Édition du 21 mai 2002
 
  Pour voir la vie en vert
Le premier centre canadien d’analyse et de gestion du «cycle de vie» est créé à l’Université de Montréal.

La gestion du cycle de vie des produits permet d'assurer une production à la fois plus économique et plus écologique, estime Réjean Samson, directeur général du CIRAIG.

Qu'est-ce qui est le moins polluant: un sac de papier ou un sac de plastique? À première vue, le sac de papier, qui se dégrade rapidement, paraît moins polluant. Mais si l'on prend en considération la dépense énergétique nécessaire à la fabrication des deux produits et leur possibilité de recyclage, le sac de plastique s'avère plus écologique.

Désignée par l'expression «gestion du cycle de vie» (GCV), la prise en compte des procédés de fabrication, d'utilisation et d'élimination d'un produit afin de réduire au minimum la charge sur l'environnement est une approche relativement nouvelle qui nous réserve sans doute des surprises. Le tout premier groupe de recherche dans ce domaine au Canada a vu le jour sur le campus de l'UdeM l'année dernière avec la création du CIRAIG, le Centre interuniversitaire de référence sur l'analyse, l'interprétation et la gestion du cycle de vie des produits, procédés et services.

«L'objectif du CIRAIG est de contribuer au développement durable, c'est-à-dire à la production de biens et de services sans nuire aux générations futures, explique son directeur général, Réjean Samson, professeur à l'École Polytechnique. En Amérique du Nord, l'intégration de cette approche à la production industrielle est en retard par rapport à l'Europe, mais nos entreprises n'auront pas le choix de lui emboîter le pas puisque cet outil leur confère une compétitivité accrue.»

Si une entreprise veut savoir, par exemple, lequel de deux appareils ménagers a la meilleure valeur environnementale, la GCV lui permet d'analyser les matériaux utilisés, les procédés de fabrication, les émissions polluantes et les coûts de production pour chacune des pièces; cette entreprise est ainsi en mesure de connaître les points faibles de sa chaîne de production et sait où intervenir pour réduire les coûts ou les impacts environnementaux. Il existe même une norme ISO pour les compagnies qui intègrent cette approche dans leur plan de production.

Penser vert

«Au Canada, un projet de politique d'achats verts est à l'étude, souligne Réjean Samson. Dans la perspective des accords de Kyoto, les entreprises auront à dresser leur bilan énergétique et la gestion du cycle de vie pourra leur permettre de cibler plus précisément leur effort environnemental afin d'éviter des solutions qui ne feraient que déplacer le problème ou qui se révéleraient pires que le problème.»
Les fabricants d'ordinateurs qui dépensent aujourd'hui des centaines de millions de dollars pour recycler ces appareils auraient eu avantage, estime le professeur, à recourir à la GCV avant de se lancer dans la production de masse.

Cette approche n'est pas réservée qu'à la production de biens, elle permet également d'évaluer des services ou des fonctions. Quelle est, par exemple, la méthode la plus efficace pour peindre une maison? Quel est l'impact environnemental d'un texte écrit au crayon à mine et d'un autre rédigé au stylo? Quel est le meilleur moyen de transport pour une famille en vacances?

Pour résoudre de tels problèmes, les chercheurs disposent de logiciels et de banques de données qui permettent d'obtenir rapidement toute l'information sur une des composantes d'un produit précis, dont ses coûts et ses émissions polluantes, et de faire des simulations. Ces outils ont toutefois été conçus pour les conditions européennes et un des objectifs du CIRAIG est de les adapter au contexte nord-américain afin d'offrir aux entreprises et aux gouvernements des données fiables.

«La GCV suscite toutefois une certaine méfiance chez les écologistes parce qu'elle détruit certains mythes», affirme Réjean Samson. Si le moteur à hydrogène ou à l'éthanol semble un produit vert, le portrait change lorsqu'on prend en considération le coût environnemental de la production d'électricité et d'huile végétale.

Les chercheurs du CIRAIG aideront les entreprises publiques et privées à voir un peu plus clair dans de telles problématiques qui nécessitent une approche multidisciplinaire. L'un des projets actuellement à l'étude porte sur la fabrication du papier journal: on cherche les indicateurs les plus fiables pour optimiser à la fois la production et le recyclage de ce type de papier.

L'UNEP

Le CIRAIG regroupe des chercheurs de l'École Polytechnique, de l'École des Hautes Études Commerciales et de l'École de design ainsi que plusieurs collaborateurs rattachés à divers établissements universitaires québécois et étrangers. Un projet de maîtrise en écologie industrielle est à l'étude.

Pour ses quatre premières années de fonctionnement, le Centre bénéficie d'une subvention de 1,8 M$ de Valorisation-recherche Québec et de 300 000 $ du Fonds d'actions québécois en développement durable.

Le CIRAIG est par ailleurs membre du comité international du Programme environnemental des Nations Unies (UNEP) qui a adopté, à Prague en avril dernier, la gestion du cycle de vie comme outil de développement durable.

Daniel Baril



 
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