Édition du 4 septembre 2001 / Volume 36, numéro 2
 
  L’archéologie en vedette au Centre d’exposition
Aux sources de la mémoire témoigne de la créativité amérindienne.

Fouilles à Pointe-du-Buisson

«Les visiteurs pourront voir de magnifiques objets qui ont été découverts par des amateurs, explique Sophie Limoges en montrant une sélection de pipes, pointes de flèches en pierre taillée et autres instruments finement décorés. Malheureusement, nous ignorons le lieu précis où ils ont été mis au jour ou à quelle profondeur dans le sol ils étaient enterrés. Par conséquent, ils sont en pratique inutiles pour l’étude anthropologique.»

Recherchés par les antiquaires, historiens et collectionneurs en tous genres, les artéfacts témoignant de la culture amérindienne d’avant l’arrivée des Blancs ont longtemps été de simples «curiosités». La préhistoire du Québec fait l’objet d’études dans les universités francophones depuis tout juste une quarantaine d’années. Le Centre d’exposition présente, à partir du 6 septembre, une rétrospective de l’archéologie québécoise qui donne une bonne idée du chemin parcouru depuis.

À l’Université de Montréal, c’est Normand Clermont qui a été le premier à s’intéresser à l’occupation du Québec ancien dans les années 60. Ce professeur du Département d’anthropologie a entrepris, notamment, des fouilles à Pointe-du-Buisson, près de Melocheville. Le site, riche en vestiges en raison de sa position stratégique le long du Saint-Laurent, est devenu une école pour les étudiants en anthropologie. Sophie Limoges, qui y dirige aujourd’hui les recherches, ne tarit pas d’éloges sur le pionnier. Grâce à lui, estime-t-elle, l’occupation ancienne du Québec a obtenu ses lettres de noblesse. En ce sens, l’exposition Aux sources de la mémoire lui rend hommage.

Collection Clermont

Une bonne partie des objets présentés à la salle d’exposition, issus notamment de la collection du Département d’anthropologie, ont été rapportés par M. Clermont lui-même au cours de ses voyages. C’est le cas de divers outils et de l’une des pièces majeures: un authentique canot d’écorce. Construite selon la méthode traditionnelle avec couteau croche et hachette, l’embarcation n’est pas une pièce archéologique comme telle; c’est un «objet ethnographique» qui permet aux chercheurs de comprendre lemode de vie des Amérindiens.

Sophie Limoges a eu le coup de foudre pour l'archéologie dans un cours sur les origines de l'art en Occident. Elle a aussiôt abandonné l'histoire de l'art pour s'inscrire en anthropologie.

«Ce canot témoigne d’une tradition millénaire, explique Sophie Limoges. Il a été fabriqué en 1974 par un aîné attikamek de la Haute-Mauricie, décédé aujourd’hui: Alfred Birothé.»

Fait de planches de thuya recouvertes de larges morceaux d’écorce de bouleau reliés entre eux par des racines enduites de résine, ce canot démontre à quel point les autochtones maîtrisent les fragiles matériaux de la forêt boréale. Les ancêtres des nations iroquoïennes et algonquines franchissaient jadis de grandes distances avec ces embarcations parfaitement adaptées aux rigueurs du pays.
Le volet ethnographique présente aussi différents objets constitués d’écorce, de bois, d’os et de cuir. Mais les pointes de flèches en pierre taillée (dont les plus anciennes datent du paléoindien, il y a plus de 10 000 ans) sont sans doute les plus impressionnantes pièces exhumées par les archéologues. Leur fabrication exigeait une grande maîtrise de la matière minérale. Mais le travail ne s’arrêtait pas là; encore fallait-il les fixer au bout d’une tige et les enfoncer dans les flancs du gibier.

Les organisatrices de l’exposition (Andrée Lemieux, directrice du Centre, ainsi que deux étudiantes, Coline Niess et Marie-Ève Brodeur) ont pu compter sur la collaboration du Parc archéologique de la Pointe-du-Buisson, du ministère de la Culture et des Communications, de l’Université de Chicoutimi et de la corporation Archéo-08.

8000 sites répertoriés

Au terme de 150 ans d’archéologie, comme l’indique le sous-titre de l’exposition, les chercheurs se retrouvent avec un problème inattendu: les artéfacts sont si nombreux qu’on manque de temps, d’argent et de spécialistes pour les analyser. «Les premières grandes fouilles, au Québec, ont été stimulées par l’exploitation hydroélectrique du Grand Nord, explique Sophie Limoges. Avant d’inonder un territoire, on faisait appel à des spécialistes pour qu’ils en extraient l’essentiel. Plusieurs firmes privées d’archéologie ont vu le jour à ce moment-là.»

Cette approche d’une archéologie de dernière minute s’est généralisée depuis. On entreprend des fouilles au moment de couler les fondations d’un bâtiment ou d’une autoroute. Résultat: les sites se multiplient — on en compte plus de 8000 — et les pièces s’accumulent dans des centaines de tiroirs sans livrer tous leurs secrets. «Il faudrait créer un centre d’études sur la préhistoire pour encourager la recherche sur ces témoins du passé», commente la jeune archéologue.

En attendant, l’exposition Aux sources de la mémoire présente une sélection des pièces majeures de la collection du Département d’anthropologie, dont certaines n’ont jamais été montrées au public. À noter, le 30 septembre, de 12 h à 18 h, à l’occasion des Journées de la culture et d’Archéo! Dimanche, les étudiants du Cercle de ressources en archéologie animeront des ateliers sur le travail des archéologues et des discussions sur ce métier hors du commun.

Mathieu-Robert Sauvé

Aux sources de la mémoire: 150 ans d’archéologie au Québec, du 6 septembre au 24 octobre, Centre d’exposition, 2940, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, local 0056, entrée libre.



 
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