Édition du 1er octobre 2001 / Volume 36, numéro 6
 
  Malgré les millions investis, le taux de décrochage scolaire reste élevé
Les programmes de prévention ne parviennent pas à réinsérer les jeunes au secteur régulier.

Aucune évaluation de l’efficacité des programmes de prévention du décrochage scolaire n’avait été faite avant l’étude de Michel Janosz.

La proportion de Québécois, tous âges confondus, ne possédant pas de diplôme d’études secondaires était de 16,5 % en l’an 2000, soit le même taux qu’en 1991. Pourtant, le ministère de l’Éducation a investi des millions de dollars dans des programmes de prévention du décrochage scolaire entre ces deux dates et annonçait, en mai dernier, de nouveaux investissements de sept millions pour les cinq prochaines années.

Chez les jeunes âgés de 18 ans et qui ne sont plus aux études, le taux de sans-diplôme est de 39 % chez les garçons et de 24,5 % chez les filles, alors qu’il était respectivement de 36 % et de 23 % en 1995.

«Malgré les investissements des années 90, il n’y a pas eu de baisse significative du taux de décrochage», constate Michel Janosz, professeur à l’École de psychoéducation.

La diminution, tout de même importante comparativement à 1975, alors que 43 % des Québécois ne terminaient pas leurs études secondaires, serait surtout attribuable à des modifications dans les méthodes de calcul, selon le professeur. La bonne nouvelle, c’est que les méthodes d’aujourd’hui sont plus précises et refléteraient mieux la réalité. «Exception faite du secteur professionnel, le décrochage scolaire au Québec se compare à ce qui est observé en Europe», précise M. Janosz.

Première évaluation des programmes

Ce qui étonne le plus le professeur, c’est que, même si le décrochage est considéré comme un problème grave depuis les années 70, aucune évaluation n’avait jusqu’ici été faite de l’efficacité des programmes de prévention.

«Sur les 1650 études que nous avons répertoriées et qui ont été publiées en français ou en anglais au cours des 25 dernières années, seulement 142 portaient sur des programmes d’intervention et à peine 27 comportaient des données empiriques, souligne-t-il. Une seule étude a été menée au Québec et elle était limitée à la petite enfance.»

Le ministère de l’Éducation a donc confié à Michel Janosz et à l’un de ses collègues de l’Université Laval, Marc-André Deniger, la tâche de réaliser la première évaluation quantitative et qualitative des programmes de prévention mis en place dans les écoles du Québec.

Le rapport qu’ils ont produit et qui a été rendu public en juin dernier évalue cinq programmes d’intervention implantés dans cinq écoles de milieux défavorisés de la région montréalaise. Quelque 70 élèves âgés de 12 à 18 ans, aux prises avec des retards scolaires ou des problèmes de comportement, participaient à ces programmes et ont été suivis pendant deux ans.

«Assurément, ces programmes ont un effet positif sur les attitudes des jeunes, du moins pendant qu’ils y sont inscrits, souligne Michel Janosz. On observe une augmentation de la motivation, une diminution des problèmes de comportement en classe, une amélioration du rendement scolaire et des rapports avec leurs enseignants. Mais la portée des interventions n’est pas suffisante pour que ces élèves réintègrent le secteur régulier et réussissent à fonctionner de façon normale et autonome.»

Très peu de changements sont notés sur les plans des comportements délinquants et de la motivation à s’insérer dans le marché du travail, problèmes que les deux chercheurs jugent plus graves que l’abandon scolaire en lui-même.

Pendant la première année de l’étude, 25 % des élèves inscrits aux programmes de prévention ont décroché. Au cours de la deuxième année d’observation, 51 % avaient abandonné l’école plutôt que réintégré le secteur régulier! Il faut toutefois préciser que ces élèves représentent les cas les plus à risque.

Meilleur encadrement

Aux yeux des chercheurs, l’amélioration passagère est surtout due à un encadrement plus serré et à de meilleures relations établies entre les professeurs et les jeunes. Le rapport enseignant-élèves, par exemple, y est de 1 sur 15 ou de 1 sur 20, alors qu’il est de 1 sur 30 au secteur régulier.

«Ceci demeure insuffisant parce que les programmes ne comblent pas les lacunes en ce qui concerne les habiletés sociales ou d’apprentissage des jeunes, problèmes qui ne sont abordés ni directement ni systématiquement, s’étonne Michel Janosz. La plupart des élèves concernés demeurent donc dépendants d’un environnement éducatif “protégé”.»

À son avis, il est essentiel que les prochains programmes annoncés par le ministre de l’Éducation remplissent ces lacunes et tiennent compte des recommandations de son rapport si le milieu de l’éducation veut en tirer quelque succès que ce soit.

Daniel Baril



 
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