Édition du 14 janvier 2002 / Volume 36, numéro 16
 
  Normand Chaurette, écrivain en résidence
Le dramaturge se tient à la disposition des étudiants du Département d’études françaises.

Lauréat de deux prix littéraires du Gouverneur général du Canada, Normand Chaurette assure jusqu’en avril une présence de deux jours par semaine au Département d’études françaises pour les étudiants qui désirent le rencontrer.

Jamais à la même heure mais souvent au beau milieu de la nuit, un bureau s’éclaire dans le quartier Villeray. Une vieille habitude. Normand Chaurette travaille quand la plupart des gens dorment. Le dramaturge québécois, lauréat de deux prix littéraires du Gouverneur général, a écrit 13 pièces de théâtre et une dizaine d’œuvres radiophoniques depuis ses débuts, en 1975. Il est aussi l’auteur d’un roman, Scènes d’enfants, et de quelques nouvelles publiées aux Éditions Leméac. Une moyenne d’environ une publication par an. Comment fait-il pour produire autant?

«Question de discipline», répond-il modestement. Et le talent? «Un mot médiatique. La clé du succès, c’est le travail. On vit dans une société qui n’encourage pas le travail. Cela permet à plusieurs de croire qu’on va s’endormir pauvre et se réveiller riche. Il faut, bien sûr, de la chance pour réussir dans ce métier, mais la réussite ne dépend pas seulement de notre bonne étoile ni de notre talent.»

Ce conseil, qu’on lui a donné alors qu’il étudiait la littérature en 1979 à l’Université de Montréal, Normand Chaurette le répète aujourd’hui aux étudiants du Département d’études françaises. Depuis l’automne 2001, il effectue une résidence à son alma mater. Pour lui, c’est l’occasion de se consacrer à l’écriture d’un deuxième roman et de rencontrer les étudiants. Il perçoit son rôle auprès d’eux comme celui d’un mentor. Il lit, annote leurs textes et répond à leurs questions sur le métier.

«Un écrivain apprend sur le tas, mais les conseils peuvent parfois faire gagner beaucoup de temps», affirme M. Chaurette. La plus belle qualité d’un guide, selon lui, c’est de savoir questionner ses interlocuteurs. Questionner pour obliger les étudiants à cheminer et à réfléchir. «Sur les raisons qui les motivent à poursuivre des études en lettres, notamment. Car, s’ils rêvent d’une qualité de vie qui n’a rien à voir avec la condition de l’artiste, la vie va se charger de leur rappeler la réalité. Rares sont les écrivains riches. Il y a aussi toutes les interrogations liées au rapport entre l’écriture et la vie. Par exemple, comment gère-t-on son quotidien quand on est créateur? Comment fait-on pour durer dans ce métier? Cela n’est pas si simple et nécessite une réflexion.»

Moins de théâtre, plus de romans

Normand Chaurette ressemble à un enfant. Un grand enfant aux yeux rieurs qui parle et gesticule beaucoup pour cacher sa timidité. «Adolescent, j’étais du type “angoissé”, admet-il. Mes premières années à l’université ont été difficiles. J’étais terrorisé à l’idée de faire des présentations devant la classe. Vous savez, c’est aussi la période où l’on craint ce qui nous attend.»

Le succès ne l’a pas rendu plus à l’aise en public et il fuit les médias électroniques. «J’accorde des entrevues aux journalistes de l’écrit parce que je ressens une complicité avec eux. Mais jamais d’interviews à la radio ni à la télé. Le son et l’image sont des univers avec lesquels je suis mal à l’aise. J’ai plus peur de cela que du virus Ébola!»

En 1998, quand Le passage de l’Indiana a mérité trois Masques, Normand Chaurette n’était pas dans la salle. Il regardait le gala à la télévision. Et à la première des Reines, première pièce du répertoire québécois à avoir été jouée à la Comédie-Française, il était… dans sa chambre d’hôtel! «J’aime le milieu, mais ce genre de mondanités, non merci. C’est beaucoup trop stressant. Je suis assez angoissé de nature, je refuse de me mettre encore plus de pression sur les épaules.»

Sa présence en nos murs est plus paisible qu’à l’époque où il y faisait ses études. Les couloirs du Pavillon Lionel-Groulx lui sont familiers et l’emplacement de son bureau, situé en face de celui attribué aux professeurs retraités, contribue à lui rappeler des souvenirs. «Ce sont presque tous des professeurs qui m’ont enseigné», dit-il en montrant du doigt la liste des noms qui figure sur la porte du local C-8039. «Ça fait un peu étrange de me retrouver ici, mais cela me permet d’être plus disponible pour l’écriture.»

Sa première expérience d’«écrivain en résidence» coïncide avec un changement de cap. «Je délaisse tranquillement le théâtre. J’ai envie de relever un nouveau défi», confie le dramaturge à Forum. Ce défi prend la forme d’un roman. «Pour l’instant, j’en suis à l’étape des gammes. Je construis des personnages dont les noms changent tous les jours. Probablement que je n’utiliserai qu’une infime partie de ce travail, mais je fais l’exercice quand même. On verra.»

Parions que l’œuvre sera organisée telle une partition musicale comme ses productions théâtrales. Car la musique est une de ses sources d’inspiration privilégiées. Il est d’ailleurs aussi pianiste et compositeur. Et c’est sans doute pourquoi les mots de Normand Chaurette sont magnifiquement sonores.

Fils d’une mère pianiste et d’un père médecin, Normand Chaurette est né en 1954 à Montréal. Lauréat du Concours d’œuvres dramatiques de Radio-Canada en 1976 et du prix Paul-Gilson pour Rêve d’une nuit d’hôpital, il enseigne, après l’obtention de son diplôme de maîtrise, le français dans un centre d’accueil pour réfugiés qu’il a lui-même fondé. Cette expérience le conduira à écrire Fragments d’une lettre d’adieu lus par des géologues, une pièce pour laquelle il obtient en 1988 le Prix de l’Association québécoise des critiques de théâtre. Il a également reçu en 1993, pour Les reines, le prix F. Lloyd Chalmers ainsi que le Prix du Gouverneur général du Canada, catégorie «théâtre», pour Le passage de l’Indiana en 1996 et pour Le petit Köchel en 2001.

La plupart de ses pièces ont été produites à Toronto, Edmonton, Vancouver, New York et diverses villes aux États-Unis. Il a aussi été joué à Paris, Bruxelles, Florence, Barcelone et Édimbourg. Ses œuvres ont été traduites en plusieurs langues, notamment en anglais, en italien, en catalan, en espagnol et en allemand. Normand Chaurette a aussi signé de nombreuses traductions de pièces de Shakespeare, ainsi que des textes français à partir de traductions littérales d’Ibsen et de Schiller.

On peut joindre M. Chaurette au (514) 343-6241. Son bureau est le C-8038 du Pavillon 3150 Jean-Brillant.

Dominique Nancy



 
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