Édition du 11 mars 2002 / Volume 36, numéro 23
 
  Un entraînement musculaire aide à la réadaptation des victimes d’AVC
L’équipe de Daniel Bourbonnais fait une percée dans le domaine.

Le chercheur Daniel Bourbonnais a pris place dans la chaise munie d’un dynamomètre qui permet un entraînement musculaire sur mesure pour les victimes d’AVC. Michel Goyette, à gauche, a travaillé à la mise au point électronique de l’appareil.

La plupart des victimes d’accident vasculaire cérébral (AVC) doivent réapprendre à marcher au cours du long processus de réadaptation en hôpitaux spécialisés. Une équipe du Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain et de l’Institut de réadaptation de Montréal (IRM), sous la direction de Daniel Bourbonnais, vient d’effectuer une percée dans ce domaine en mettant au point un appareil qui renforce les muscles des jambes de façon systématique.

«Le renforcement musculaire n’est pas toujours une priorité dans le processus de réadaptation chez les victimes d’AVC, explique le chercheur, un ergothérapeute de formation qui s’est spécialisé en sciences neurologiques aux cycles supérieurs. Notre recherche a démontré hors de tout doute que l’amélioration de la force et de la coordination musculaires augmente la vitesse de marche des personnes ayant subi un AVC.»

L’appareil mis au point par son équipe, un dynamomètre pour les membres inférieurs, est ajusté à une chaise de marque Biodex déjà utilisée en réadaptation. Le patient y est sanglé de façon à pouvoir effectuer des efforts dans certaines directions. Des capteurs de force mesurent l’amplitude et la déviation de la force produite. L’appareil peut ainsi renforcer les muscles de la cuisse ou ceux du mollet ou des chevilles. Sur un écran, le thérapeute aperçoit l’axe du mouvement et la force déployée par le patient. Il peut exiger de celui-ci qu’il change d’axe ou qu’il déploie plus de force, et ainsi contribuer au renforcement musculaire d’une façon adaptée. «Un traitement d’une heure par semaine pendant huit semaines donne des résultats remarquables», signale le chercheur.

Le plus grand centre de recherche en réadaptation du pays 
Grâce à un financement du Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ) et du Conseil québecois de la recherche sociale (CQRS) et à une subvention de six millions de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), le Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain (CRIR) est devenu le plus important centre de recherche en réadaptation du Canada. Installé dans six établissements (Centre de réadaptation Lucie-Bruneau, Centre de réadaptation Constance-Lethbridge, Hôpital juif de réadaptation, institut Nazareth et Louis-Braille, institut Raymond-Dewar et Institut de réadaptation de Montréal), le CRIR compte une cinquantaine de chercheurs et plus de 170 étudiants aux cycles supérieurs provenant de trois universités: Montréal, McGill et l’UQAM.
«La réadaptation est en quelque sorte une spécialité québécoise, signale le directeur scientifique de la recherche biomédicale au CRIR, Robert Forget. C’est pourquoi des organismes comme le FRSQ et le CQRS de même que le ministère de la Santé et des Services sociaux ont voulu en faire un axe important de la recherche au Québec. Grâce à ce soutien, nous avons une masse critique de chercheurs dans le domaine et les moyens de nos ambitions.»
Les trois sphères de recherche élaborées par le CRIR sont les fonctions sensorimotrices et l’adaptation à l’environnement; les fonctions sensorielles et psychologiques et les habitudes de vie; et les soins, services et programmes en adaptation-réadaptation. La subvention de la FCI a permis de doubler la surface de recherche au quatrième étage de l’IRM. On y trouve, entre autres, des laboratoires ultramodernes en évaluation de la marche, contrôle de la posture et du mouvement, réalité virtuelle, dynamométrie et évaluation sensorielle.

M.-R.S.
 
12 sujets de recherche heureux

À l’issue de l’expérience, dont les résultats seront publiés sous peu dans l’American Journal of Physical Medicine and Rehabilitation, les 12 sujets de recherche ont été très satisfaits de leur traitement. Le succès du traitement a même été évident aux yeux de leurs proches. «Plusieurs nous ont rapporté que les personnes traitées marchaient plus droit, plus rapidement; elles ont acquis une meilleure coordination des mouvements.»

Pas question de jouer au volley-ball en sortant de l’hôpital. Mais il faut comprendre que la marche est un exercice complexe pour les bipèdes que nous sommes. Elle résulte d’un travail concerté entre le cortex moteur de l’encéphale, la moelle épinière, les muscles et les articulations. Or, la séquelle la plus fréquente des AVC graves est un déficit moteur ou une paralysie d’un côté du corps (hémiplégie). L’équilibre et la coordination, notamment, font l’objet de séances de rééducation, qui peuvent s’étendre sur plusieurs mois. L’appareil permet d’améliorer à la fois la force et la coordination.

La beauté du dynamomètre mis au point à l’IRM est qu’il peut être utilisé de façon complémentaire au traitement déjà offert. «Un patient nous a dit que sa conjointe devait l’attendre tous les 10 pas au centre commercial. Après avoir participé à l’expérience, c’est lui qui l’attendait!»

Les membres supérieurs: un autre défi

Les succès obtenus par Daniel Bourbonnais permettent d’envisager une meilleure réadaptation pour les quelque 80 patients admis chaque année à l’Institut. Mais le défi reste entier en ce qui concerne les membres supérieurs. «Paradoxalement, dit le chercheur, il est plus difficile d’obtenir de bons résultats à long terme avec les bras, car les mouvements sont plus complexes et d’autres facteurs entrent en ligne de compte.»

Un muscle doit être utilisé pour être efficace. Après que les muscles des jambes et des cuisses auront été entraînés, le patient marchera quotidiennement dans les semaines qui suivront, ce qui permettra de conserver les acquis. Mais pour les membres supérieurs, dont les muscles sont beaucoup moins sollicités hors du cadre bien défini de l’expérience, c’est plus difficile.

La mise au point de l’appareil résulte d’un travail concerté entre Daniel Bourbonnais, professeur d’ergothérapie à l’École de réadaptation de la Faculté de médecine, et deux spécialistes en informatique et électronique: Michel Goyette, ingénieur biomédical, et Daniel Marineau, technicien en électronique à l’Institut de réadaptation de Montréal. La recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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