Édition du 21 mai 2002
 
  Première description de la sclérodermie au Québec
Une étude dirigée par le Dr Jean-Luc Senécal permet de désigner les cas à risque et ouvre la voie à de nouvelles recherches fondamentales.

Selon le Dr Jean-Luc Senécal, les autoanticorps de la sclérodermie présenteraient un profil particulier chez les Québécois francophones.

La sclérodermie est une maladie orpheline: personne ou presque ne s’en occupe et l’on ne connaît pour ainsi dire rien à son sujet. Même si l’on estime à 8000 le nombre de personnes qui en sont atteintes au Québec, on n’avait jusqu’ici aucune donnée sur l’expression de cette maladie chez nous.

La première étude québécoise vient d’être réalisée par une équipe du CHUM dirigé par le Dr Jean-Luc Senécal, de l’hôpital Notre-Dame et professeur au Département de médecine. «L’objectif était de déterminer les caractéristiques de cette maladie au Québec et d’établir le taux de survie selon la gravité de la maladie», explique le Dr Senécal.

Grâce à cette étude, qui a duré 15 ans et porté sur 309 patients, les médecins sont maintenant en mesure de désigner plus facilement les patients qui présentent le plus haut risque de mortalité.

La forme québécoise

Dans ses symptômes apparents (voir l’encadré «Momification»), la forme québécoise de la sclérodermie ne diffère pas de ce qui est observé ailleurs.

Toutefois, l’étude du Dr Senécal a permis de constater que les autoanticorps de cette maladie présentent un profil particulier chez les Québécois. «Les autres études sur la sclérodermie montrent qu’un autoanticorps spécifique se retrouve chez 40 % des patients, mais on ne le rencontre que chez 10 % des sujets québécois. Ceci suggère que d’autres anticorps sont en cause et nous essayons présentement de les découvrir.»

Par ailleurs, cette étude montre que le taux de survie s’est amélioré par rapport à celui observé dans des études antérieures faites au Canada anglais, en Australie et au Danemark. En 1987, seulement 21 % des patients atteints de la forme la plus diffuse de sclérodermie (touchant les membres, le tronc, le visage et des organes internes) étaient toujours vivants 10 ans après le diagnostic. Ce taux était passé à 57 % en 1990 et à 59 % en 1996. L’étude québécoise, qui a recueilli des données jusqu’en 1999, indique un taux de survie de 62 % 10 ans après le diagnostic.

«Les chiffres révèlent que nous avons atteint un plateau dans l’amélioration des chances de survie», affirme le Dr Senécal. Chez les femmes atteintes de la forme diffuse, le taux de mortalité demeure huit fois supérieur à celui observé parmi leurs cohortes d’âge. Chez celles atteintes de la forme limitée (mains et organes internes), le taux de mortalité est près de trois fois supérieur à celui de leurs cohortes.

Marqueurs pronostiques

L’étude du Dr Senécal a aussi montré que la diminution du nombre de capillaires du bout des doigts est un symptôme précoce de la maladie: en moins de un an, plus de 50 % de ceux qui sont atteints de la forme diffuse sont affectés d’une réduction des capillaires.

De plus, l’équipe a établi un protocole de pronostic sur les chances de survie à l’aide de cinq marqueurs: l’étendue de la sclérodermie au tronc, le nombre d’années de survie depuis le diagnostic, l’atteinte des poumons, l’anémie et la vitesse de sédimentation des globules rouges. «Ces marqueurs nous permettent de désigner les patients les plus à risque et de leur assurer un meilleur suivi», souligne le chercheur.

Cette étude ouvre également de nouvelles pistes en recherche fondamentale. On sait par exemple qu’il serait avantageux de connaître les causes de la réduction des capillaires des doigts afin de pouvoir intervenir rapidement. Outre les recherches sur l’identification d’autoanticorps particuliers aux Québécois, l’équipe de Jean-Luc Senécal poursuit des travaux sur l’atteinte des vaisseaux des poumons, qui constitue la première cause de décès par sclérodermie. Les chercheurs tentent également de voir s’il existe un lien entre les autoanticorps de cette maladie et la surabondance de collagène.

Daniel Baril

Momification

La sclérodermie est une maladie du durcissement de la peau et des organes internes, soit le coeur, les poumons, les reins et les intestins. «C'est une maladie auto-immune, c'est-à -dire que des anticorps s'attaquent à l'organisme lui-même, explique le Dr Jean-Luc Senécal. Ceci est accompagné d'une surproduction de collagène, mais on ne sait pas s'il existe un lien de cause à effet entre ces deux symptômes. On observe également, au microscope, une diminution du nombre de capillaires au bout des doigts.»

Le collagène est une protéine qui sert de liant aux cellules et aux tissus et sa surabondance dans l'organisme entraîne le durcissement de la peau et des organes. «Cela peut sembler terrible à dire, mais les personnes atteintes de sclérodermie sont en quelque sorte momifiées de leur vivant», ajoute le médecin.

Les premiers symptômes apparents sont un épaississement de la peau des doigts, qui perdent en flexibilité et qui blanchissent au froid pour devenir bleus puis rouges en se réchauffant. «Ce syndrome touche quatre pour cent de la population, mais il est important de savoir que seulement cinq pour cent des personnes affectées par ce problème souffrent réellement de sclérodermie», précise le médecin. Les autres symptômes peuvent être l'hypertension, des troubles respiratoires et digestifs et une insuffisance cardiaque.

On ne connaît actuellement aucun traitement contre cette maladie dont on ignore même la cause. Les immunosuppresseurs peuvent stabiliser l'état du patient mais rien ne permet de régénérer les tissus atteints. Lorsque le coeur et les poumons sont touchés, la transplantation est parfois la seule solution.

La maladie, qui frappe surtout dans la quarantaine, est présente partout sur la planète et touche six fois plus de femmes que d'hommes. Bien qu'un facteur génétique semble présent, la sclérodermie serait rarement héréditaire.

D.B.







 
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