Édition du 29 octobre 2001 / Volume 36, numéro 9
 
  Pour mieux traiter la comorbidité en santé mentale et en toxicomanie
Un groupe d'experts recommande à Santé Canada le virage de l'approche intégrée.

Selon Louise Nadeau, une transformation des pratiques est nécessaire pour mieux traiter la cooccurrence des problèmes de toxicomanie et des troubles de la personnalité.

Les problèmes de santé mentale, graves ou légers, sont fréquemment accompagnés d’une consommation excessive d’alcool, de médicaments ou d’autres drogues. Alors que cette comorbidité semble largement répandue — 50 % des schizophrènes, par exemple, présentent des problèmes de consommation abusive d’alcool —, les milieux de la santé ne font que commencer à se pencher sur une approche intégrée qui viserait à traiter parallèlement et simultanément les troubles mentaux et la toxicomanie.

Santé Canada a mandaté un groupe d’experts pour étudier cette problématique afin d’élaborer un modèle de protocole assurant, pour chaque type de cooccurrence, les meilleures pratiques thérapeutiques possible. Louise Nadeau, professeure au Département de psychologie, fait partie de ce groupe d’experts qui a remis son rapport en juin dernier.

«Lorsque les gens décident de traiter un problème d’alcool ou de drogue, c’est généralement parce qu’ils sont aux prises avec d’autres difficultés reliées à la famille, au travail, à l’anxiété, à la dépression ou qu’ils sont même suicidaires, souligne la psychologue. Ces problèmes concomitants doivent être traités par une approche intégrée — c’est-à-dire par les mêmes cliniciens ou intervenants et à l’intérieur d’un même programme — puisque l’un des troubles peut empêcher la résorption de l’autre.»

L’ennui, c’est que les intervenants en santé sont peu formés et peu sensibilisés à cette dynamique complexe. Du côté des toxicologues, on ne se préoccupe pas de la dépression, alors que les thérapeutes ne sont pas portés à questionner les patients sur les problèmes de toxicomanie qu’ils ne savent pas comment traiter. «Cette situation amène les patients à se promener d’un service à l’autre», déplore Mme Nadeau.

«Et si l’on ne traite que la schizophrénie sans aborder un éventuel problème d’alcool, il y a de gros risques que la consommation provoque une rechute même si l’alcool n’est pas la cause de la schizophrénie.» De même, ne s’attaquer qu’à l’alcoolisme chez une personne qui pense à s’enlever la vie ne ferait pas disparaître ses tendances suicidaires.

Vigilance et formation

Selon la chercheuse, les événements tragiques de New York pourraient entraîner de nombreux cas de comorbidité entre santé mentale et toxicomanie, montrant bien l’importance d’une approche intégrée.

«Le choc post-traumatique chez les personnes ayant vécu ces événements de près pourra les conduire à une consommation abusive d’alcool ou de somnifères suivie dans six mois d’une accoutumance et de crises de panique. Les thérapeutes devront pouvoir discerner les symptômes causés par l’alcool ou les tranquillisants de ceux engendrés par le choc. Si les deux causes ne sont pas traitées en même temps, on ne réglera pas leur problème.»

Chaque type de comorbidité peut nécessiter une approche intégrée différente puisque les pratiques ne sont pas les mêmes selon les troubles mentaux diagnostiqués et selon l’objet de la consommation (par exemple une paranoïa entraînée par la consommation de cocaïne ou une dépression associée à la boulimie). Le comité d’experts a donc cherché à faire des recommandations les plus précises possible pour en arriver à un dépistage et à un traitement les plus appropriés qui soient.

«Il est essentiel d’instaurer la vigilance dans les services de santé», souligne Louise Nadeau, qui se réjouit de constater un début de transformation dans les pratiques. Il faudra aussi voir, à brève échéance, à former les intervenants à cette nouvelle approche.

Mme Nadeau a par ailleurs dirigé l’édition du numéro de novembre de la revue Santé mentale au Québec, qui traitera de comorbidité. Rassemblant des contributions de chercheurs et d’intervenants québécois, ontariens, américains et français, ce numéro présentera entre autres des exemples de réussite d’approches intégrées mises en place au Québec afin de traiter des cas de dépendance sévère à l’alcool et de troubles graves de la personnalité.

Daniel Baril



 
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