Édition du 10 juin 2002
 
  Le cinéma des premiers temps
Spectacle de lanterne magique, projections des premiers films tournés au Québec et lancement d’une filmographie sont au programme du congrès international de Domitor.

Les interruptions de manivelle ne répondaient pas aux mêmes impératifs chez Méliès et chez les frères Lumière, affirme André Gaudreault.

L’histoire du cinéma au Québec est à peine plus jeune que l’histoire du cinéma lui-même. La première projection publique d’«images photographiques animées» a eu lieu en 1895 à Paris, mais le premier film réalisé au Québec a été tourné à peine trois ans plus tard à Kahnawake.

Les amateurs d’histoire et de cinéma seront comblés au congrès de Domitor, qui se déroulera du 18 au 22 juin à la Cinémathèque québécoise et dont le thème porte sur la technologie et les dispositifs du cinéma des premiers temps. «Le terme “dispositif” désigne à la fois les aspects techniques, la théorie ainsi que les dispositions psychologiques des cinéastes et du public», précise André Gaudreault, professeur au Département d’histoire de l’art et codirecteur de l’événement.

En tout, une soixantaine de conférenciers du Canada, des États-Unis et d’Europe traiteront des aspects technico-matériels de cette machine à vues animées, de l’impact qu’elle a eu sur les autres médias et autres formes de spectacles, de la perception qu’en avait le public ainsi que de la construction narrative chez les premiers cinéastes.

Un spectacle de lanterne magique, avec bonimenteur et chanteuse-pianiste, est également au programme. Inventée au début du 19e siècle, cette lanterne à projection a donné naissance au cinématographe des frères Lumière dans la dernière décennie du siècle. La lanterne magique constituait la source de lumière du cinématographe devant laquelle l’opérateur faisait dérouler la bobine de film à la main.

La même époque a vu l’invention du kinétoscope, de Thomas Edison. Contrairement au cinématographe, le kinétoscope ne projetait pas l’image sur un écran: il fallait regarder le film dans une visionneuse en faisant tourner une manivelle.

Stratégie narrative

En tant que chercheur en histoire du cinéma, André Gaudreault s’est plus particulièrement intéressé aux techniques de montage et de trucage chez les premiers cinéastes. «L’examen des films des Lumière montre des stigmates de montage et des interruptions de manivelle dans 10 % des cas, a-t-il remarqué. Mais les Lumière interrompaient le tournage parce qu’il n’y avait plus rien à filmer et non par stratégie narrative comme on peut l’observer chez Méliès.»

Même s’il y a des mises en scène dans la plupart de leurs films, les Lumière étaient en quelque sorte à la merci de ce qui se passait devant eux et de ce qu’ils voulaient montrer. «Chez Méliès, qui tournait ses films en studio, les arrêts de caméra sont plus contrôlés. Il s’en sert par exemple pour créer des effets d’apparition et de disparition, montrant une manipulation du filmographique.»

Les frères Lumière ont toutefois été prolifiques. Bien que la durée de leurs films ne dépasse pas une minute, ils en ont produit, avec leurs collaborateurs, pas moins de 1428. Parmi ceux-ci, le tout premier film tourné au Québec par Gabriel Veyre et intitulé Danse indienne. Ce document historique, ainsi que plusieurs autres films tournés ici au temps du muet, seront présentés au congrès de Domitor, accompagnés bien sûr de boniments et de pièces au piano.

La rencontre sera également l’occasion du lancement d’une édition Internet de la Filmographie des «vues» tournées au Québec avant 1908. «L’objectif de cette filmographie est à la fois de faire connaître les films tournés ici au début du cinéma et de comprendre l’évolution de notre expérience cinématographique», précise André Gaudreault, qui en a dirigé la réalisation avec Germain Lacasse, professeur associé au Département d’histoire de l’art.

Cette banque de données découle des travaux du Groupe de recherche sur l’avènement et la formation des institutions cinématographique et scénique (GRAFICS), dirigé par le professeur Gaudreault et qui regroupe des chercheurs d’une dizaine d’universités québécoises et étrangères. Avec la Cinémathèque québécoise, le GRAFICS est l’hôte du congrès de Domitor, une association internationale consacrée à la recherche sur le cinéma des premiers temps.

Daniel Baril



 
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