Édition du 16 septembre 2002 / volume 37, numéro 4
 
  La coupe à blanc et les incendies de forêt libèrent du mercure
La contamination des poissons des lacs de ces milieux perturbés atteint des taux dangereux pour la santé.

 

«Il faut éviter la pêche dans les lacs autour desquels la coupe forestière est pratiquée», affirme Edenise Garcia. 

Les poissons prédateurs des lacs situés dans les zones de coupe à blanc ont une teneur en mercure qui dépasse la limite acceptable pour la consommation humaine. Dans certains cas, la concentration en mercure est le double de celle observée chez les mêmes espèces vivant dans des lacs non perturbés.

C’est ce qui ressort d’une recherche effectuée par Edenise Garcia pour son doctorat réalisé au Département de biologie sous la direction de Richard Carignan. La chercheuse a mesuré la concentration en méthylmercure (ou mercure organique) du zooplancton, d’invertébrés et de sept espèces de poissons de 38 lacs de la région du réservoir Gouin, une région très prisée par les amateurs de pêche.

Neuf de ces lacs étaient situés dans des zones dévastées par des incendies, 9 dans des zones de coupe à blanc et 20 dans des milieux non perturbés.

Les dangers de la coupe à blanc

«C’est dans les zones de coupe forestière que nous avons observé les plus hautes concentrations de méthylmercure, affirme Mme Garcia. Dans chacun des neuf lacs de ces zones, la teneur en mercure chez les poissons piscivores comme le brochet dépassait la limite fixée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la consommation. Ce taux atteignait parfois le double de celui des poissons d’environnements non perturbés par des incendies ou des coupes.»

Selon la chercheuse, la coupe forestière expose les couches superficielles du terreau où le mercure inorganique est présent. L’eau de ruissellement entraîne ce mercure dans les lacs, où il est transformé en méthylmercure par des bactéries et devient ainsi assimilable par les algues et le zooplancton dès les premiers mois suivant la coupe. Le méthylmercure entre alors dans la chaîne alimentaire et s’accumule de façon exponentielle dans les organismes pour atteindre des taux inquiétants chez les espèces qui occupent le sommet de la chaîne.

Cette accumulation se poursuit chez les humains lorsqu’ils font une forte consommation de ces poissons prédateurs, se qui peut entraîner des problèmes neurologiques, des troubles de la vue et de la motricité fine.

Incendies et milieux préservés

Les organismes des lacs de zones incendiées n’ont par ailleurs pas présenté de différences significatives par rapport à ceux de zones préservées, sauf dans deux cas où la teneur en méthylmercure dépassait celle observée dans les lacs situés à l’intérieur de zones de coupe. Dans ces deux cas, les incendies avaient touché 75 % des bassins versants contre 95 % pour les autres lacs de la même catégorie. Le faible taux de contamination des lacs dans les zones plus lourdement incendiées pourrait s’expliquer par le fait qu’un gros incendie provoquerait une évaporation du mercure. Par contre, les incendies plus faibles favoriseraient sa dispersion dans l’eau comme dans les zones de coupe. Cette hypothèse nécessite d’autres recherches.

Les lacs de milieux non perturbés ne sont pas à l’abri des risques eux non plus. En effet, dans 3 de ces 20 lacs, des taux de méthylmercure dépassant les normes de l’OMS ont été observés sans que des études aient pu en déterminer la cause.

«Le cycle du mercure est très complexe parce que cette substance existe sous diverses formes, explique la chercheuse. Elle peut aussi être transportée sur de très grandes distances par le vent. En outre, son accumulation dans les lacs dépend du taux d’acidité et de la teneur en oxygène de ces lacs. On ne sait pas si elle demeure indéfiniment disponible ou si une partie est retournée à l’atmosphère sous l’effet de la lumière.»

Pour Edenise Garcia, une chose demeure certaine: il faut être prudent dans la consommation de poissons piscivores et éviter à tout prix la pêche dans les lacs de régions où la coupe forestière est pratiquée. Cette recherche s’inscrit dans un projet géré par le Centre d’excellence sur la gestion durable de la forêt boréale.

Daniel Baril




 
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