue attrayante.

Et si tant de virages mettaient en péril la nature même de l’idéologie de gauche?
«Assistons-nous à une sorte de “blairisme tropical”?» a lancé M. Lanzaro, suivi par son collègue de l’Université Cornell Kenneth Roberts, qui constate qu’«on n’a plus la gauche qu’on avait».

Ce dernier remarque en outre que, dans plusieurs pays, ce n’est pas tant un virage net à gauche que l’effondrement des conservateurs de droite qui a entrainé le retour d’une certaine gauche qui «comble un vide».

Mais le clivage gauche-droite s’observe-t-il seulement en Amérique latine? Jean-Philippe Thérien, professeur au Département de science politique et directeur scientifique du CERIUM, a voulu en savoir plus long là-dessus. Il a consulté le World Values Survey – une enquête internationale sur les valeurs – pour y constater que la population latino-américaine se reconnaissait bien dans le clivage droite-gauche. 

«On a parfois l’impression que les notions de droite et de gauche sont dépassées depuis la fin de la guerre froide ou encore qu’elles ne s’appliquent pas aux pays moins développés. Mais il n’en est rien», a résumé M. Thérien, en transmettant ses données au colloque.

Paule des Rivières

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