Édition du 17 septembre 2001 / Volume 36, numéro 4
 
  La réussite scolaire: une question d’effort
Mais l’effort est trop peu valorisé, dit un expert.

Titulaire d’un baccalauréat en enseignement de l’histoire et d’un doctorat en psychologie du développement, Roch Chouinard enseigne à l’Université de Montréal depuis 1998.

Depuis 15 ans, Roch Chouinard poursuit des recherches sur les conditions de l’apprentissage en classe, de la petite école à l’université. Ce professeur de la Faculté des sciences de l’éducation en tire la conclusion suivante: ce qui distingue les élèves qui réussissent de ceux qui échouent, c’est la motivation. «Au primaire, cette motivation est souvent tournée vers l’extérieur — l’élève veut faire plaisir à son enseignant par exemple. Elle va changer de nature avec le temps et s’orienter vers l’atteinte d’objectifs plus personnels.»

Mais attention: atteindre ses objectifs, cela ne se fait pas en criant ciseau. Cela demande du temps et du travail. M. Chouinard s’élève contre la conception selon laquelle on peut apprendre sans effort. «Nous avons une conception de l’effort qui n’est pas très favorable à la réussite, souligne l’expert. Dans nos sociétés développées, le succès facile est perçu comme une preuve d’intelligence. Inversement, quand quelqu’un doit déployer beaucoup d’énergie pour parvenir à ses buts, on croit qu’il est moins intelligent. Ce n’est pas aussi simple.»

Pour le spécialiste, ceux qui obtiennent de bons résultats scolaires sont avant tout ceux qui travaillent le plus. Cette équation, qui peut sembler une évidence, n’est pas aussi bien ancrée dans les mœurs scolaires qu’elle le devrait. Les enseignants démissionnent souvent devant les élèves, les auteurs de manuels se torturent les méninges pour inventer des méthodes qui permettent de faire passer la matière «en douceur», etc. «Nous sommes sous le règne de la facilité et de la consommation rapide, dit Roch Chouinard. Les jeunes, aujourd’hui, veulent des gratifications immédiates. Difficile, pour eux, de comprendre que leurs efforts vont leur rapporter dans 10, 20 ans…»

Les filles plus tenaces

Il faut dire que les élèves, en usant les bancs d’école, ne sont pas imperméables aux valeurs, aux modes et aux préjugés qui colorent l’air du temps. Un article publié en 1998 par M. Chouinard dans le Journal of Research and Development in Education tente d’expliquer pourquoi les écoliers sont de moins en moins motivés à l’égard des mathématiques à mesure qu’ils grandissent. Une quinzaine de facteurs ont été analysés, de l’attitude des proches à la méthode d’enseignement.

D’abord, les jeunes notent qu’ils reçoivent de moins en moins d’encouragements de la part de leurs parents et de leurs professeurs en vieillissant. Ils ressentent également une anxiété de performance qui croît au moment où naissent leurs doutes sur l’«utilité» des matières scolaires.

Cette étude met également en lumière des différences entre les garçons et les filles. Celles-ci, manifestement, sont influencées différemment par des facteurs comme l’attitude des parents et des professeurs, l’anxiété de performance et la confiance en soi. Elles se démotivent moins facilement et persévèrent davantage. Selon M. Chouinard, ceci s’explique par le fait que les filles perçoivent l’effort comme un ingrédient indispensable du succès. Ainsi, elles s’appliquent davantage et valorisent les études. «Quand une fille appelle sa copine le soir, elle n’est pas gênée de dire qu’elle a un problème avec son devoir de français ou de maths. Un garçon va plutôt parler d’une émission de télé ou de la dernière partie du Canadien.»

Cette différence d’attitudes pourrait expliquer que les filles réussissent généralement mieux que les garçons. «Je ne crois pas que l’école soit faite sur mesure pour les filles, comme certains le pensent. D’ailleurs, n’oublions pas que le système scolaire est “pensé” par des hommes, que ce soit au ministère de l’Éducation ou dans les commissions scolaires. Cela dit, les garçons paient peut-être très cher le prix de la diminution des heures consacrées à des activités physiques qui leur permettaient de libérer leur agressivité, leur énergie. Je crois que des activités parascolaires axées sur le sport peuvent compenser cette lacune. Malheureusement, il y en a de moins en moins.»

Le défi des professeurs

Pour Roch Chouinard, qui a été lui-même professeur pendant 10 ans, il ne fait pas de doute que les pédagogues peuvent créer des conditions gagnantes au chapitre de la motivation scolaire. «L’école est là pour préparer les jeunes à la vie adulte. Elle est la transition entre le milieu familial et la collectivité. L’enseignant doit en être conscient.»

Comment le professeur peut-il stimuler la réussite des 25 à 30 élèves pleins de vie assis devant lui? Cela s’apprend, assure M. Chouinard. Mais avant tout, «une relation positive doit s’établir entre les enfants et leur enseignant, dit-il. D’abord, il faut installer des conditions propices à l’apprentissage, ensuite il faut travailler à maintenir ces conditions.»

Ses recherches indiquent que certaines pratiques pédagogiques peuvent exercer un effet bénéfique sur la motivation scolaire. Quelques exemples: présenter des tâches comme des défis réalistes; questionner les élèves de façon stimulante; favoriser la coopération entre eux; leur montrer à utiliser des stratégies d’apprentissage efficaces; leur faire comprendre le rôle de l’effort dans la réussite; leur montrer l’utilité des apprentissages; leur offrir des choix dans les activités; les aider à définir des buts personnels. Ce ne sont pas les idées qui manquent.

Roch Chouinard se défend bien de vouloir revenir à l’école d’autrefois. Au contraire, il adhère volontiers aux principes de la dernière réforme scolaire. «L’apprentissage par problèmes peut s’avérer une excellente chose. Les élèves peuvent être beaucoup plus motivés par des projets à réaliser en équipe que par des cours magistraux. Reste à savoir comment cette réforme sera appliquée.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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