Édition du 26 novembre 2001 / Volume 36, numéro 13
 
  Une caméra qui voyage dans le système digestif!
Avaler une caméra miniature, c’est moins désagréable que de subir une endoscopie, ont confirmé les patients.

«Le plus dur, c’est de l’avaler», dit Sabrina, 11 ans, à propos de la caméra qui a photographié l’intérieur de son système digestif. De la taille d’un gros noyau d’olive, cet appareil «révolutionnaire» émet des flashs qui éclairent les parois des voies naturelles et produit des images qu’il transmet à un récepteur hors du corps. L’ingestion de cette drôle de capsule, capable de prendre des photos d’une précision remarquable de l’intestin grêle, a évité à la jeune patiente les épreuves que constituent l’endoscopie ou la scanographie à résonance magnétique nucléaire. Traitée à l’hôpital Sainte-Justine pour des problèmes intestinaux, Sabrina est l’un des quatre premiers enfants au monde à avoir profité de cette innovation.

«Il y a deux mois, la Food and Drug Administration a donné son approbation à l’utilisation de la capsule sur des adultes. L’organisme a demandé à notre équipe d’explorer la technologie sur des enfants», dit le directeur du service de gastroentérologie, le Dr Ernest Seidman. Sous sa supervision, une recherche auprès de 30 enfants est actuellement en cours et devrait être terminée avant Noël.

Capable de prendre jusqu’à 50 000 clichés durant son trajet d’une durée de sept heures environ, l’engin envoie des signaux radio à un récepteur situé hors du corps. Pour le patient, cela signifie aucune radiation, pas d’anesthésie ni même d’hospitalisation. D’ailleurs, à en croire Sabrina, Mario, Marc-André et Étienne, présentés par le Dr Seidman comme des «héros», le pire inconfort vient du récepteur de signaux émis par la caméra, un appareil qu’il faut porter à la ceinture.

Plus efficace?

Avaler une caméra miniature, c’est moins désagréable que de subir une endoscopie, ont confirmé les patients présents à la conférence de presse le 12 novembre dernier. Mais est-ce plus efficace? «Oui, répond sans hésiter la Dre Josée Dubois, radiologiste et membre de l’équipe de chercheurs. Pour la maladie de Crohn, certaines malformations vasculaires et les polypes, l’endoscopie n’est d’aucun secours, car nous ne pouvons pas aller très loin dans l’intestin. La capsule permet d’explorer l’ensemble avec une grande précision.»

La caméra M2A peut prendre 50 000 photos du système digestif durant son voyage «fantastique» de sept heures. Son prix: 900 $ pièce.

Selon la radiologiste, l’imagerie par résonance magnétique nucléaire donne des clichés d’une plus grande précision dans les détours de l’intestin grêle, mais cette technologie a le défaut de nécessiter des doses importantes de radiations.

Pour les cliniciens, la nouvelle technologie permet un diagnostic plus précis, car elle donne accès à l’ensemble de l’intestin grêle «comme si vous y étiez», pourrait-on dire. D’ailleurs, l’ordinateur qui est relié au système peut produire un film vidéo de l’intestin grêle à partir des images obtenues.

Rappelons que les pathologies de l’intestin sont particulièrement difficiles à reconnaître, et la maladie est souvent très avancée au moment où les spécialistes posent un diagnostic. Les ulcérations qui causent la maladie de Crohn, très courante chez l’enfant, sont notamment visibles sur les images transmises par la caméra. Les hémorragies intestinales, les polypes et certaines tumeurs sont aussi plus faciles à apercevoir.

«De plus, signale le Dr Seidman, comme l’appareil produit des images numériques, nous pouvons les transmettre facilement à des collègues étrangers par Internet. Pour moi, c’est une technologie digne de Jules Verne.»

Attention aux blocages

Selon la Dre Dubois, un problème pourrait survenir avec la caméra M2A si celle-ci restait bloquée dans le système digestif. Il faudrait alors recourir à une chirurgie, avec tout ce que cela implique. «Nous devons donc nous assurer que les patients ne présentent pas de risque de ce côté», dit-elle.

L’un des objectifs de la recherche menée à l’hôpital Sainte-Justine consiste précisément à déterminer l’âge à partir duquel on peut recourir à la caméra miniature.

Même si elle représente un bel exemple de miniaturisation, la caméra M2A n’en constitue pas moins une première génération. On aurait déjà fabriqué des prototypes plus compacts. Certains modèles sont même capables de voyager littéralement dans le corps en revenant sur leurs pas par exemple. On pense ici au Voyage fantastique, un classique de la science-fiction.

Selon le Dr Seidman, le fait que l’entreprise Given Imaging Ltd a choisi l’hôpital montréalais pour ses premiers essais sur les enfants en dit long sur la réputation en matière de recherche clinique pédiatrique de l’établissement. En plus des Drs Seidman et Dubois, la radiologiste Marie-Claude Miron participe au projet de recherche.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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