Édition du 24 septembre 2001 / Volume 36, numéro 5
 
  Chaque année, une cinquantaine de Québécois apprennent l'arabe
Pierre Ahmaranian enseigne cette langue depuis 21 ans à l’Université de Montréal.

Pierre Ahmaranian est l’un des premiers à l’Université à avoir enseigné la langue arabe, dès 1980.

Trois jours après les tragiques événements du 11 septembre, Pierre Ahmaranian était encore sous le choc. «C’est horrible de voir qu’il peut y avoir une telle haine dans le cœur des hommes», dit ce chargé de cours en langue arabe et animateur à la section arabe de Radio-Canada International (RCI).

Les communautés arabe et musulmane de Montréal et de Toronto ont répondu avec fermeté au sondage qu’il a mené auprès des auditeurs de Canada ce soir, une émission diffusée sur ondes courtes et moyennes et dans Internet au Moyen-Orient et partout au Canada. «La condamnation est catégorique, soutient M. Ahmaranian. Il y a, bien sûr, quelques individus pour affirmer que “c’est bien fait pour les États-Unis”, mais ce n’est qu’une faible minorité.»

Rencontré dans les studios de RCI, l’animateur d’origine libanaise en a profité pour inciter au discernement. «Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier et traiter injustement les communautés arabe et musulmane du Canada, qui risquent d’être la cible de gestes malheureux».

Fuyant la guerre du Liban, il s’est installé avec sa femme à Montréal le 10 novembre 1978. Une date gravée dans sa mémoire. «Mon seul regret est de ne pas être venu plus tôt, indique M. Ahmaranian. Montréal s’est avéré un choix idéal sur les plans linguistique et culturel.» Après avoir enseigné aux arabophones de son pays natal, Pierre Ahmaranian s’est demandé comment il mettrait à profit son expérience professionnelle au Québec.

«J’ai toujours adoré l’enseignement, mais je suis aussi attiré par le journalisme depuis mon adolescence.»

Aujourd’hui, Pierre Ahmaranian est à l’antenne à RCI deux fois par semaine, en plus d’assumer à temps plein la réalisation des émissions à la section arabe et d’enseigner aux étudiants inscrits au mineur en études arabes de la Faculté des arts et des sciences. Il s’agit d’un programme de 30 crédits qui comprend à la fois des cours de langue et des cours d’histoire, de civilisation, de politique, de littérature et d’économie du monde arabe. Le module de formation en langue arabe comporte trois niveaux: élémentaire, intermédiaire et avancé.

Qui apprend l’arabe?

Mais qu’est-ce qui peut bien pousser un Occidental vers la langue arabe en 2001? La curiosité et l’envie d’apprendre, répond le chargé de cours. Comme pour n’importe quelle langue seconde. M. Ahmaranian sait de quoi il parle. Il enseigne avec beaucoup de succès cette langue, réputée si difficile, depuis 21 ans.

«Certains prétendent que, passé l’âge de trois ans, il est impossible d’apprendre d’autres phonèmes, dit-il. C’est faux. Beaucoup d’adultes parviennent à maîtriser le chinois et le russe avec un minimum de volonté. De même, les étudiants québécois arrivent à prononcer correctement les sons de la langue arabe.»

Il y a tout de même une barrière qui n’existe pas dans les langues latines. L’alphabet, d’abord, est totalement différent. Mais 18 des 29 lettres ont une prononciation absolument identique à celle du français. De plus, la plupart des lettres correspondent à un phonème, c’est-à-dire à un son particulier. «Ce n’est pas le cas en français, remarque le chargé de cours, où plusieurs lettres se prononcent différemment selon leur position dans le mot. Par exemple, la lettre x ne se prononce pas de la même façon dans les mots “dix” et “axe”.»

Une fois ce premier obstacle franchi, avec un peu de patience, il est possible d’apprendre à parler et à écrire l’arabe. «Il faut toujours se rappeler que chaque lettre se prononce, comme en espagnol ou en latin, ce qui est un avantage considérable pour l’écriture puisqu’on écrit l’arabe exactement comme on l’entend, contrairement au français et à l’anglais», souligne M. Ahmaranian.

Parmi la cinquantaine de personnes qui s’inscrivent chaque année à ces cours, il a observé quatre types d’étudiants. La plupart des participants sont d’origine nord-américaine et veulent maîtriser la conversation. D’autres, des traducteurs et des linguistes, désirent perfectionner leurs connaissances. Un troisième groupe cherche simplement à se cultiver. Il y a enfin les immigrants de seconde génération qui veulent garder leur patrimoine vivant.

Dominique Nancy 



 
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