Édition du 8 avril 2002 / Volume 36, numéro 26
 
  Les groupes sociaux face au dilemme de la mondialisation
Les mouvements syndicaux et écologistes n’en sont pas encore à l’action internationale concertée.

Chalmers Larose a mérité une mention d’honneur et une bourse de l’Institut de recherche en économie contemporaine pour son doctorat sur le militantisme transnational.

Les organisations militantes syndicales et écologistes, qui ont vu le jour dans le contexte d’un État national bien défini, sont contraintes de réviser leurs stratégies pour faire face à la mondialisation des échanges économiques. Comment s’adaptent-elles à cette nouvelle réalité?

«Selon la théorie des transnationalistes, les mouvements sociaux vont automatiquement adopter des stratégies adaptées au contexte de la mondialisation afin d’investir le cadre transnational des enjeux économiques», indique Chalmers Larose.

Sa thèse de doctorat montre toutefois qu’il n’y a pas de causalité automatique entre libre-échange et transnationalisation des groupes sociaux. «L’hypothèse transnationaliste était trop forte», affirme-t-il. L’étudiant a analysé les échanges internationaux au sein de deux types d’organisations militantes du Canada, des États-Unis et du Mexique, soit les syndicats et les écologistes, qui défendent respectivement des intérêts locaux et des intérêts transfrontaliers.

Codirigée par les professeurs Jane Jenson et Michel Duquette, du Département de science politique, cette recherche a valu à M. Larose une mention d’honneur et une bourse de 3000 $ de l’Institut de recherche en économie contemporaine.

Trois conditions

Le chercheur a déterminé trois conditions nécessaires à la mondialisation du militantisme: l’élaboration d’un discours transnational, l’établissement d’alliances et de réseaux transfrontaliers et la définition d’actions communes et concertées. «Le niveau de transnationalisation du groupe social sera le reflet de sa capacité à intégrer ces trois indicateurs», souligne Chalmers Larose.

Première constatation: le discours transnational passe mal dans les groupes militants. Au Mexique, où le mouvement écologiste est peu développé, les relations internationales dans ce secteur sont dominées par les groupes américains qui sont alors perçus comme impérialistes. «Ce rapport de force inégal freine les coalitions», indique l’étudiant.

Des divergences existent également entre les groupes canadiens et les groupes américains: au Canada, le mouvement écologiste est un mouvement social et politique, alors qu’aux États-Unis il s’est constitué sous le modèle du lobbying.

Du côté des syndicats, le contexte historique et les valeurs sont différents dans les trois pays. Les syndicats mexicains voient d’un bon œil l’implantation d’entreprises nord-américaines sur leur territoire alors qu’au Canada et aux États-Unis on craint l’arrivée massive d’une main-d’œuvre à bon marché. L’ALENA a de plus entraîné une rupture entre les syndicats canadiens et québécois, ces derniers étant plus ouverts au libre-échange.

«Les syndicats canadiens étant dans bien des cas des extensions internationales des syndicats américains, l’antagonisme est en fait plus faible entre eux qu’entre les syndicats canadiens et québécois, affirme M. Larose. L’Accord de libre-échange a par ailleurs éveillé le sentiment national canadien alors que le Québec peut défendre sa spécificité même dans ce nouveau contexte.»

Malgré ces divergences de part et d’autre, les organisations militantes paraissent ouvertes aux alliances et à la collaboration internationale.

Pour ce qui est de la troisième condition, soit l’action concertée, tout reste à faire. «L’action commune et la concertation sont beaucoup plus difficiles et cette condition n’est pas encore réalisée, contrairement à ce qu’on peut observer en Europe», note le chercheur.

L’action des groupes sociaux lui est également apparue comme étant réactive au nouveau contexte plutôt que véritablement proactive. «On ne peut s’arrêter là pour établir une stratégie transnationale.»

L’ensemble de l’étude fait finalement ressortir que les groupes syndicaux et environnementalistes continuent de définir leurs stratégies dans le contexte des rapports avec un État national qui n’a pas disparu. Les deux types d’organisations font face au même dilemme stratégique marqué par la tension entre le local et le global, conclut Chalmers Larose.

Daniel Baril



 
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