Édition du 29 octobre 2001 / Volume 36, numéro 9
 
  Les personnes anxieuses font davantage de cauchemars
À 16 ans, les filles font 12 fois plus de mauvais rêves que les garçons.

Toré Nielsen a dirigé la première étude longitudinale permettant d'associer anxiété et mauvais rêves.

Plus une personne est anxieuse, plus elle est sujette aux mauvais rêves et aux cauchemars.

Une équipe de chercheurs dirigés par Toré Nielsen, professeur au Département de psychiatrie, vient d’établir ce lien entre anxiété et cauchemars de façon encore plus évidente que dans toute autre étude antérieure.

«Le lien avait déjà été observé à l’aide de petits échantillons, mais c’est la première fois qu’il fait l’objet d’une étude longitudinale où le nombre de sujets est suffisamment grand pour que les résultats puissent être étendus à l’ensemble de la population», affirme Toré Nielsen.

Quelque 610 garçons et filles ont participé à cette étude réalisée au Laboratoire des rêves et cauchemars que dirige le professeur Nielsen au Centre d’étude du sommeil et des rythmes biologiques de l’Hôpital du Sacré-Cœur. Plusieurs mesures d’évaluation de l’anxiété ont été utilisées, dont l’évaluation par les mères, et ceci, à deux reprises, soit lorsque les jeunes étaient âgés de 13 et de 16 ans.

Mauvais rêves et anxiété

L’étude a porté non seulement sur les cauchemars, mais sur l’ensemble des mauvais rêves. «Les mauvais rêves surviennent trois ou quatre fois plus souvent que les cauchemars, explique le chercheur. La différence entre les deux est que le mauvais rêve ne provoque pas le réveil du dormeur comme le fait le cauchemar. On ne sait d’ailleurs pas pourquoi, puisque les émotions semblent aussi intenses et les contenus paraissent les mêmes dans les deux cas.»

Les résultats montrent une corrélation positive significative entre les mauvais rêves et les trois types d’anxiété mesurée, soit l’anxiété de séparation, l’anxiété excessive et l’anxiété généralisée. Le lien le plus fort est observé entre mauvais rêves et anxiété excessive, c’est-à-dire une crainte exagérée liée à des situations précises (performance scolaire ou sportive par exemple). L’anxiété généralisée n’a quant à elle aucun objet clairement désigné.

«Lorsqu’on sépare le groupe en deux selon le nombre de mauvais rêves, ceux qui en font le plus souvent souffrent d’une plus grande anxiété. Ce lien est observé aussi bien chez les garçons que chez les filles.»

L’étude ne permet pas de dire s’il existe un lien causal entre les deux, ni quel serait le sens de cette causalité. Toré Nielsen est toutefois enclin à penser que c’est l’anxiété qui causerait les mauvais rêves puisque l’une des fonctions du rêve serait de dépeindre l’état émotif. Par ailleurs, un troisième élément pourrait être commun aux mauvais rêves et à l’anxiété. «Un trauma, une dépression, un stress post-traumatique, un deuil, une agression, tout ceci peut causer à la fois de l’anxiété et des cauchemars», souligne-t-il.

Plus souvent les filles

L’étude montre par ailleurs que beaucoup plus de filles que de garçons sont sujettes aux mauvais rêves. La différence est déjà observable à 13 ans et s’amplifie avec l’âge. À 16 ans, trois fois plus de garçons que de filles disent ne jamais faire de mauvais rêves alors que 12 fois plus de filles que de garçons disent en faire souvent.

Les filles rapportent généralement plus de rêves, agréables ou mauvais, que les garçons, mais l’écart intersexe subsiste même lorsqu’on tient compte de ce fait.

Ces observations sur les différences intersexes renforcent le lien entre l’anxiété et les mauvais rêves puisque les données cliniques montrent que les filles souffrent plus souvent que les garçons de désordres liés à l’anxiété excessive. Mais l’équipe de Toré Nielsen n’explique pas pourquoi la prévalence de l’anxiété ou des chocs post-traumatiques serait plus élevée chez les filles.

Ces résultats vont par ailleurs dans le même sens que ceux d’une autre étude à laquelle Toré Nielsen a participé et qui révèle que les adultes portés à faire des cauchemars souffrent aussi de symptômes obsessifs-compulsifs. Comme chez les adolescents, ces individus sont principalement des femmes. Aux yeux du chercheur, le cauchemar peut d’ailleurs être considéré comme une forme d’obsession par le côté exagéré de la situation rêvée ou l’aspect amplifié de l’émotion ressentie.

Daniel Baril



 
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