Édition du 21 janvier 2002 / Volume 36, numéro 17
 
  Le capital social pour se sortir de l’aide sociale
Pour réintégrer le marché du travail, mieux vaut compter sur nos contacts que sur les programmes d’aide.

La recherche de Maurice Lévesque a remporté le Prix pour la recherche sur les politiques au Canada.

Les personnes touchées par une perte d’emploi ont tout intérêt à maintenir des contacts à long terme avec leur ancien milieu de travail.

Une étude de doctorat, réalisée par Maurice Lévesque au Département de sociologie, montre que ceux et celles qui ont réussi à réintégrer le marché du travail après une interruption de deux ans ou plus l’ont fait grâce aux liens qu’ils ont maintenus avec d’anciens collègues de travail.
Dans leur cas, les programmes gouvernementaux de réinsertion au travail n’avaient rien donné.

Le chercheur a comparé deux groupes de 108 bénéficiaires de l’aide sociale afin de découvrir des caractéristiques pouvant distinguer ceux qui ont quitté le régime et ceux qui y sont demeurés. L’étude montre que 90 % de ceux qui ne recevaient plus de prestations d’aide sociale s’en étaient sortis en retrouvant un emploi, les autres s’étant mariés ou ayant effectué un retour aux études.

«Ceux qui ont retrouvé un emploi se caractérisent par la diversité et l’étendue de leur capital social», affirme Maurice Lévesque. Le capital social désigne les réseaux sociaux que l’individu entretient, soit les amis, la famille, les collègues de travail ou des connaissances plus éloignées. Ces réseaux présentaient plus de variété chez ceux qui avaient réussi à se sortir de l’aide sociale que chez les autres.

«Les deux tiers des gens qui ont trouvé un emploi y sont parvenus par l’entremise d’une connaissance personnelle éloignée, sans lien émotionnel intense, comme un ex-collègue de travail ou un ex-employeur», précise le chercheur.

On savait que le capital social pouvait avoir une influence déterminante dans les mois qui suivent une perte d’emploi, mais c’est la première fois que le rôle des connaissances éloignées est ainsi mis en évidence auprès des gens qui ont quitté le marché du travail depuis plus de deux ans.

Événement déclencheur

L’étude a également montré qu’une bonne partie de ceux qui ont retrouvé un emploi ont connu un événement déclencheur qui les a incités à se remettre à la recherche d’un travail. «C’est particulièrement manifeste chez les femmes, souligne Maurice Lévesque. Ces événements déclencheurs sont notamment l’arrivée d’un nouveau conjoint ou le fait que les enfants ont grandi et que les mères ne veulent pas leur donner l’image d’un parent prestataire de l’aide sociale.»

Bien que la moitié de ces nouveaux travailleurs ait bénéficié de programmes de réinsertion de type PAIE (Programme d’aide à l’intégration en emploi), aucun d’entre eux n’a trouvé de travail par ce système.

Selon Maurice Lévesque, de tels programmes favorisent peu les contacts à long terme avec le marché du travail parce que les bénéficiaires sont perçus de façon négative par les autres employés; affublés de l’étiquette péjorative des programmes PAIE, ils ne sont pas considérés comme de véritables employés et ne gardent pas contact avec leurs anciens collègues.

Même la formation qui leur est donnée contribuerait à leur ghettoïsation en établissant une distinction entre eux et les bénéficiaires de l’assurance-emploi.

Le chercheur tire deux grandes conclusions de sa recherche. Alors qu’on a tendance à mettre l’accent sur le réseau des connaissances les plus proches, les programmes d’aide devraient faire prendre conscience aux prestataires de l’importance des ressources disponibles dans les réseaux plus éloignés.

Les programmes d’aide devraient également éviter la stigmatisation des stagiaires en entreprise en leur assurant un véritable statut d’employé et sans qu’ils puissent être ciblés d’une manière ou d’une autre.

Ce doctorat de Maurice Lévesque, dirigé par la professeure Deena White, a remporté le Prix pour la recherche sur les politiques au Canada, décerné par le CRSNG, le CRSH et les Irsc. Le prix inclut la participation à un séminaire de quatre jours à Ottawa sur la transposition des nouvelles connaissances en politiques ainsi qu’à la Conférence nationale de la recherche sur les politiques, qui attire des chercheurs de premier rang tant du Canada que de l’étranger.

M. Lévesque collabore aux travaux du Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention et poursuit des recherches postdoctorales à l’Université Laval.

Daniel Baril



 
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