Édition du 8 avril 2002 / Volume 36, numéro 26
 
  Pour comprendre la violence religieuse
Des croisades aux attentats du 11 septembre en passant par les suicides de l’Ordre du temple solaire, croyance rime souvent avec violence.

Élisabeth Campos

La violence religieuse et les guerres de religion auraient fait 200 millions de morts depuis 2000 ans, selon les chiffres de l’UNESCO. Le phénomène qui, selon certains, aurait pris de l’ampleur avec la montée des sectes au cours des dernières décennies n’est donc pas nouveau et semble faire partie de l’histoire de l’humanité.

Pour faire le lien avec l’actualité et les axes de recherche de ses membres, le Centre d’études des religions a consacré une table ronde à ce thème le 22 mars dernier. Un survol des diverses composantes du phénomène a été présenté, mais il en est ressorti que cette réalité aux multiples facettes demeure méconnue.

Terrorisme politique et religieux

«Je ne suis pas prêt à dire que la violence religieuse augmente, a affirmé Jean-Guy Vaillancourt, professeur au Département de sociologie. Il faudrait d’abord mettre de l’ordre dans le fouillis en établissant, par des études de cas, des recherches historiques et des analyses de structure, des distinctions entre les grandes traditions religieuses et les groupes intégristes ou fondamentalistes.»

Le sociologue soutient que les grandes traditions religieuses n’avalisent pas l’usage de la violence et que ceci est le lot des groupes intégristes. Ces groupes puisent toutefois dans les textes fondateurs des grandes traditions religieuses pour justifier leur action.

En réponse à quelqu’un de la salle qui ne voyait pas la pertinence de séparer le politique du religieux, Jean-Guy Vaillancourt a rappelé que la laïcité des États est «un acquis de civilisation». «Lorsqu’il y a confusion entre le politique et le religieux, on tombe dans un absolutisme qui autorise tout», a-t-il souligné.

Élisabeth Campos, agente de recherche à l’École de criminologie, a pour sa part brossé un tableau des tragédies récentes mettant en cause des sectes religieuses: le «suicide» collectif de Jonestown, qui a fait 900 victimes en 1977; la fin tragique de la secte de David Koresh à Waco; le terrorisme biologique de la secte Aoum au Japon; les suicides rituels de l’Ordre du temple solaire; le massacre du Groupe de la restauration des dix commandements, en Ouganda, provoqué par la peur de l’an 2000, etc.

«Comparé au terrorisme politique laïque, le terrorisme religieux est plus violent et contre-productif parce qu’il cible des groupes civils plutôt que l’État, a souligné la chercheuse. Ses instigateurs sont portés à aller plus loin parce qu’ils considèrent que leurs gestes sont dictés par Dieu.»

Selon Mme Campos, la violence politique perpétrée par des groupes marxistes a connu un déclin avec la fin du régime soviétique, laissant alors la place aux groupes religieux fondamentalistes.

Croissance spirituelle

À l’inverse, on trouve des groupes qui ne prônent aucune violence et qui sont considérés comme dangereux par l’État. C’est le cas, en Chine, du groupe Falungong, interdit par le gouvernement. «Ce regroupement, qui recherche le perfectionnement physique et spirituel, a longtemps été encouragé par les autorités parce qu’il allégeait la charge de l’État en intervenant dans le domaine de la santé», a précisé David Ownby, directeur du Centre d’études de l’Asie de l’Est.

Après la mort de Mao et le recul du Parti communiste dans les années 80, il y a eu une explosion du fait religieux en Chine; le gouvernement a alors révoqué le statut accordé au Falungong parce qu’il faisait trop d’adeptes et contestait l’image que les médias et le gouvernement donnaient du mouvement.

Certaines personnes se font par ailleurs violence en cherchant à dépasser leurs limites au sein de groupes de croissance à saveur spirituelle. Guy-Robert St-Arnaud, professeur à la Faculté de théologie, s’est intéressé au cas d’une femme de 30 ans, engagée en pastorale et dans des groupes nouvel âge, pour qui la recherche thérapeutique a mal tourné. À la suite d’une thérapie collective qui lui a fait prendre conscience d’un blocage sexuel, la jeune femme décide de pousser plus loin en allant suivre une thérapie du «cri primal».

«Le dépassement des limites est allé trop loin et le rêve a tourné au cauchemar, a affirmé le professeur. La recherche extrême a entraîné un décrochage et a désorganisé la vie de cette femme.»

La prochaine activité du Centre d’études des religions aura lieu le 18 avril et traitera du dialogue entre science et religion autour du thème de la cosmologie.

Daniel Baril



 
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