Édition du 6 mai 2002 / Volume 36, numéro 28
 
  Inclassable Rosa…
Les roses sauvages du Québec posent des problèmes aux taxonomistes.

Les chercheurs Anne Bruneau, Simon Joly (au centre) et Julian Starr examinent une planche de l’herbier Marie-Victorin comportant un rosier indigène de l’est du Canada.

Il existe environ 150 espèces de rosiers sauvages réparties principalement en Asie et en Europe. Sept d’entre elles sont observables au Québec. Mais pour les reconnaître, bonne chance! Selon Anne Bruneau, professeure-chercheuse en systématique moléculaire à l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) et au Département de sciences biologiques, les rosiers sauvages appartiennent à un des groupes les plus problématiques de la taxonomie végétale. «Tout ce qui peut être compliqué en classification des plantes, on le retrouve chez Rosa: des caractères distinctifs difficiles à interpréter, une morphologie variant à l’intérieur d’une même espèce, voire sur un même spécimen, des systèmes de reproduction et des processus évolutifs complexes...»

Un exemple: Rosa rousseauiorum et Rosa williamsii. Présentes exclusivement dans les régions de Charlevoix et du Bic pour la première et seulement dans la région du Bic pour la seconde, ces plantes font l’objet d’une vieille controverse. Selon certains, elles sont très semblables et pourraient être une seule et même variété de Rosa blanda. Les travaux sur les rosiers nord-américains d’Anne Bruneau et de son principal assistant, Julian Starr, chercheur postdoctoral à l’IRBV, devraient permettre de confirmer ou d’infirmer le statut d’espèce pour Rosa rousseauiorum et Rosa williamsii, qui figurent sur la liste des espèces susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables au Québec.

Les résultats obtenus par les chercheurs viendront ainsi appuyer les décisions taxonomiques de l’équipe américaine de rhodologues Walter Lewis et Babara Ertter dans leur ouvrage Flora of North America, considéré comme la bible des taxonomistes nord-américains.

Mieux connaître les rosiers du Québec

La vaste étude entamée par le laboratoire d’Anne Bruneau portera, dans un premier temps, sur les rosiers nord-américains afin de désigner avec précision les relations entre les espèces. «En nous limitant à la vingtaine de rosiers présents en Amérique du Nord, nous aurons davantage de chances de déterminer des liens, ce qui mènera éventuellement à une recherche plus efficace pour le genre Rosa au complet», estime Mme Bruneau.

Ils analyseront également l’ADN de l’ensemble des espèces nord-américaines pour établir précisément leurs liens de parenté. De façon générale, plus les séquences d’ADN entre deux espèces sont similaires, plus ces espèces sont proches parentes. En combinant les données moléculaires obtenues de l’ADN avec les données morphologiques tirées de l’observation directe des caractéristiques physiques des rosiers, les chercheurs pourront émettre des hypothèses sur l’évolution des rosiers en Amérique du Nord.

Classer les espèces, c’est le principal objectif des systématiciens. Jusqu’à tout récemment, ces spécialistes n’avaient d’autre choix que de comparer des traits physiques. Aujourd’hui, on fait appel à la biologie moléculaire. Ce qui était, hier, un obstacle quasi insurmontable en taxonomie pourrait se résoudre en quelques jours au laboratoire par la comparaison des portions de code génétique.

Deux espèces proches parentes

Le second volet de l’étude portera particulièrement sur l’analyse de deux complexes d’espèces de rosiers présents au Québec. Par «complexe», on entend des espèces proches parentes qu’il est souvent très difficile de distinguer entre elles à l’aide des caractères d’identification morphologiques. Pour vérifier la délimitation des espèces du complexe, les chercheurs Bruneau et Starr utiliseront des marqueurs moléculaires très variables. Plus les espèces sont proches parentes, comme dans le cas d’un complexe, plus il est important d’utiliser des marqueurs pouvant distinguer les espèces, s’il y a lieu, malgré les nombreuses similitudes partagées.

«Tout le monde connaît les roses, tout le monde les aime! Ce sont des fleurs que les humains affectionnent depuis toujours. Pourtant, on ne sait rien sur l’évolution du genre. Pour une systématicienne, c’est tout un défi qui se présente!» Tout ce qu’elle souhaite, c’est de ne pas connaître le destin du rhodologue belge François Crépin, devenu fou après avoir travaillé toute sa vie sur les roses!

Josée-Nadia Drouin
Collaboration spéciale




 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications