Édition du 11 février 2002 / Volume 36, numéro 20
 
  Rendre à la nature ce qu’on lui a pris
Une nouvelle chaire à l’École Polytechnique se penche sur la restauration des sites miniers.

Autre dévastation due à la rupture d’une digue à la mine Manitou de Val-d’Or. Les eaux acides contenaient une forte concentration de métaux lourds, dont du cuivre, du zinc et du fer.

Un ancien bassin de sédimentation, à la mine Lucien-Béliveau en Abitibi, restauré et stabilisé à l’aide de légumineuses.

On compte actuellement au Québec une cinquantaine de mines en activité qui produisent de 90 à 100 millions de tonnes de rejets chaque année. Les résidus ainsi accumulés au fil des ans totalisent plus de six milliards de tonnes couvrant 13 600 hectares de terrain.

La chaire CRSNG du professeur Michel Aubertin est une des rares dans le monde à se consacrer à la recherche sur la restauration des sites miniers.

Depuis 1980, la loi canadienne, l’une des plus sévères du monde, oblige les propriétaires de mines à se doter d’un fonds de restauration proportionnel au coût estimé de la renaturalisation des lieux. Le problème, selon Michel Aubertin, professeur au Département des génies civil, géologique et des mines de l’École Polytechnique, c’est que cette réglementation n’a pas été suivie d’un développement technologique adéquat, ce qui entraîne des frais considérables pour l’industrie minière.

Michel Aubertin est le titulaire de la nouvelle chaire CRSNG en environnement et gestion des rejets miniers, qui a amorcé ses travaux l’automne dernier. Cette chaire a précisément pour mandat de trouver des solutions aux problèmes de restauration des sites miniers pendant et après les opérations et de valoriser les rejets de cette industrie.

Dans un ouvrage à paraître bientôt sur cédérom aux Presses internationales de Polytechnique, le chercheur rapporte qu’il y a au Québec 385 sites d’accumulation de rejets miniers répertoriés, près des trois quarts se trouvant en Abitibi, dans le nord du Québec et sur la Côte-Nord. «Tous ces sites ne représentent pas une menace pour l’environnement, précise-t-il, mais plus de 75 % des aires d’accumulation devraient être restaurées dans les prochaines années.»

La tâche est gigantesque puisque à peine 8 % des 13 600 hectares visés ont jusqu’ici fait l’objet d’un traitement. De l’avis de Michel Aubertin, un site est restauré de façon satisfaisante lorsqu’il ne présente plus de risques majeurs pour la santé et la sécurité, lorsque l’entretien à long terme n’est plus requis et lorsque son aspect est acceptable pour la communauté.
Résister aux éléments et aux séismes
Les problèmes que les chercheurs ont à résoudre varient selon le procédé d’extraction du minerai et le type de déchets produits. En Abitibi par exemple, les mines de cuivre, de zinc, de plomb et d’or rejettent une eau usée contenant des métaux lourds et dont l’acidité est proche de celle du vinaigre.

Ces eaux usées sont retenues dans des bassins de sédimentation qui doivent être étanches et stables. «Les ruptures de digues sont fréquentes et de tels accidents doivent cesser, affirme Michel Aubertin. Il faut les rendre résistantes à des conditions extrêmes comme un tremblement de terre ou une inondation et l’on s’inspire, pour nos recherches, des barrages hydroélectriques.»
 

Cette forêt dévastée à la suite de la rupture d’un barrage retenant les eaux acides de la mine Aldermac à Rouyn-Noranda est un exemple de site orphelin. Qui devra payer pour la décontamination?

D’autres mines, comme celles d’amiante en Estrie, rejettent surtout de la pierre broyée mais qui contient une part de poussière d’amiante. Ces terrils doivent être stabilisés pour éviter la dispersion des matières toxiques par l’eau et le vent. Les procédés de stabilisation adéquats nécessitent toutefois de connaître les propriétés des résidus, comme leur capacité de rétention d’eau, leur perméabilité à l’air et leur réactivité à ces deux éléments, ce qui sera mesuré au laboratoire de la chaire.

On recourt habituellement à la revégétalisation pour stabiliser les terrils ou anciens bassins de sédimentation, mais le procédé est plus complexe qu’il y paraît.«Il faut des végétaux qui peuvent pousser sur un sol pauvre et qui font des racines de surface parce que des racines profondes pourraient ouvrir des brèches dans les sols et favoriser les infiltrations d’eau», explique Michel Aubertin.

L’opération débute généralement avec des légumineuses et de la luzerne, qui vont enrichir le sol pour préparer le terrain à des espèces arbustives. Le système doit pouvoir s’autocontrôler pour éviter l’implantation d’arbres à grosses racines, comme les peupliers.

Dans les mines encore en activité, certaines interventions peuvent viser le remblai de lieux abandonnés, comme une galerie souterraine ou un puits de mine où il ne se fait plus d’exploitation. Des recherches sont également menées pour réutiliser certains éléments présents dans les rejets, tels que le magnésium et la serpentine des déchets d’amiante.
Sites orphelins
Dans la seule décennie 90, les travaux de restauration des sites miniers du Québec ont coûté 67 M$, dont 18,5 M$ provenaient des gouvernements du Québec et du Canada.

«Jusqu’en 1970, le gouvernement reprenait les sites de mines fermées. C’est donc lui qui en a la responsabilité», explique Michel Aubertin.

Le gouvernement est ainsi l’heureux propriétaire de 14 sites à restaurer. De plus, il existe au Québec 84 sites «orphelins», c’est-à-dire qui n’ont plus de propriétaire ou dont les propriétaires sont insolvables. Un débat est actuellement engagé quant à savoir qui devrait payer pour leur restauration.

La chaire du professeur Aubertin dispose quant à elle d’un budget global de 4,2 M$ pour cinq ans, incluant une subvention annuelle de 325 000 $ du CRSNG. Le reste de l’argent provient du ministère des Ressources naturelles du Québec et de l’industrie privée, soit les compagnies Agnico-Eagle, Barrick Gold, Dessau-Soprin, Golder Associés, Inmet, McWatters, Noranda, Ressources Aur et SNC-Lavalin.

En plus du titulaire et du codirecteur Bruno Bussière de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, cinq autres professeurs devraient y poursuivre des travaux, ainsi que cinq chercheurs au postdoctorat.

Daniel Baril


 
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