Édition du 18 février 2002 / Volume 36, numéro 21
 
  Le suivi postnatal à Montréal présente plusieurs lacunes
Une équipe du GRIS a mené une enquête auprès de 1158 mères.

Les chercheuses Lise Goulet et Danielle D’amour ont entrepris de vastes études sur les services de périnatalité au Québec.

Seulement 7,8 % des mères qui ont accouché à Montréal en 1999 ont reçu la visite d’une infirmière dans les 72 heures suivant leur retour à la maison. Pourtant, la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre recommande que 100 % des mères soient visitées dans les trois jours qui suivent leur congé de l’hôpital. La Régie recommande aussi que toutes les mères reçoivent un coup de téléphone d’une infirmière du CLSC dans les 24 heures suivant leur congé. Au moment de l’enquête, seules 17 % des mères ont été jointes à l’intérieur de ce délai.

C’est ce qui ressort d’une enquête menée auprès de 1158 femmes qui ont accouché dans un des neuf centres hospitaliers de l’île de Montréal au printemps 1999. Dirigée par la Dre Lise Goulet, professeure agrégée au Département de médecine sociale et préventive, et Danielle D’Amour, professeure adjointe à la Faculté des sciences infirmières, toutes deux chercheuses au Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS), cette étude démontre que les services de périnatalité n’ont pas pu s’adapter à la diminution du séjour à l’hôpital après un accouchement, une pratique découlant du virage ambulatoire. Ce séjour est de 2,4 jours en moyenne, comparativement à 3,1 jours cinq ans plus tôt.

La question des dédoublements de services (observés dans plus de 50 % des cas) est particulièrement épineuse. «Plusieurs mères ne reçoivent pas le service auquel elles ont droit, alors que d’autres sont jointes à la fois par le CLSC et l’hôpital. Ce manque de coordination a un prix, que nous évaluons à 300 000 $ par an. Cet argent pourrait certainement être mieux utilisé», affirme la Dre Goulet.

Disparité des services

L’étude menée par l’équipe du GRIS met aussi l’accent sur la disparité des services. Si 44 % des mères sont visitées par une infirmière au cours des deux premières semaines suivant leur congé de l’hôpital, pour l’ensemble de l’île, moins de 9 % des mères reçoivent une visite dans certains quartiers de Montréal, contre 90 % dans d’autres quartiers.

Selon les chercheuses, il y a un problème de communication entre les CLSC et les centres hospitaliers (CH). «Les problèmes liés à la transmission de l’information résultent de l’absence d’ententes entre les CH et les CLSC précisant les mécanismes de coordination interétablissements, peut-on lire dans leur rapport. Les données recueillies auprès des gestionnaires montrent que les ententes interétablissements sont très rares et que les mécanismes de collaboration (formation commune, socialisation) sont presque inexistants.»

Depuis la parution du rapport, au printemps 2001, plusieurs stratégies ont été proposées de façon à améliorer l’efficacité des services de suivi postnatal. Ce suivi est essentiel, estiment les chercheuses, car il permet de dépister les problèmes de santé et les problèmes psychosociaux chez la mère et le nouveau-né, de soutenir les mères qui allaitent et de favoriser l’adaptation des parents à leur nouveau rôle.

Une recherche étendue

L’étude, financée par la Fondation canadienne de la recherche sur les systèmes de santé, la Régie régionale de Montréal-Centre, l’hôpital Sainte-Justine et le CHUM, n’est pas passée inaperçue. «Il s’agit d’une enquête traçant l’état de la situation. Elle a été très bien accueillie par la Régie, qui s’en est inspirée au cours d’une vaste consultation visant à établir son plan d’intervention.»

On ne peut certes pas reprocher aux auteurs d’utiliser une langue de bois pour désigner les problèmes: «Le délai moyen de l’appel est beaucoup trop long», «l’absence de complémentarité entre les CH et les CLSC diminue l’efficience du réseau», «les mécanismes de coordination sont absents», peut-on lire dans les faits saillants. La Dre Goulet persiste et signe. «Notre message est clair. Le fait d’amener les décideurs à cerner les problèmes est d’ailleurs au centre des préoccupations de la Fondation canadienne de la recherche sur les systèmes de santé.»

Lise Goulet estime que le manque d’effectif chez les infirmières est un des obstacles à l’efficacité des services postnataux. Mais elle a bon espoir que la situation s’améliorera à moyen terme.

Au GRIS, deux autres études complémentaires sont actuellement en cours: la première est le prolongement de celle réalisée à Montréal et couvre quatre régions québécoises (Laval, Estrie, Québec et Lanaudière). Plus de 1200 femmes qui accoucheront en 2002 participeront à cette enquête. La seconde porte sur un projet pilote mené dans la région de Lanaudière, consistant en un carnet de grossesse que la mère tient à jour jusqu’à son accouchement. Ce carnet servira par la suite pour le suivi postnatal.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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