Édition du 28 janvier 2002 / Volume 36, numéro 18
 
  Épuration des eaux de pisciculture: une usine vivante
Simon Naylor met les plantes au service de la dépollution.

Simon Naylor dans la serre du Jardin botanique de Montréal, qui a accueilli son dispositif de dépollution par les plantes des eaux de pisciculture.

Dans une serre de service du Jardin botanique de Montréal, Simon Naylor règle son savant dispositif expérimental composé de pompes et de tuyaux qui acheminent les eaux usées d’une pisciculture dans des bassins contenant des plantes aquatiques. Ce prototype a demandé un an de travail au chercheur de 26 ans, qui veut utiliser les plantes comme usines de traitement des eaux.

«Les résultats de nos analyses sont concluants, dit cet étudiant à la maîtrise en sciences biologiques titulaire d’un baccalauréat en agronomie. L’eau traitée respecte avantageusement les normes du ministère de l’Environnement du Québec. Le système élimine 99 % de la matière organique ainsi que 98 % du phosphore et 95 % de l’azote, les deux principaux polluants des eaux de pisciculture au Québec.»

Les piscicultures du Québec produisent près de 2000 tonnes de poissons par année, principalement dans les régions de l’Estrie, de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Ces installations rejettent de grandes quantités d’eaux polluées par les résidus alimentaires et les déjections de poissons. Ceux-ci contiennent de l’azote et du phosphore, qui favorisent la croissance des algues et le vieillissement prématuré des lacs et des rivières, un phénomène nommé «eutrophisation».

Dépolluer ces eaux représente un défi auquel se sont attaqués des chercheurs de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) et de l’École Polytechnique. Le résultat de cette collaboration entre biologistes et ingénieurs est surprenant: les plantes (des phragmites mais aussi des quenouilles) se substituent aux usines pour dépolluer les eaux!

Quand les plantes remplacent l’usine

Simon Naylor termine présentement sa maîtrise sous la direction de Jacques Brisson, chercheur à l’IRBV, et Yves Comeau, professeur à l’École Polytechnique. «En Amérique, les marais épurateurs sont très peu connus, explique le jeune homme. Leur efficacité a pourtant été démontrée, surtout en Europe, et il en existe plus de 10 000 dans le monde. Faciles à construire et à entretenir, ils sont tout indiqués pour traiter les effluents non industriels comme ceux des petites et moyennes municipalités, des piscicultures, des fermes laitières et des abattoirs. Et ils ne consomment pas d’autre énergie que celle du soleil!»

Jacques Brisson, qui est aussi botaniste au Jardin botanique de Montréal, se réjouit des résultats de son étudiant. «L’épuration des eaux par les plantes aquatiques est un processus complexe qui fait appel au sol, aux micro-organismes et aux plantes, souligne-t-il. C’est l’ensemble de l’écosystème qui participe à l’épuration. Les données récoltées par Simon nous permettront, entre autres, de déterminer le rôle que joue le substrat dans cette dépollution et dans quelle mesure les marais épurateurs peuvent fonctionner en hiver sous notre climat.»

Une technologie à exporter

L’avenir est prometteur pour Simon Naylor. Lorsqu’il aura terminé sa maîtrise, il entend faire pression sur les gouvernements pour qu’ils subventionnent davantage la recherche sur les marais épurateurs et qu’ils facilitent leur implantation dans le secteur agricole.

Rien n’empêche de penser qu’ils seront utiles également dans le secteur résidentiel: «Au Québec, 25 % des résidences sont reliées à des installations autonomes et près de 800 petites municipalités devront prochainement reconstruire leur réseau de traitement des eaux. Les marais pourraient représenter une solution de rechange. La protection de l’eau est un enjeu mondial à l’aube du 21e siècle. Avec ses grandes réserves d’eau douce, le Québec doit devenir le leader de l’utilisation des marais pour le traitement des eaux usées.»

Lorsqu’il aura converti le Québec aux marais épurateurs, Simon Naylor en fera la promotion dans les pays en développement. Pour lui, tout indique que, «sur les plans écologique et économique, les marais épurateurs sont tout à fait appropriés pour les communautés rurales qui n’ont pas accès aux usines. Il faut cesser de laisser croire aux gens que seules les usines peuvent traiter les eaux usées. Nous avons tendance à ne considérer que les solutions technologiques lorsqu’il est question de dépollution. Certains s’évertuent même à miniaturiser les usines! Il est tellement plus simple et moins coûteux de faire appel à la nature!»

Denis Lauzer
Agent de recherche, IRBV



 
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