Édition du 26 août 2002 / volume 37, numéro 1
 
  Sur la route de Compostelle
Marianne Louis, secrétaire à l'École de service social, raconte son pèlerinage.

 

Il est long, long le chemin vers Compostelle. À peine le temps de s'arrêter pour prendre une photo sur le plateau de la Mesata, avant le périple de la montée du Cebreiro. 

Huit cents kilomètres à pied… ça use les souliers, comme le dit la chanson. Mais les gens qui font le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle en reviennent enthousiastes. Certains rentrent transformés. D’autres sont marqués par le défi, épris de calme et de silence. C’est le cas de Marianne Louis, secrétaire à l’École de service social.

 De retour depuis peu de son périple qui l’a amenée de Saint-Jean-Pied-de-Port, au nord des Pyrénées, à Santiago de Compostela, dans l’ouest de l’Espagne, le chemin l’habite encore. «Ce pèlerinage représente avant tout un temps d’arrêt unique. C’est une rencontre avec soi-même; une occasion d’éprouver ses limites et aussi de raffermir des valeurs telles la discipline, la persévérance et la volonté», souligne Marianne Louis, qui a vécu l’expérience avec son mari.

Tôt levés, souvent avant le soleil, ils ont marché 25 kilomètres par jour en moyenne. Parfois davantage. Marchaient-ils côte à côte? «Non. L’un derrière l’autre. Vous savez, on ne peut pas trop parler. On part dans ses pensées, on réfléchit.» À midi, ils s’arrêtaient le temps de manger un sandwich. Pour dormir, ils s’installaient dans les refuges de pèlerins. «Parfois, on se retrouvait 30 dans un dortoir. Mais la promiscuité et les ronflements sont vite effacés par la fatigue de ces longues journées qui se suivent sans répit.»

Le marathon d’endurance durera six semaines et se fera en deux étapes. Les 400 premiers kilomètres, le couple les a parcourus à l’automne 1999. Puis, en avril dernier, ils ont repris la route là où ils l’avaient laissée, à Fromista. «Une portion du périple se déroule en montagne avec des pics pouvant atteindre 1500 mètres dans les Pyrénées, raconte la secrétaire. Après cette épreuve, le chemin se calme un peu; on marche pendant 200 kilomètres sur un plateau à 800 mètres d’altitude. Ce trajet peut être pénible avec la chaleur de l’été.»

Une autre partie éprouvante du voyage: la montée du Cebreiro. «On sait qu’on approche du but, mais la fatigue nous accable tellement. À un moment donné, je me suis assise par terre et j’ai pleuré… Puis, j’ai prié et j’ai retrouvé la force pour terminer le parcours jusqu’à Saint-Jacques.»

Lorsque Forum l’a rencontrée, Mme Louis avait avec elle son carnet de pèlerin rempli d’estampilles pour le prouver. «Ce carnet, qu’on appelle credencial, nous sert de preuve comme quoi nous sommes des pèlerins. Chaque soir, le gîte qui nous accueille fournit une estampille qui certifie qu’on est passés par tel ou tel endroit.»

Décrocher du quotidien

Quelque 500 000 personnes partent chaque année pour Santiago, là où se trouvent les restes de l’apôtre Jacques découverts autour de 800 après Jésus-Christ. À partir de France, quatre routes mènent à cette destination connue comme un des principaux lieux de pèlerinage dans le monde. Il y a celle qui part de Paris, celles de Vézelay, du Puy-en-Velay et enfin d’Arles. Elles se rejoignent toutes en Espagne, à Puente la Reina, pour ne former qu’un chemin vers Compostelle, qu’on appelle aussi camino et qui est classé patrimoine mondial de l’UNESCO.

 La majorité des gens font la route à pied, quelques-uns la parcourent à cheval ou à vélo. Quel que soit le moyen de transport, un appel est souvent à la base de cette aventure: besoin de se retrouver seul avec soi-même, de savoir où l’on en est, de faire ses dévotions… Ils partent pour obtenir une grâce, une aide matérielle ou faire pénitence. Pour d’autres, les raisons du départ se définissent sur la route, sans arrière-pensées religieuses.

La motivation à la source de cette expédition importe peu, selon Marianne Louis. L’essentiel est plutôt dans la démarche. «Quand on chemine, jour après jour, on finit par faire le vide en soi. Cet état vous amène à décrocher et à vivre le voyage pas à pas. Après, on apprécie davantage l’instant présent», confie cette mère de deux enfants.

Pourquoi Compostelle? Ça ne s’explique pas toujours très bien, admet-elle. Certes, on n’a pas besoin d’aller marcher aussi loin pour développer sa spiritualité. Ici, au Québec, le chemin des Sanctuaires, qui propose un pèlerinage à pied entre l’oratoire Saint-Joseph et Sainte-Anne-de-Beaupré, peut lui aussi répondre aux besoins de la prière, de l’introspection et de la quête d’équilibre. «Mais il est particulier de marcher dans la campagne sur un chemin parsemé de monastères et d’abbayes qui a de nombreux siècles d’histoire. Et la route de Compostelle est dotée d’une infrastructure très bien organisée pour recevoir les pèlerins.»

Chemin faisant, on rencontre également des gens de différentes nationalités, jeunes et aînés. «C’est l’occasion d’échanges agréables, puisque les marcheurs viennent de partout dans le monde, confirme Mme Louis. Il existe une solidarité étonnante entre les pèlerins. C’est un peu magique.»

Attirail du pèlerin

Suisse d’origine, Marianne Louis marche environ cinq kilomètres par jour. «Je prends tous les prétextes pour me déplacer à pied. J’ai déjà facilement fait l’équivalent de six allers et retours de Saint-Jean-Pied-de-Port à Saint-Jacques-de-Compostelle! Malgré tout, je ne suis pas partie en pèlerinage de façon précipitée», déclare-t-elle.

S’il n’est pas nécessaire d’être un athlète pour mener à bien cette expédition, mieux vaut cependant se préparer physiquement et mentalement avant le départ. «Dans mon cas, je me suis beaucoup renseignée sur le chemin de Compostelle en naviguant dans Internet. Je me suis aussi entraînée à marcher avec un sac à dos. Le poids du sac garde le marcheur bien en contact avec le sol, mais il peut facilement devenir un fardeau.»

On choisit donc des vêtements légers et l’on emporte seulement le strict nécessaire — sac de couchage, gourde, imperméable, trousse de secours, épingles à linge, assiette et ustensiles en lexan — afin que le bagage n’excède pas 10 kilos. De bonnes chaussures de marche éprouvées accompagneront également le marcheur. Un bâton de pèlerin lui servira d’appui et un journal de voyage lui permettra de se recueillir.

Au retour, il ne sera pas au bout de ses peines. D’autres défis l’attendent. «Certains ont du mal à reprendre le train-train quotidien. Le plus dur est de réapprendre à marcher… sans son sac à dos!» prévient Marianne Louis. Après avoir surmonté la fatigue, les blessures et les embûches du périple, elle projette déjà de refaire le voyage à partir du Puy-en-Velay, en France. Une randonnée de 1600 kilomètres!

«À ma retraite», dit la secrétaire en souriant.


Dominique Nancy



 
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