Édition du 28 janvier 2002 / Volume 36, numéro 18
 
  Actualités
Argentine: la révolution des casseroles - Ke Wu, meilleur jeune chercheur dans le domaine des micro-ondes - Médecine vétérinaire: Prolongation pour deux ans de l'agrément partiel + Des anticorps de jaunes d'oeufs pour contrôler les E. coli.

Argentine: la révolution des casseroles

Philippe Faucher

L’Argentine est un pays en voie de sous-développement. Le tintement des casseroles est devenu le signe du mécontentement populaire en Argentine, une pratique qui rappelle celle des opposants chiliens au régime d’Allende avant son renversement par l’armée.

L’agitation que connaît présentement l’Argentine porte à une demi-douzaine le nombre de crises majeures, dont quatre coups d’État, qu’a connues ce pays depuis 1940. «La nouveauté dans la crise actuelle est l’absence des militaires», a souligné Graciela Ducatenzeiler, professeure au Département de science politique, à un débat organisé par son unité, le 18 janvier dernier, pour faire le point sur la situation en Argentine.

Entre 1930 et 1940, le pays a connu une période de prospérité et est devenu un riche producteur de céréales et de viande, a rappelé la professeure. Cette période a été celle du développement de la classe moyenne, qui est à l’origine du soulèvement actuel. Selon Mme Ducatenzeiler, «l’Argentine est maintenant un pays en voie de sous-développement». Elle ne craint toutefois pas que les militaires reprennent le contrôle de la situation. Après l’instauration de la démocratie dans les années 80, l’armée a été discréditée dans des procès retentissants, son budget a été réduit, le moral des troupes est défait et les forces militaires ne constitueraient plus un acteur important.

Jorge Niosi, professeur en sciences de la gestion à l’UQAM, a dressé un rapide portrait des causes qui ont conduit à cette crise économique. Tout aurait commencé avec l’inondation du marché intérieur par des produits extérieurs bon marché, accompagnée d’une réduction de l’appareil d’État et d’une privatisation des entreprises publiques, cédées à des intérêts étrangers. Ces nouveaux propriétaires ont, par exemple, aboli 95 % du réseau ferroviaire. Il s’en est suivi une hausse vertigineuse des prix et du chômage: les coûts du téléphone et de l’essence ont subitement doublé et le taux de chômage est passé de 7 à 19 % entre 1991 et 2001.

«Comment une telle chose a-t-elle pu survenir? s’est demandé le professeur. Vous reconnaissez là l’idéologie selon laquelle l’État doit disparaître, la concurrence est parfaite, la rationalité économique est une théorie impeccable et la haute technologie est accessible à tous les pays. Les responsables du libéralisme à l’échelle mondiale adorent ce genre de doctrine lorsqu’il ne s’applique pas aux pays industrialisés.»

Graciela Ducatenzeiler

Un journaliste de Radio-Canada, Étienne Leblanc, a pour sa part témoigné de l’ampleur de la frustration populaire et de la force de mobilisation, qu’il a pu observer au cours d’un séjour en Argentine pendant les fêtes. «Alors qu’on marchait dans Buenos Aires, on a vu quelqu’un sortir sur un balcon pour faire tinter une casserole. Le geste s’est répété d’un balcon à l’autre et en une heure des dizaines de milliers de personnes déambulaient vers la place de Mai, casseroles en main.»

Selon Philippe Faucher, professeur au Département de science politique, cette crise économique s’annonçait depuis 1998, alors que les marchés financiers internationaux ont décidé de ne plus prêter à l’Argentine. «Le peso était surévalué, les revenus des exportations insuffisants et le volume des achats à l’étranger trop gros; la perspective n’était donc pas alléchante pour les investisseurs.» En décembre dernier, les États-Unis ont refusé au pays l’aide demandée, et le déficit prévu est donc passé de 6 à 11 milliards de dollars. Du coup, le FMI s’est aussi retiré du jeu et le gouvernement a dû geler l’épargne nationale pour éviter la faillite, ce qui a été la goutte qui a fait déborder le vase.

Philippe Faucher s’est par ailleurs questionné sur les mesures qu’il faudrait adopter pour résoudre la crise. «Comment va-t-on distribuer les coûts de la dévalorisation de la monnaie, qui a perdu la moitié de sa valeur? Comment va-t-on rétablir l’équilibre budgétaire? Devrait-on recapitaliser le système monétaire? La situation va-t-elle avoir un effet de contagion sur les pays voisins, notamment le Brésil?» Il s’est montré plutôt sarcastique à l’égard des projets des États-Unis et du FMI pour résorber la crise.

En ouverture du débat, un montage vidéo a mis l’accent sur la corruption des politiciens, des banquiers, des fonctionnaires et des syndicalistes comme étant l’une des causes du chaos qui constitue toujours une bombe à retardement.

Daniel Baril

Ke Wu, meilleur jeune chercheur dans le domaine des micro-ondes

Le professeur Ke Wu, du Département de génie électrique de l’École Polytechnique, a obtenu le Outstanding Young Engineer Award de l’IEEE Microwave Theory and Techniques Society. Cette distinction est accordée pour la première fois cette année à un chercheur de moins de 38 ans.

Le professeur Wu était en compétition pour ce prix international avec tous les jeunes chercheurs dans le domaine des micro-ondes. L’Institute of Electrical and Electronicals Engineers (IEEE) est la plus vaste association scientifique du monde et sa section sur les micro-ondes compte 9000 membres actifs dans 80 groupes sur tous les continents.

Le professeur Wu a à son actif plus de 300 publications, il est coauteur de 8 livres et a mis au point 15 inventions. En six ans seulement, il a supervisé 66 étudiants aux cycles supérieurs: 34 maîtrises, 25 doctorats et 7 postdoctorats. Il s’agit d’une productivité exceptionnelle. Son prix lui sera décerné en juin prochain à Seattle au cours de l’International Microwave Symposium, auquel participeront plus de 15 000 personnes.

Médecine vétérinaire
Prolongation pour deux ans de l'agrément partiel

La Faculté de médecine vétérinaire a reçu confirmation de la prolongation de son agrément partiel par l’American Veterinary Medical Association (AVMA); il s’étendra jusqu’en décembre 2003. Les progrès réalisés au cours des deux dernières années ont convaincu l’organisme d’accorder ce nouveau délai.

Sans l’agrément de l’AVMA, les diplômés de la seule faculté québécoise de médecine vétérinaire ne peuvent accéder directement à l’exercice de leur profession au Québec, au Canada et en Amérique du Nord. En outre, la reconnaissance des actes vétérinaires accomplis dans le domaine de la salubrité des aliments et du contrôle des maladies contagieuses animales est soumise à des règles internationales qui exigent l’évaluation des programmes donnés par les universités. Il s’agit donc d’un enjeu majeur pour un pays dont les exportations s’élèvent à plusieurs milliards de dollars annuellement.

On se souviendra qu’en décembre 1999 la Faculté de médecine vétérinaire avait vu son agrément complet être remplacé par un agrément partiel d’une durée de deux ans. Pour rétablir la situation, l’AVMA exigeait le redressement de la situation financière, le recrutement de professeurs dans plusieurs disciplines, l’ajout de personnel ainsi que des améliorations substantielles aux infrastructures et à l’équipement, en particulier à ceux du Centre hospitalier universitaire vétérinaire (CHUV).

Depuis l’annonce de cette décote, l’Université et la Faculté ont sollicité le soutien financier des gouvernements du Québec et du Canada. En mai 2000, le gouvernement du Québec leur répondait favorablement et allouait plus de 40 M$ pour rétablir la situation financière, commencer les travaux d’investissement et procéder à l’achat d’équipement.

La contribution du gouvernement québécois a permis d’engager une dizaine de professeurs et d’élaborer le plan précis des besoins en infrastructures et en équipement. Une équipe d’architectes a planifié la première phase des travaux, qui conduiront à la construction d’un nouveau pavillon d’enseignement et à l’agrandissement du CHUV. Ceux-ci débuteront au printemps et permettront de répondre à certaines des exigences de l’AVMA. Dans une seconde phase, on bâtira une clinique des grands animaux et des locaux pour l’imagerie médicale, des travaux évalués à 59 M$ et pour lesquels le financement n’a pas encore été obtenu.

La Faculté s’est associée aux trois autres facultés canadiennes pour réclamer du gouvernement fédéral un appui financier essentiel à la poursuite de ses activités. Les infrastructures des quatre facultés canadiennes sont jugées déficientes pour relever les défis posés par la mondialisation des marchés, la salubrité des aliments et la sécurité du cheptel canadien.

Des anticorps de jaunes d’œufs pour contrôler les E. coli

Deux chercheurs de la Faculté de médecine vétérinaire, John Fairbrother et Josée Harel, proposent de juguler les infections dues à la bactérie E. coli par une immunothérapie utilisant les anticorps spécifiques de jaunes d’œufs de poules. Ils ont déposé une demande de brevet pour une nouvelle approche thérapeutique dont ils évaluent présentement l’efficacité avec un modèle porcin. Ils viennent d’ailleurs d’obtenir une subvention de 184 728 $ du ministère la Recherche, de la Science et de la Technologie du Québec pour la réalisation de leur projet visant la détection, la prévention et la mise au point de traitements pour lutter contre les effets de E. coli.

Les événements qui ont coûté la vie à sept résidants de Walkerton en mai dernier ont fait ressortir de façon tragique la nécessité d’intensifier les recherches sur les agents pathogènes qui affectent les populations animales et qui peuvent se transmettre aux êtres humains, en particulier la bactérie E. coli.

Les chercheurs Fairbrother et Harel étudient depuis plusieurs années déjà un sous-groupe d’E. coli, incluant O157:H7, responsables d’épidémies de diarrhées chez de nombreuses espèces animales ainsi que de dysenteries et de maladies urémiques hémolytiques chez l’homme, comme ce fut le cas à Walkerton.

John Fairbrother est médecin vétérinaire et chercheur au Groupe de recherche sur les maladies infectieuses du porc (GREMIP) depuis 1981. Depuis 12 ans, il dirige le laboratoire d’Escherichia coli du Service de diagnostic de la Faculté de médecine vétérinaire.

Également chercheuse au GREMIP depuis 1987, Josée Harel est une microbiologiste qui s’intéresse particulièrement à l’étude génétique et moléculaire des facteurs de virulence des bactéries. Les deux spécialistes sont membres du Réseau canadien de recherche sur les maladies bactériennes du porc, subventionné par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie.

Ce projet s’inscrit dans le cinquième programme-cadre européen, qui réunit des partenaires internationaux de France, de Hongrie, d’Italie, d’Allemagne, d’Israël, de Belgique et d’Angleterre, auxquels s’associe l’Université de Montréal.



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications