Édition du 25 février 2002 / Volume 36, numéro 22
 
  La renaissance de Cendrillon
Une œuvre méconnue de Jules Massenet est montée par l’Atelier d’opéra.

Emmanuelle Coutu (à gauche), qui incarnera Cendrillon en alternance avec Marie-France Duclos, écoute les conseils du metteur en scène, Yves Desgagnés, qui joint le geste à la parole. La fée, Mélanie Roy, au centre, n’en manque pas un mot.

Une jeune fille rêve de séduire le prince charmant qui la sortira d’une existence recluse et laborieuse. C’est le thème de la nouvelle production de l’Atelier d’opéra de l’Université de Montréal. Écrite en 1899, Cendrillon, de Jules Massenet, inspirée du conte de Charles Perrault, est montée pour la première fois à Montréal depuis au moins 30 ans.

Le metteur en scène invité pour l’occasion, Yves Desgagnés, affirme que les Cendrillon et princes charmants ont encore un message très fort à livrer. «Nos rêves tendent à se réaliser un jour ou l’autre, dit-il. Alors il faut faire attention à ce dont on rêve!»

Son défi a consisté à rendre tous les protagonistes vraisemblables dans un univers où l’essence magique et enchanteresse a été revitalisée. Et c’est ce lien constant entre le réel et l’imaginaire qui rend sa conception de l’œuvre si captivante. Avec le plaisir du métier comme leitmotiv, Yves Desgagnés a dirigé des chanteurs animés par le professionnalisme et la discipline. «Ils ont acquis une écoute hors du commun», confie-t-il, ajoutant percevoir chez certains ce pouvoir de transformation qui fait du chant «l’expression de leur monde intérieur».

Deux Cendrillon

Le rôle titre sera joué en alternance par Marie-France Duclos (soprano lyrique) et Emmanuelle Coutu (mezzo-soprano léger). Interpréter durant trois heures un rôle avec une multitude d’airs est forcément éprouvant, sur les plans tant physique que personnel. Mais les deux héroïnes ne pensent qu’à donner le meilleur d’elles-mêmes pour relever pleinement le défi qui leur a été lancé.

Marie-France Duclos, étudiante en fin de maîtrise, retient de cette expérience l’énergie très stimulante que procure un travail quotidien avec la même équipe. «Des affinités se développent entre les chanteurs, c’est merveilleux», dit-elle. Musicalement, elle éprouve un grand plaisir à chanter les duos avec le Prince charmant.

Emmanuelle Coutu, en première année de maîtrise, donne sa préférence au troisième air solo de Cendrillon («Seule je partirai…»), où l’héroïne se remémore une berceuse que lui chantait sa mère. Incarner Cendrillon a changé la vision qu’elle avait du personnage: «Je la voyais très pure, détachée de la réalité matérielle, très rêveuse… En fait elle a des défauts, ce qui la rend crédible», confie-t-elle.

Pour Rose-Marie Landry, professeure à la Faculté de musique et responsable de l’Atelier d’opéra, «Cendrillon offre des possibilités énormes de faire sauter les habituels tabous de l’opéra». Pourquoi avoir monté cette œuvre peu jouée? «Elle comprend des airs sur mesure pour nos solistes», répond Mme Landry. Elle souligne qu’il est difficile de choisir une œuvre qui ne «casse pas les voix».

En évoquant les premières répétitions de Cendrillon, elle se souvient de la gêne qu’ont ressentie les étudiants vis-à-vis du texte, écrit dans une «langue française du 19e siècle, très belle et quelque peu désuète. Mais ils se sont finalement bien adaptés».

D’un point de vue pédagogique, Mme Landry ajoute: «C’est fabuleux de voir comment les jeunes interprètes se métamorphosent progressivement à la fois sur le plan musical et sur le plan humain pour en fin de compte incarner réellement le personnage pour lequel ils ont été choisis. C’est un des aspects particulièrement enthousiasmants de ce travail qui nous permet de communiquer à ces jeunes remplis de talent l’intense passion de la musique, le feu sacré.»

L’œuvre

La Cendrillon de Massenet, méconnue du grand public et trop souvent délaissée par les producteurs, souffre des préjugés véhiculés par le monde de l’opéra. Il s’agit pourtant d’une œuvre remplie d’airs charmants et touchants, à partir du livret d’Henri Cain. Fortement critiqué dans le passé pour son style maniéré, le texte communique au contraire beaucoup d’émotions propres aux récits populaires.

Le conte de Charles Perrault a tout de même été remanié et modernisé, à travers une mise en scène laissant place à de nombreux traits d’humour. La malheureuse Lucette, par exemple, enfilera pour aller au bal la pantoufle de verre que la fée, sa marraine, a retiré de son pied! Tous les personnages, y compris la fée et le chœur des esprits, sont animés d’un tempérament et de défauts qui les rendent authentiques et touchants.

D’une manière générale, l’imagination du metteur en scène a constitué un élément clé pour se jouer allègrement des difficultés que ne manque pas de susciter une telle production.

Le résultat sera à coup sûr saisissant. Personne ne devrait rester indifférent devant cette Cendrillon de Jules Massenet, dont les quatre représentations auront lieu à l’occasion du festival Montréal en lumière.

Frédéric Léotar
Collaboration spéciale

L’Atelier d’opéra de l’Université de Montréal et l’Orchestre de l’Université de Montréal présentent Cendrillon, de Jules Massenet, du 27 février au 2 mars à 19 h 30, salle Claude-Champagne, 220, avenue Vincent-d’Indy; entrée: 20 $ pour le grand public, 15 $ pour les aînés et 10 $ pour les étudiants. Billetterie: (514) 842-2112.



 
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