Édition du 10 décembre 2001 / Volume 36, numéro 15
 
  Objectif Epsilon Eridani
L’équipe d’astrophysique espère toujours réussir la première photographie de planète extrasolaire, sinon d’un ballon à Québec!

«C’est de bon augure», affirmait Christian Marois avant son départ pour Hawaii.

Un optimisme réaliste régnait au Département de physique il y a deux semaines, alors que des chercheurs du groupe d’astrophysique s’apprêtaient à partir pour Hawaii. Non pas pour y passer leurs vacances mais pour relever un défi colossal: réussir la première photo de planète extrasolaire.

Plusieurs essais ont déjà été effectués au télescope Canada-France-Hawaii (TCFH), mais le procédé nécessite une technologie fort complexe et longue à mettre au point. «Nous apprenons beaucoup à chaque mission», reconnaît René Doyon, assistant de recherche au Département de physique. Même si les probabilités de réussir dès cette mission lui paraissent faibles et que les résultats ne seront connus que dans plusieurs mois, il demeure optimiste et confiant.

 

Epsilon Eridani

Une magnifique photo de l’étoile Gl229 prise par l’équipe d’astrophysique au télescope Canada-France-Hawaii. Le point à droite est une naine brune 13 fois plus massive que Jupiter et qui gravite autour de l’étoile principale.

L’une des 10 étoiles ciblées pour cette observation jouit déjà d’une grande popularité auprès des médias et des astronomes: Epsilon Eridani. Située dans la constellation d’Éridan (la Rivière), visible de l’hémisphère sud, cette étoile présente des conditions semblables à celles de notre système solaire: relativement près de nous, soit à 10,5 années-lumière, elle est accompagnée d’une planète de taille comparable à Jupiter et la distance entre cette planète et Éridan est également du même ordre que celle entre Jupiter et le Soleil.

Ceci en fait une bonne candidate à l’observation puisque les autres planètes extrasolaires découvertes à ce jour sont beaucoup trop près des étoiles pour être observées avec les méthodes actuelles.

Mais le défi demeure de taille et même le télescope spatial Hubble n’a pas réussi cet exploit. L’équipe d’astrophysique est déjà parvenue à photographier des étoiles naines brunes, mais pas encore de planètes qui, même géantes, ont une luminosité 100 000 fois plus faible que celle d’une naine brune.

«Ce que nous essayons de faire équivaut à photographier, à partir de Montréal, un ballon de basket placé à Québec ou encore un objet de quelques centimètres à côté du mont Everest, haut de 10 km», indique Christian Marois, étudiant-chercheur qui consacre son doctorat à analyser les données de ces observations.

L’étudiant met sa confiance dans la nouvelle caméra dont dispose l’équipe et qui a été baptisée Trident. Cet appareil unique au monde, qui pourrait devenir le prototype d’une nouvelle génération de caméras, peut prendre en simultané des photos dans trois longueurs d’onde différentes, ce qui permet de faire ressortir les contrastes entre le signal lumineux de l’étoile et celui de la planète.

«Si les trois photos étaient prises séparément, elles présenteraient des différences à cause de la turbulence atmosphérique, explique Christian Marois. Combiné avec l’optique adaptative, ce procédé permet de neutraliser au maximum ces effets de turbulence.»

Deux des longueurs d’onde dans lesquelles opère Trident se situent dans la bande d’absorption du méthane, un gaz qu’on ne retrouve pas dans les étoiles mais qui est présent dans l’atmosphère des planètes gazeuses massives et froides qu’on recherche, comme le montrent les photos de Saturne (voir ci-dessous).

La photo du centre et celle de droite, prises dans les bandes d'absorption du méthane, font ressortir le contraste entre la planète Saturne et ses anneaux. Les chercheurs espèrent que le même procédé pourrait rendre visible les géantes gazeuses qu'ils tentent de débusquer.

La photométrie est incontournable

Pas moins de 74 planètes extrasolaires ont par ailleurs été découvertes depuis cinq ans par l’analyse des vitesses radiales des étoiles, un procédé indirect basé sur les oscillations de l’étoile causées par la présence de planètes massives. Ces planètes sont toutes des planètes gazeuses géantes faisant de 2 à 10 fois la masse de Jupiter.

Mais pourquoi s’acharner à vouloir les observer par photométrie? «La vitesse radiale ne nous fournit pas toute l’information, répond Christian Marois. Elle permet de déterminer la masse mais pas le volume de la planète. De plus, la photométrie permettrait de calculer la vitesse de l’orbite et la température de la planète, de détecter la présence d’atmosphère et de définir sa structure chimique, de révéler la présence de lunes ou d’anneaux, etc. La seule façon de poursuivre l’analyse de ces astres sous-stellaires pour obtenir ces renseignements est de recourir à la spectrométrie.»

L’étude de plusieurs dizaines de ces planètes pourrait permettre de mieux comprendre le processus de formation des systèmes planétaires et d’évaluer leur importance relative dans la constitution de la masse manquante.

Et après l’observation au TCFH, l’équipe d’astrophysique misera sur une prochaine mission au tout nouveau télescope Gémini, également situé à Hawaii, dont le miroir de huit mètres est plus du double de celui du TCFH.

Daniel Baril



 
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