Édition du 16 septembre 2002 / volume 37, numéro 4
 
  Les conducteurs âgés provoquent plus d’accidents que les jeunes
Les jeunes commettent davantage d'infractions, tandis que les aînés font plus d'erreurs de manœuvre.

 

Le professeur Jean-Yves Frigon et le chercheur Pierre Joly ont apporté leur expertise à Geneviève Daigneault pour son étude sur les facteurs prédictifs du risque d’accident automobile chez les personnes âgées.  

Selon la Société de l’assurance automobile du Québec, les conducteurs âgés de 75 ans et plus sont responsables de seulement 4 % des accidents avec blessures. C’est peu comparativement aux conducteurs de 16 à 24 ans, qui causent 25 % des accidents de ce type.

Mais à y regarder de plus près, le nombre d’accidents est beaucoup plus élevé chez les aînés si l’on tient compte du nombre de kilomètres parcourus par année: ils occasionnent de 1,6 à 2,4 fois plus d’accidents que les conducteurs de 25 à 64 ans. Et ce sont des accidents qui impliquent généralement plus d’une voiture. Par comparaison, les jeunes ont davantage d’accidents dans les zones de grande vitesse, mais leurs collisions ne mettent habituellement pas en cause d’autres voitures.

«L’erreur la plus fréquente des conducteurs âgés est d’omettre de céder le passage en plus des difficultés qu’ils éprouvent à tourner à gauche à un carrefour, signale Geneviève Daigneault, dont la thèse de doctorat en psychologie déposée récemment à l’Université de Montréal portait sur les aînés et la conduite automobile. Pour pallier leurs déficits, les personnes âgées font souvent preuve d’une prudence excessive qui les amène à réduire leur vitesse. Mais cette attitude ne permet pas de contrebalancer leurs réflexes plus lents ni leurs difficultés d’adaptation aux situations imprévues.»

La neuropsychologue présente les conclusions de sa recherche dans deux articles parus en 2002 dans la revue Accident Analysis and Prevention et le Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology. Dans le premier, elle analyse la relation entre les infractions ou les accidents antérieurs et les risques potentiels de provoquer d’autres accidents. Dans le second, elle livre les résultats d’une étude sur 60 sujets qui compare les fonctions cognitives, mesurées à l’aide de tests neuropsychologiques, avec le nombre d’accidents et les habitudes de conduite.

Ses travaux, entrepris sous la direction de Jean-Yves Frigon, professeur au Département de psychologie, avec la collaboration de Pierre Joly, chercheur au Centre de recherche sur les transports, suggèrent qu’un sous-groupe de conducteurs âgés (ceux qui avaient eu trois accidents et plus au cours des 12 mois précédents) éprouvent des problèmes de jugement qui ne peuvent être compensés par des attitudes plus sécuritaires sur la route.
 

Erreurs et infractions

Au Québec, le renouvellement d’un permis de conduire à l’âge de 75 ans est conditionnel à la réussite d’un examen de la vision et d’un examen médical. Mais le médecin n’est pas toujours apte à diagnostiquer les troubles sur le plan des fonctions exécutives, soit les dispositions mentales qui permettent de superviser les mouvements et de prendre rapidement des décisions. Or, des déficits marqués de ces habiletés seraient à l’origine de nombreux accidents chez les personnes âgées.

Pour Geneviève Daigneault, la question est préoccupante. «On se fie essentiellement aux aptitudes visuelles alors que la conduite automobile est une tâche complexe qui suppose des capacités motrices et cognitives», affirme-t-elle. La plupart des aînés ont un bon dossier de conduite, note pour sa part le professeur Jean-Yves Frigon. «À partir de 65 ans, on observe toutefois une augmentation constante du nombre des accidents, dit-il. Et la qualité de la vision n’est pas seule en cause.» En effet, l’ensemble des résultats confirme qu’une partie des conducteurs âgés qui commettent des accidents à répétition se distinguent par leurs faibles capacités d’anticipation, de planification et d’adaptation.

D’après les chercheurs, le nombre d’accidents antérieurs plutôt que les infractions des aînés permettrait de mieux prédire les risques d’accidents. «Les problèmes cognitifs, entre autres sur le plan des fonctions exécutives, sont généralement à l’origine des erreurs alors que les infractions sont davantage liées à des attitudes psychologiques», explique Mme Daigneault. Les jeunes conducteurs ont plus d’accidents par violation du code de la route que les conducteurs âgés, qui occasionnent plus d’accidents par erreur de manœuvre, ce qui reflète une diminution de leurs habiletés cognitives.

La neuropsychologue estime qu’il ne faut pas considérer les aînés comme des dangers publics. Les jeunes sont aussi à risque. «Avant l’âge de 18 ans, les dispositions mentales favorables à la prise de décisions rapides ne sont pas complètement développées.»
 

La SAAQ est aux aguets

En cinq ans, le nombre de permis délivrés aux personnes de 65 ans et plus est passé de 93 045 en 1995 à 138 830 en 2000. Ces chiffres font craindre le pire. Mais Pierre Joly rappelle que le ratio accidents-kilométrage doit être interprété avec prudence. «Les personnes âgées roulent moins que les jeunes et circulent davantage en ville, là où les risques de collisions sont plus grands.»

Malgré tout, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) est aux aguets. L’année dernière, elle a exigé que près de 55 000 conducteurs âgés de 75 ans et plus subissent des examens médicaux. De ce nombre, plus de 31 000 ont vu des modifications apportées à leur permis de conduire, soit la suspension d’une classe, soit l’interdiction de conduire la nuit ou sans le port de lunettes. La SAAQ a suspendu le permis de 852 conducteurs alors que 471 autres ont renoncé à leur permis de conduire par décision volontaire ou en ne se soumettant pas à l’examen médical.

Dominique Nancy



 
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