Édition du 18 mars 2002 / Volume 36, numéro 24
 
  Des mentors pour la relève
Une étudiante en psychologie participe au projet Prométhée.

Il y a un an, Manon Mousseau a décidé de s’engager auprès des jeunes afin de prévenir l’abandon scolaire. Elle-même est une ancienne décrocheuse.

Elle s’appelle Manon Mousseau. Elle termine actuellement un baccalauréat en psychologie et est mentor bénévole pour le projet Prométhée, une organisation à but non lucratif qui visite les écoles secondaires afin d’aider les jeunes à poursuivre leurs études. Mme Mousseau est bien placée pour parler aux élèves qui pensent tout abandonner: elle-même a décroché à 17 ans.

«Le décrochage est en croissance au Québec, dit-elle. Un tiers des jeunes âgés de 12 à 17 ans décrochent. Le mentorat en milieu scolaire permet à un élève d’établir une relation significative avec un adulte qui l’écoute, lui parle et l’encourage. Cela tend à améliorer l’estime et la confiance de l’adolescent et contribue à favoriser ses performances scolaires et à prévenir l’abandon. Il n’y avait pas de service de ce genre dans mon temps!»

La future psychologue rencontre chaque semaine Linda, 16 ans, originaire du Ghana, en Afrique occidentale. Elles prennent un café ensemble et discutent pendant une heure. L’élève de l’école secondaire Lavoie, qui vient d’immigrer au Québec, souffrait d’un sentiment d’isolement et présentait des caractéristiques comportementales indiquant un risque de décrochage. Mais ça, c’était avant d’être jumelée avec un mentor. «C’est simple, mais ça marche. Je vois Linda, à l’école, à raison d’une heure par semaine depuis près d’un an maintenant. Ses résultats se sont améliorés et elle montre un plus grand intérêt pour les activités parascolaires.»

L’adolescente n’est pas la seule à apprécier cette relation. «Je ressens une grande satisfaction de pouvoir contribuer aux progrès de Linda. De plus, cette expérience m’a permis de mettre en application des connaissances acquises dans mes cours et de renforcer mes propres habiletés interpersonnelles et communicationnelles», admet cette mère de deux enfants qui veut entreprendre une maîtrise axée sur les jeunes après l’obtention de son diplôme de baccalauréat.

Une présence significative

Il existe aujourd’hui plusieurs programmes de mentorat au sein d’organismes communautaires, à l’université, dans la fonction publique et dans les grandes entreprises. Mais le mentorat scolaire, concept répandu aux États-Unis, n’est apparu au Québec qu’il y a une dizaine d’années. Signe des temps, le cybermentorat a fait son apparition sur la Toile en 1999. Le site academos.qc.ca compte plus de 250 mentors virtuels qui répondent bénévolement aux questions des élèves ou des décrocheurs désireux d'en apprendre davantage sur une carrière. Fondé en 1992 par un regroupement de jeunes professionnels en éducation, le projet Prométhée compte à Montréal seulement une centaine de bénévoles et permet chaque anée à autant d'élèves d'entamer un programme de mentorat.

Le mot «mentorat» vient du personnage de la mythologie grecque Mentor, ami et tuteur du fils d’Ulysse. C’est lui qui a guidé et conseillé Télémaque quand Ulysse a entrepris son odyssée. «Le projet Prométhée tire aussi sa source de cette même mythologie. Prométhée a dérobé aux dieux le feu pour l’apporter aux hommes. Il leur aurait enseigné l’ensemble du savoir qui fonde une civilisation, explique Marianne Chemla, intervenante pour Prométhée à Montréal. Les fondateurs du projet ont repris ce nom afin de représenter la transmission du flambeau du savoir comme moyen pour contrer le décrochage scolaire.»

Selon Manon Mousseau, il n’est pas nécessaire d’être professeur agrégé pour devenir mentor. Un bon mentor est quelqu’un qui a «du vécu, de l’expérience». C’est aussi une personne qui «sécurise le protégé et le stimule en lui proposant des défis». Mais la plus grande qualité demandée, c’est de savoir écouter. «On doit chercher à comprendre ses besoins et l’amener à réfléchir. Souvent, c’est d’une oreille attentive que le jeune a le plus besoin. Dans la plupart des cas, le décrocheur est issu d’une famille où les adultes sont peu présents.»

Quelques indices permettent de reconnaître un jeune susceptible de décrocher. Notamment, l’absentéisme, les difficultés ou retards scolaires, la chute brutale des notes, une faible estime de soi, des problèmes de discipline ou de ponctualité, une famille peu engagée et un comportement sous ou surréactif. «Il faut être vigilant, souligne Manon Mousseau. Pendant qu’il est à l’école, on peut amener un adolescent à comprendre la pertinence de l’instruction et la nécessité d’acquérir des compétences préparatoires à l’emploi. Après, il est parfois trop tard.»

Lorsqu’ils sont sélectionnés, les mentors reçoivent une formation de 20 heures, assurée par des professionnels dans les domaines de la psychologie, des communications interpersonnelles, de la relation d’aide et de l’éducation. Cette formation est nécessaire pour le jeune autant que pour le mentor. Le contact entre le mentor et le protégé s’étend généralement sur une période de un an, parfois davantage. Jusqu’à ce que le protégé se sente assez en confiance.

Mme Mousseau anticipe déjà le moment où Linda pourra voler de ses propres ailes. «On se prépare toutes les deux à ce jour éventuel. Mais d’ici là, elle a ma promesse d’une présence significative et stable sur laquelle elle peut se fier.»

Dominique Nancy

Si vous croyez avoir l’étoffe d’un guide et désirez partager votre expérience dans le cadre du projet Prométhée, communiquez avec Mme Chemla au (514) 282-6633.



 
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