Édition du 25 février 2002 / Volume 36, numéro 22
 
  Amener le médicament «là où ça fait mal»
Le laboratoire de Jean-Christophe Leroux cherche à concevoir des moyens plus efficaces de transporter les médicaments dans l’organisme.

«L’un de nos projets de recherche vise le transport de matériel génétique destiné à inhiber la division cellulaire dans les tumeurs», explique Jean-Christophe Leroux, directeur du Laboratoire de vectorisation et de libération contrôlée des médicaments.

La publicité d’un produit naturel qui prétend agir «là où ça fait mal» en fait rigoler plusieurs, mais l’idée de pouvoir livrer le médicament dans un endroit très ciblé de l’organisme, voire dans un compartiment précis de la cellule, constitue un axe de recherche très sérieux en pharmacie.

Une quinzaine de chercheurs sont engagés dans cette course au Laboratoire de vectorisation et de libération contrôlée des médicaments de Jean-Christophe Leroux, professeur à la Faculté de pharmacie. L’objectif: produire des médicaments plus efficaces et moins toxiques.

«La technique du transport des médicaments se développe de plus en plus et c’est une voie prometteuse, affirme le chercheur. Le principe consiste à associer la molécule active à un transporteur qui va à la fois la protéger contre une dégradation prématurée causée par le milieu environnant et l’amener à son site d’action. Ceci permet notamment de limiter les effets secondaires en évitant que la molécule se disperse partout dans l’organisme tout en augmentant son efficacité si elle est amenée directement là où elle doit agir.»

Nanotechnologie

La technologie du transport des médicaments repose sur la nanotechnologie. Les transporteurs sont en effet des structures synthétiques nanométriques à base de polymères, plus précisément des micelles polymères qui sont des autoassemblages de macromolécules. Les micelles peuvent atteindre leur cible de façon passive, grâce à leur forme ou à leur dimension qui les conduit à se loger dans un tissu déterminé, ou de façon active lorsqu’on leur adjoint une molécule capable de reconnaître une cellule spécifique. Certains transporteurs sont suffisamment spécialisés pour pouvoir pénétrer à l’intérieur de la cellule et atteindre un compartiment particulier.

À l’heure actuelle, peu de transporteurs ont été commercialisés, mais on trouve sur le marché certains liposomes utilisés dans la chimiothérapie du cancer, notamment le Caelyx, récemment homologué. Les résultats de cette nouvelle biotechnologie montrent que la toxicité du médicament est diminuée et que son efficacité est augmentée.

«Les résultats sont encore modestes, reconnaît Jean-Christophe Leroux, mais cette approche va donner de meilleurs rendements au fur et à mesure qu’on va réussir à préciser les cibles: par exemple, on voudrait parvenir à produire des molécules ayant une spécificité accrue pour les cellules tumorales.»

Éviter la précipitation

L’équipe de Jean-Christophe Leroux travaille à toutes les étapes du processus, soit la conception de transporteurs, l’incorporation de médicaments et les tests d’efficacité.

L’un des principaux projets de recherche menés en ce moment dans son laboratoire porte sur une molécule anticancéreuse, le paclitaxel, qu’on souhaite produire sous une formule injectable, stable, moins toxique et plus ciblée.

«Des formulations peu toxiques existent, mais elles sont souvent peu stables, c’est-à-dire qu’elles tendent à précipiter à cause de leur faible solubilité, explique le chercheur. La formulation actuellement sur le marché est relativement stable mais présente une toxicité non négligeable. Si l’on parvenait à atteindre les deux premiers objectifs, c’est-à-dire produire une forme injectable stable et moins toxique, on aurait déjà un produit commercialisable.»

Toujours dans le traitement des cancers, les chercheurs travaillent également à mettre au point des méthodes de transport de fragments de matériel génétique (des oligonucléotides antisens) permettant d’inhiber la division cellulaire. Là encore, les transporteurs nanométriques viseraient à limiter la dégradation du matériel génétique dans la circulation sanguine et à préciser sa localisation aux environs de la tumeur.

Dans un autre domaine, l’équipe travaille sur une formule chimique injectable qui pourrait libérer progressivement le médicament dans l’organisme sur une période pouvant aller de plusieurs semaines à quelques mois. «Ceci permettrait de réduire le nombre d’injections, de diminuer les coûts et de maintenir une constance des taux sanguins, donc d’obtenir une meilleure efficacité.»

L’importance des travaux en cours et les perspectives de réussite ont valu au professeur Leroux l’obtention, en septembre dernier, d’une chaire de recherche du Canada qui lui assure un financement de ses travaux pour une période de cinq ans, renouvelable. C’est là où ça fait du bien.

Daniel Baril



 
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