Édition du 26 novembre 2001 / Volume 36, numéro 13
 
  Les commotions cérébrales: des maux de tête pour les sportifs
La Dre Suzanne Leclerc étudie ces «ecchymoses au cerveau».

Victime de quatre sévères commotions cérébrales au cours des dernières années, un hockeyeur vedette des Rangers de New York, Éric Lindros, semble avoir retrouvé ses esprits depuis le début de la présente saison. Mais les coups à la tête, très fréquents dans des sports comme le hockey, pourraient avoir des répercussions, encore inconnues, sur une longue période. «Certains comparent les commotions cérébrales à des ecchymoses au cerveau. Mais la vérité, c’est qu’on ne connaît pas exactement l’effet des commotions cérébrales à long terme. On s’inquiète particulièrement des commotions répétées», commente Suzanne Leclerc, médecin à l’unité de médecine familiale de l’hôpital Notre-Dame.

La Dre Suzanne Leclerc croit que les Carabins qui feront la compétition l’an prochain aux équipes de football universitaires du Québec ne seront pas épargnés par les commotions cérébrales.

Dès qu’elle s’est intéressée à la médecine du sport, la Dre Leclerc a réalisé à quel point ce type de blessure était courant tant chez les joueurs professionnels que chez les amateurs. Au hockey, de 10 à 12 % des joueurs, et pas seulement dans la Ligue nationale, subissent une commotion cérébrale au cours de leur carrière. Au soccer, de 5 à 10 % des joueurs en sont victimes et au football collégial et universitaire, de 15 à 20 %. C’est l’une des blessures sportives les plus communes, estime le médecin. Mais c’est aussi une blessure potentiellement très grave, contre laquelle on ne peut prescrire aucun médicament; seul le temps guérit cette «ecchymose».
Selon la Dre Leclerc, les futurs footballeurs des Carabins de l’Université de Montréal doivent s’attendre à quelques maux de tête… «Je n’ai jamais vu de saison de football sans quelques accidents de ce type», dit-elle.

Pas évident, le diagnostic

Bien que le mal soit très répandu, l’un des problèmes des commotions cérébrales, pour les cliniciens, tient en une définition consensuelle. La Dre Leclerc a répertorié quelque 24 définitions de ce mal, dont trois ou quatre s’appliqueraient aux sports. Parmi elles, «aucune n’est universellement acceptée», signale le médecin.

D’ailleurs, un mythe tenace veut que la commotion cérébrale soit inévitablement accompagnée d’une perte de conscience. C’est faux. Dans 9 cas sur 10, la personne demeure consciente. Plusieurs chercheurs tentent actuellement de mettre au point un test capable de mesurer rapidement et simplement la gravité des commotions cérébrales.

Tout en poursuivant son travail au Département de médecine familiale de l’Université de Montréal, Suzanne Leclerc est inscrite au doctorat à l’Université McGill, où la médecine du sport est très développée. Durant ses études, elle a d’ailleurs participé à l’élaboration du test ACE (pour abreviated concussion evaluation). Ce test consiste en un questionnaire simple (quel est le score du match? Qui a gagné le précédent?, etc.) et en une série d’exercices physiques exigeant peu d’efforts. Le médecin peut, en cinq minutes, savoir si le joueur souffre d’une commotion cérébrale.

L’expertise de la Dre Leclerc lui vient en bonne partie de son expérience acquise sur le terrain. Depuis plusieurs années, Suzanne Leclerc suit les équipes d’élite de hockey et de football de l’Université McGill. Cela signifie qu’elle ne manque presque aucun match des équipes universitaires. C’est elle qu’on voit accourir lorsqu’un soldat tombe au combat. Mais son travail ne s’arrête pas là. «Le lundi matin, il y a toujours une grande affluence à la clinique. On ausculte les blessés de la fin de semaine. Pas seulement des victimes de commotions cérébrales, heureusement.»

Contre la boxe

Bien qu’ils appartiennent à la catégorie des sports «de contact», le football et le hockey n’ont pas pour but de causer des commotions cérébrales. La boxe par contre oui, dont le K.-O. n’est autre chose qu’une commotion cérébrale avec perte de conscience. Au bout de plusieurs années, on a remarqué que les boxeurs peuvent souffrir d’une maladie très sérieuse: la démence du pugiliste, dont les symptômes rappellent la maladie de Parkinson. «Je ne peux pas être en faveur d’un tel sport», dit la Dre Leclerc.

Si cette démence n’a pas été observée chez les hockeyeurs qui ont accroché leurs patins, plusieurs spécialistes s’entendent sur l’urgence de diminuer l’incidence de ces accidents. Suzanne Leclerc estime que le problème n’est pas attribuable à l’équipement — quoique peu de joueurs attachent convenablement leur casque ou sachent qu’ils doivent le changer chaque année —, mais à un manque de volonté politique. «Les règlements ne sont simplement pas appliqués», lance-t-elle.

N’importe quel amateur de hockey sait que les coups vicieux ne sont pas tous punis, et pas assez sévèrement. Or, la Ligue nationale de hockey (LNH) a annoncé récemment son intention de punir les coups à la tête de manière plus sévère afin de réduire le nombre de commotions cérébrales. Dans cette veine, elle songe aussi à modifier les patinoires et l’équipement des joueurs. Elle encourage également les joueurs à porter une visière et à mieux ajuster la courroie de leur casque. Ces initiatives font suite aux recommandations d’un comité composé de dirigeants de la LNH et de ses équipes, de joueurs et de dirigeants de l’Association des joueurs de la LNH, ainsi que de médecins d’équipe, de soigneurs, d’arbitres, de gérants d’équipement et de manufacturiers.

Assez curieusement, tant au hockey que dans d’autres sports, l’élément qui protège l’entrejambe ne pose aucun problème, comme si les athlètes prenaient davantage soin de leur organe reproducteur que de leur cerveau. «C’est encore pire à la boxe, où l’on interdit les coups au-dessous de la ceinture et où l’on encourage les coups à la tête…», reprend la Dre Leclerc avec un sourire narquois.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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