Édition du 4 février 2002 / Volume 36, numéro 19
 
  Quelques légendes urbaines sur le quotient intellectuel
Les tests de mesure du quotient intellectuel ne sont pas biaisés culturellement, soutient Serge Larivée.

«Si les tests de QI étaient biaisés, ils n’auraient pas la même valeur de prédictibilité selon les cultures, mais ce n’est pas le cas», affirme Serge Larivée.

L’intelligence ne peut pas se mesurer; il existe plusieurs sortes d’intelligence; les tests de quotient intellectuel sont biaisés. Ce sont là certains des mythes qui entourent l’intelligence et les tests de quotient intellectuel (QI) auxquels Serge Larivée, professeur à l’École de psychoéducation, s’attaquera au cours d’une conférence qu’il présente demain, le 5 février, à l’occasion des Belles Soirées.

Parmi ce qu’il considère comme des légendes urbaines, l’une des plus tenaces est sans doute celle voulant que les tests de QI soient biaisés culturellement. «Aucune étude sérieuse dans le monde n’a jamais démontré une telle chose», affirme-t-il, revue de la littérature à l’appui. «Partout où ils sont utilisés, ils sont standardisés et adaptés à la culture ambiante.»

Mais qu’est-ce que l’intelligence et que mesurent exactement ces tests? «Ils mesurent des habiletés mentales qui nous donnent une image de l’intelligence définie comme la capacité de résoudre des problèmes et de s’adapter à un environnement donné, répond le professeur. Ils sont conçus de façon à présenter des problèmes selon un ordre croissant de complexité, en partant d’épreuves que tous peuvent réussir jusqu’à des questions peu familières, et qui couvrent divers domaines, dont le vocabulaire, les mathématiques, les habiletés visuo-spatiales et l’information générale.»

Parmi les problèmes soumis, les échelles de Wechsler, l’un des outils de mesure du QI le plus souvent employé, demandent par exemple de mettre en ordre des images qui présentent les phases du développement de la grenouille, d’ajouter ce qui manque à une horloge qui n’a qu’une seule aiguille, de donner le sens du mot «persistant» ou encore d’assembler les pièces d’un casse-tête tridimensionnel. Pas bien compliqué et plutôt culturel, direz-vous. Mais exercez vos méninges à résoudre le problème de l’illustration ci-contre, tirée des matrices de Raven: lequel des huit dessins du bas doit logiquement remplir la case vide de l’ensemble du haut?

Un exemple de problème de difficulté élevée: laquelle des huit figures du bas doit logiquement remplir la case vide de l’ensemble du haut?
Réponse au problème en bas de l'article.

Valeur de prédictibilité

 Il existe de nombreux tests de QI, mais tous donneraient une lecture assez semblable et fidèle des performances intellectuelles, selon Serge Larivée. Dans l’ensemble de la population, 68 % des gens ont un QI qui se situe entre 85 et 115. Seulement 2 % des individus, considérés comme doués, se situent entre 130 et 145. À l’autre extrémité, 2 % obtiendraient un score de 55 à 70.

Toutefois, des études américaines montrent que la distribution des scores à ces tests ne suit pas la même courbe selon l’ethnie. Dans les tâches non verbales par exemple, la moyenne du QI est de 100 chez les Blancs alors qu’elle est de 85 chez les Noirs, de 91 chez les hispanophones et de 108 chez les Asiatiques.

Ceci ne révèle-t-il pas justement le biais culturel de ces tests? «Il ne fait pas de doute que des facteurs culturels influent sur le développement des capacités intellectuelles, reconnaît M. Larivée. Mais les tests ne sont pas biaisés pour autant. Ils le seraient si la valeur prédictive de réussite scolaire ou professionnelle — ce pour quoi ils ont été créés — était différente selon les cultures. Mais ce n’est pas le cas; tous ceux qui obtiennent 115 de quotient intellectuel, par exemple, sont en mesure de réussir des études universitaires quelles que soient leur ethnie ou leur classe sociale.

«Et selon l’argument du biais culturel, poursuit le professeur, ce devrait être les Blancs qui, aux États-Unis, obtiendraient les plus hauts scores; or, ce sont les Asiatiques.»

Le professeur affirme également que des différences subsistent même dans les tests spécialement adaptés à chaque culture et que cette différence n’est pas toujours à l’avantage de la culture visée. Les différences interethniques sont constantes depuis le début du siècle dernier et s’observent également dans les méta-analyses. L’environnement social n’expliquerait donc pas tout. Autrement dit, il existe aussi un déterminant génétique de l’intelligence, un point sur lequel le conférencier ne manquera pas de s’attarder.

Quant aux différences entre hommes et femmes, elles seraient, dans l’ensemble de la population, trop faibles pour être significatives. Cependant, on rencontre plus de doués et de sous-doués chez les hommes, un phénomène qui aurait une cause hormonale.

Serge Larivée travaille depuis quelques années à la préparation d’un volume sur l’intelligence qu’il espère terminer au cours de cette année. Les 27 chapitres prévus aborderont entre autres les problèmes de psychométrie et du développement de l’intelligence, la métacognition, les déterminants génétiques et environnementaux, les différences entre groupes (sexe, classe sociale, ethnie) et enfin l’évolution du QI dans l’histoire et les perspectives d’avenir.

Cette conférence de Serge Larivée sera suivie de deux autres présentations sur des sujets connexes, soit l’apprentissage du langage, par Henri Cohen le 12 février, et, le 19 février, la plasticité du cerveau, par Franco Lepore, professeur au Département de psychologie. Surveillez le calendrier pour plus de détails.

Daniel Baril

Réponse au problème figurant dans cet article. La bonne réponse est la figure n° 5 et la règle de constance est la suivante: les figures de la colonne de droite résultent de la superposition des figures des deux autres colonnes et de l’élimination des lignes superposées. La même règle s’applique à l’horizontale.



 
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