Édition du 16 septembre 2002 / volume 37, numéro 4
 
  Une découverte donne naissance à une entreprise de biotechnologie
L’inhibition des protéines Rho permet la régénération des neurones.

 

Étudiante au Département de pathologie et biologie cellulaire, Pauline Dergham (à droite) a signé avec Lisa McKerracher (à gauche) et quatre autres chercheurs l’article paru dans le Journal of Neuroscience. Une découverte majeure en début de carrière... 

L’image publiée dans le Journal of Neuroscience vaut mille mots. Elle montre des neurones qui, après avoir cessé de croître, se reconnectent en formant les filaments caractéristiques des cellules nerveuses. L’autre photo présente un groupe de cellules qui, elles, ne se sont pas régénérées. Pour les souris qui ont servi de cobayes, les antagonistes de la protéine Rho ont fait la différence entre la paralysie et la mobilité.

«Chez les mammifères, les neurones ne se régénèrent pas, explique Lisa McKerracher, professeure de sciences neurologiques au Département de pathologie et biologie cellulaire. C’est pourquoi les blessés médullaires sont en général condamnés à la paralysie ou à l’hémiplégie. Mais nous avons démontré que les protéines Rho jouaient un rôle dans l’activation du processus de régénération. Cette découverte ouvre la porte à un grand nombre d’applications biomédicales.»

Dans le développement de l’organisme, les protéines Rho interviennent pour freiner la croissance des axones afin qu’elle ne se poursuive pas indéfiniment. En observant ce phénomène, la chercheuse a eu une intuition: si l’on trouvait un moyen de stopper leur effet, la croissance des axones pourrait reprendre.

Après plusieurs années de recherche, elle est finalement parvenue à son objectif. C’est une véritable percée scientifique. «Dans une revue comme le Journal of Neuroscience, les auteurs doivent souvent démontrer qu’ils peuvent arriver à leur résultat de plusieurs façons. Nous avons donc présenté deux approches: par histologie et par ARNm.»

Extrêmement prometteuse pour le traitement des victimes de blessures à la moelle épinière (Lisa McKerracher a d’ailleurs obtenu en 2000 la médaille Christopher-Reeve qui souligne le travail des meilleurs chercheurs dans le domaine), cette découverte pourrait également s’avérer utile pour traiter des maladies du système nerveux. Les personnes qui souffrent de la maladie de Parkinson, par exemple, rêvent d’un médicament qui favoriserait la repousse des cellules nerveuses…

Il faut noter qu’il s’agit d’une découverte fort différente de celle d’un autre professeur de l’Université de Montréal reconnu pour ses recherches dans le domaine, Serge Rossignol, aussi décoré de la médaille Christopher-Reeve. Le professeur Rossignol a démontré que certains patrons de marche pouvaient être réactivés après une rupture de la moelle épinière même sans «reconnexions» des neurones.

11 M$ pour mûrir une idée

Avant la mise au point d’un médicament, il y a beaucoup de travail à accomplir. Les résultats encourageants en laboratoire s’avèrent parfois décevants lorsqu’on les applique à l’humain. Quand on mène des expériences, les risques sont élevés, les investissements considérables. Habituellement, les découvertes réalisées en milieu universitaire sont reprises par des compagnies pharmaceutiques spécialisées en recherche clinique.

La professeure McKerracher a décidé de faire les choses autrement et de créer sa propre entreprise consacrée à l’expérimentation clinique de sa découverte, baptisée Cethrin. BioAxone a vu le jour au printemps 2002. La société de capital de risque T2C2, le Fonds de solidarité de la Fédération des travailleurs du Québec, Innovatech du Grand Montréal et Investissements Desjardins ont assuré une mise de fonds de 11,5 M$. La principale mission de l’entreprise sera d’étudier la toxicité de la protéine. D’ici deux ans, on devrait pouvoir commencer des études cliniques.

«Le médicament ne verra pas le jour avant plusieurs années si nous réussissons, prévient la chercheuse. Mais nous ne voulions pas voir notre découverte être simplement achetée par une grande entreprise qui l’ajouterait à sa liste de molécules à tester. Le seul moyen d’aller plus loin était de créer notre entreprise», signale Mme McKerracher

Le Bureau de liaison entreprises-Université et des subventions (BLEUS) a accompagné la chercheuse tout au long de son parcours, et elle a beaucoup apprécié son soutien. BioAxone emploie actuellement 12 personnes dans ses locaux situés au Pavillon principal.

Mathieu-Robert Sauvé



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement