Édition du 16 septembre 2002 / volume 37, numéro 4
 
  Qui doit décider de ce qui est «médicalement nécessaire»?
La commission Romanow était de passage à l’Université de Montréal la semaine dernière.

 

À l’arrière-plan, Patrick Molinari et le chef de cabinet du recteur, Guy Berthiaume. À la table et, dans l’ordre habituel, Daniel Weinstock, Dominique Tessier, Paul Barré, Pierre Audet-Lapointe, David Page et Anne Caty. 

La Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, ou commission Romanow, tenait, le 10 septembre dernier à l’UdeM, son septième colloque universitaire sur le thème des enjeux de la réforme des soins au Canada. La question à laquelle une demi-douzaine de spécialistes devait répondre était ainsi formulée: qu’est-ce qui doit être considéré comme «médicalement nécessaire» selon la loi sur la santé et qui doit le déterminer?

Actuellement, la Loi canadienne sur la santé indique que, si les provinces désirent recevoir une aide financière fédérale pour les soins de santé, elles doivent payer tous les services hospitaliers et médicaux «médicalement nécessaires». Mais la Loi ne précise pas ce qu’englobe cette notion. Les provinces tiennent à jour une liste de certaines interventions qui doivent être couvertes par le régime de l’assurance-maladie et d’autres qui en sont exclues, mais il revient en définitive au médecin de déterminer, le cas échéant, si l’intervention est médicalement nécessaire.

Avec les compressions budgétaires, la hausse du coût des soins et la recherche de la rentabilisation, des pressions s’exercent pour que le concept soit défini de façon plus précise.

La commission Romanow a présenté trois scénarios possibles aux intervenants: la loi devrait définir de façon explicite les principes guidant ce qui doit être considéré comme médicalement nécessaire, ce qui pourrait aller jusqu’à dresser une liste de services et traitements précis; les principes ainsi que les soins ou les traitements nécessaires devraient plutôt être déterminés par un groupe de spécialistes; enfin, la décision devrait revenir aux médecins, qui s’orienteraient selon certaines lignes directrices au lieu de s’en remettre à une liste prédéterminée.

Démocratiser le débat

Pour Daniel Weinstock, professeur au Département de philosophie, la prérogative ne doit être accordée ni aux politiciens ni aux spécialistes de la santé. «Le débat doit passer par le processus démocratique, a-t-il défendu. Ce débat, auquel toutes les parties de la société doivent pouvoir participer, permettrait de définir les visées du système de santé alors que les experts pourront définir les moyens techniques d’y arriver.»
Ce débat devrait même être institutionnalisé afin qu’on puisse déterminer de façon permanente ce qui est médicalement nécessaire.

La dichotomie entre les services inclus dans l’assurance-maladie et ceux qui en sont exclus lui apparaît par ailleurs limitative. Il vaudrait mieux à son avis établir des gradations à l’intérieur de ce qui est médicalement nécessaire plutôt que d’inclure ou exclure des services de façon rigide.

Mais, selon Daniel Weinstock, une question préalable doit d’abord être posée: «Combien sommes-nous prêts à consacrer au système de santé?».

Pour Dominique Tessier, présidente désignée du Collège des médecins du Canada, les balises encadrant ce qui est médicalement nécessaire doivent être souples et adaptables à chaque région. «Il faut tenir compte de la diversité des populations, affirme-t-elle. Certains soins qui ne sont pas essentiels pour tous peuvent l’être pour quelques-uns.»

Le principe de la rentabilité lui semble par ailleurs odieux lorsqu’il s’agit de traiter une personne qui a besoin de soins médicaux.

Ont également participé à deux autres séries d’exposés le Dr Paul Barré, de l’hôpital Royal Victoria, le Dr Pierre Audet-Lapointe, président de la Fondation québécoise du cancer, David Page, coordonnateur à la Société canadienne de l’hémophilie, et Anne Caty, représentante des usagers.

Le débat était animé par Patrick Molinari, professeur à la Faculté de droit et président du Comité de direction scientifique de l’Institut international d’éthique biomédicale.

Daniel Baril




 
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