Édition du 10 décembre 2001 / Volume 36, numéro 15
 
  L'hécatombe des carpes: le mystère persiste
Les analyses effectuées à ce jour pour trouver la cause de l’hécatombe de juin dernier n’ont rien révélé.

André Dallaire ne s’avoue pas encore vaincu. Il tentera une infection expérimentale de poissons d’aquarium avec des broyats de carpes retrouvées mortes sur les berges du fleuve.

Au mois de juin, c’est par milliers que les responsables du ministère de l’Environnement ont ramassé des carpes mortes sur les rives du Saint-Laurent. Plus de 25 000 poissons se seraient échoués sur les berges, entre Montréal et Montmagny. Le phénomène a aussi été observé sur la rivière des Mille-Îles et la rivière des Prairies, puis tout est redevenu normal.

Dans certaines zones, le problème a atteint une telle ampleur que le ministère a dû procéder à grands frais à un nettoyage des berges.

Une diminution significative du nombre de carpes pourrait aggraver l’état de santé du fleuve en entraînant une prolifération d’insectes aquatiques dont se nourrissent ces poissons.

Un tel phénomène n’ayant jamais été observé auparavant, les responsables du ministère ont voulu en connaître les causes et ont confié au Centre de santé des animaux sauvages de la Faculté de médecine vétérinaire le mandat d’analyser les dépouilles.

L’hypothèse d’un déversement toxique a été écartée puisque 90 % des poissons morts étaient des carpes. «Les autopsies ont révélé des lésions cutanées sévères et une nécrose des branchies, indique André Dallaire, directeur du Centre. Les analyses ont aussi montré la présence d’un virus, Aeromas hydrophila, dans certains tissus des poissons.»

Cette bactérie présente dans l’eau se retrouve normalement dans les branchies des poissons, mais il est anormal qu’elle ait été trouvée dans le foie des carpes. Selon André Dallaire, elle ne serait toutefois pas la cause des décès. Elle a simplement profité des lésions pour envahir l’organisme.

Certains ont avancé que les carpes avaient pu être atteintes de la virémie du printemps, une maladie infectieuse qui affecte ce poisson en Europe, ou encore du virus de l’herpès, déjà signalé aux États-Unis, mais ces maladies n’ont jamais été détectées ici. «Le type de lésion observée ne correspond pas à ces maladies et les cultures commandées au laboratoire de virologie de l’Atlantic Veterinary College de l’Île-du-Prince-Édouard n’ont rien révélé», avoue André Dallaire, un peu désemparé.

Encore la semaine dernière, le chercheur poursuivait ses investigations en procédant à des examens des lésions au microscope électronique. «L’observation des caractéristiques des lésions et de leur périphérie aurait pu nous mettre sur une piste ou montrer la présence de particules virales. Mais ces examens n’ont rien donné non plus.»

Des facteurs facilitant la propagation des maladies ont aussi été pris en considération pour expliquer l’hécatombe, comme la baisse du niveau de l’eau et la hausse de sa température en pleine période de frai, au moment où les mâles sont stressés et mangent peu.

André Dallaire continue pour sa part de privilégier l’hypothèse virale même s’il ne parvient pas à mettre un nom sur l’ennemi. La dernière tentative, avant de s’avouer vaincu, sera de tenter une infection expérimentale de carpes d’aquarium avec des broyats de tissus de carpes mortes pour observer si ces poissons développeront des lésions causées par un agent infectieux.

Daniel Baril



 
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