Édition du 22 avril 2002 / Volume 36, numéro 27
 
  Le traitement hyperbare n’améliore pas les performances cognitives
De nouvelles données appuient l’hypothèse de l’effet placebo.

Selon Paule Hardy, il est reconnu qu’à 1,3 atmosphère, soit la pression à laquelle le groupe placebo a été soumis, il n’y a pas d’absorption plus grande d’oxygène par l’organisme.

Le traitement de la paralysie cérébrale à l’aide de la chambre hyperbare a soulevé une vive polémique l’année dernière, à la suite de la publication dans Lancet d’une étude québécoise qui indiquait que l’amélioration des fonctions motrices obtenue grâce à ce traitement ne dépassait pas l’effet d’un traitement placebo.

De nouvelles données, qui seront bientôt publiées dans Developmental Medicine Child Neurology, appuient cette hypothèse. Paule Hardy, qui a participé à l’étude parue dans Lancet, a mesuré l’effet du traitement hyperbare sur les performances cognitives de 75 enfants atteints de paralysie cérébrale.

«Nous avons mesuré à quatre étapes différentes les capacités d’attention, de mémoire de travail et de rétention d’information visuelle et auditive, explique Paule Hardy. Environ 80 % des enfants souffrant de paralysie cérébrale présentent des déficits dans ces fonctions. Nous avons observé une amélioration de ces capacités cognitives même trois mois après la fin des 60 séances de traitement, mais aucune différence significative entre les enfants soumis aux traitements et ceux qui ont reçu un traitement placebo n’a été notée.»

Mme Hardy attribue donc cette amélioration à un effet placebo et à l’effet des tests eux-mêmes. «Le fait de passer des tests d’apprentissage a toujours un effet sur la capacité d’apprentissage, précise-t-elle. Les gens finissent par comprendre l’opération et améliorent leur performance. Le contexte de la recherche et les nombreuses mesures de capacité physique et cognitive ont aussi créé un contexte très stimulant pour les participants; les parents ont soutenu activement les enfants et ont établi un réseau de liens sociaux dynamiques et vivifiants.»

L’amélioration des capacités cognitives serait due à ce contexte. Les chercheurs étaient arrivés à la même conclusion à la suite des mesures portant sur les capacités motrices effectuées sur ces mêmes enfants.
Paule Hardy a par ailleurs soumis à la chambre hyperbare 12 personnes qui ne souffraient pas de paralysie cérébrale et dont les fonctions cognitives étaient normales. «Certains parents qui accompagnaient les enfants dans la chambre hyperbare ont affirmé qu’ils étaient plus alertes après le traitement. Mais aucun des sujets normaux soumis aux tests cognitifs n’a montré de changement mesurable dans ses fonctions d’attention, de rapidité, de prise de décision et de traitement de l’information.»

Oxygénothérapie

La polémique subsiste à propos de l’efficacité de ce traitement parce que certains considèrent que, dans cette expérience, le placebo n’en est pas vraiment un. Le traitement hyperbare consiste à porter la pression atmosphérique à 1,75 atmosphère, c’est-à-dire à l’augmenter de 75 %. Le groupe qui a reçu ce qui est considéré comme un placebo a été soumis à une pression de 1,3 atmosphère.

De plus, dans le traitement hyperbare, l’air de la chambre est composé d’oxygène pur à 100 % alors que le groupe placebo a respiré de l’air ordinaire, dans lequel la concentration d’oxygène est de 21 %. Cet élément est déterminant puisque le traitement hyperbare est en fait une oxygénothérapie. L’augmentation de la pression atmosphérique favorise l’absorption d’oxygène par le plasma sanguin et ce surcroît d’oxygène stimule l’activité de cellules vivantes dont le métabolisme est bloqué par l’œdème d’enflure dû à une nécrose cellulaire. L’efficacité de ce procédé est reconnue pour traiter les accidents de plongée sous-marine, les greffes de peau problématiques ou encore l’empoisonnement au monoxyde de carbone. Mais aucune étude sérieuse n’avait cherché à mesurer son efficacité contre la paralysie cérébrale avant l’étude subventionnée par le ministère de la Santé et des Services sauciaux du Québec.

Dans cette étude, il était nécessaire d’augmenter la pression normale pour le groupe placebo afin d’éviter que les sujets sachent dans quel groupe ils se trouvaient; à 1,3 atmosphère, la pression provoque un effet perceptible sur les tympans. Mais selon Paule Hardy, cette pression est trop faible pour provoquer une plus grande absorption d’oxygène. «Il est reconnu qu’à 1,3 atmosphère la pression est sans effet sur l’absorption d’oxygène, affirme-t-elle. C’est le seuil utilisé pour évaluer l’efficacité du traitement hyperbare sur les autres maladies ou accidents et même dans les tests sur les animaux.»

Traumatismes crâniens

La chercheuse a d’ailleurs étudié l’efficacité de ce traitement dans d’autres types d’affections comme les accidents vasculaires cérébraux et les commotions cérébrales. Dans une étude de cas, l’observation par potentiel évoqué d’un patient souffrant d’hémiplégie et d’aphasie causées par la section d’une artère a montré une réactivation de l’hémisphère atteint après 20 traitements en chambre hyperbare.

«Comme le patient avait atteint la phase chronique, l’amélioration ne pouvait être due à une récupération spontanée, qui n’est possible que dans les jours qui suivent l’accident, explique Paule Hardy. Et aucun autre type de traitement n’a été administré pendant l’étude.»

Des résultats préliminaires sont également encourageants dans le cas de commotions cérébrales. «Après seulement cinq traitements, la récupération des athlètes soumis au traitement hyperbare est apparue nettement supérieure à celle des athlètes qui n’avaient reçu aucun traitement», a-t-elle observé. Cette récupération a été mesurée à la fois par des tests cognitifs et par potentiel évoqué qui a montré une réactivation plus forte de la zone d’attention après le traitement.

Selon Paule Hardy, l’efficacité du traitement hyperbare dans les cas de traumatismes crâniens serait attribuable au fait qu’il existe un potentiel de récupération neuronale chez les personnes affectées, ce qui ne serait pas le cas chez les personnes atteintes de paralysie cérébrale; chez ces personnes, la région concernée dans le cerveau est possiblement atrophiée.

Les travaux de Paule Hardy sont codirigés par Maryse Lassonde, professeure au Département de psychologie de l’Université de Montréal, et Karen Johnston, de l’Université McGill, dans le cadre de son doctorat en psychologie.

Daniel Baril



 
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