Édition du 16 septembre 2002 / volume 37, numéro 4
 
  Courrier
Nouveau défi pour les chercheurs en santé - Pseudo-sciences et vulgarisation scientifique

Nouveau défi pour les chercheurs en santé

La situation de nombreux chercheurs en santé s’est améliorée depuis quelques années. En effet, les budgets fédéraux des conseils subventionnaires ont été augmentés. Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont été créés et leur budget est le double de celui du Conseil de recherches médicales.

À cela s’ajoutent d’autres investissements en recherche, notamment dans les infrastructures et le perfectionnement de carrière. Malgré un accroissement des budgets, il persiste un besoin criant d’investir dans la matière grise, la formation des jeunes chercheurs et l’appui qui leur est consenti. De plus, aux IRSC, la notion même de recherche en santé s’est élargie et inclut non seulement la recherche biomédicale et la recherche clinique, mais également la recherche sur les services et les dimensions sociales et culturelles de la santé. Cette dimension élargie fait donc appel à un plus grand nombre d’intervenants.

Plusieurs chercheurs en santé estiment qu’il est grand temps que la communauté des chercheurs se concerte et explique directement aux instances gouvernementales les nouveaux enjeux de la recherche en santé. En effet, le secteur de la santé constitue un moteur important de la société du savoir au Canada et il est capital que les chercheurs eux-mêmes se regroupent pour faire valoir, auprès des autorités compétentes, l’importance déterminante de leurs travaux pour la santé de la population et pour l’économie.

Pour établir une concertation efficace, on propose la création d’une société canadienne des chercheurs en santé. Cette société aurait pour mandat de promouvoir la recherche auprès du public, des décideurs et des médias, de défendre les intérêts des chercheurs auprès des gouvernements et des agences qui administrent les fonds et de guider la prochaine génération de chercheurs. Elle serait d’abord formée de chercheurs et de spécialistes qui gravitent autour d’eux, tels les analystes, techniciens, chercheurs postdoctoraux et étudiants aux cycles supérieurs.

Pourraient également s’y joindre des membres associés comme les organismes de bienfaisance, les sociétés savantes et les agences de financement public et privé. La Société se doterait d’un conseil élu dont les membres représenteraient de façon équitable les régions du pays et les quatre domaines ou piliers de la recherche en santé.

Les grands défis sont à venir, il faut rappeler que le Canada veut se classer parmi les cinq plus grands investisseurs du monde en recherche d’ici l’an 2010, ce qui signifie que des milliards de dollars devront être investis dans les prochaines années. Il faut donc que les chercheurs se fassent entendre haut et fort. Leur présence active et soutenue, par le truchement d’une société reconnue, saura influer sur les priorités de financement à venir.

La Société pourrait attirer plus de 15 000 membres si l’on tient compte du nombre de chercheurs et du personnel qui travaille dans les disciplines de la recherche en santé au Canada. Pour obtenir des renseignements sur la création de cette société, veuillez transmettre un courriel à Marcel Chartrand: , ou aux cosignataires de cet article.

Vincent F. Castellucci
Vice-doyen à la recherche
Faculté de médecine
Délégué universitaire des IRSC
Vincent.castellucci@umontreal.ca

Louise Nadeau
Département de psychologie
Vice-présidente du conseil d’administration des IRSC
Louise.nadeau.2@umontreal.ca

 
Pseudo-sciences et vulgarisation scientifique

J'aimerais réagir à l’article «Médias, pseudo-sciences et sous-développement intellectuel» de M. Serge Larivée. Qu’on me permette tout d’abord de relater une petite anecdote que j’ai lue récemment: mangez votre propre fruit.

Un disciple, un bon jour, se plaignit à son maître: «Vous nous contez des histoires, mais sans jamais nous révéler ce qu’elles signifient pour nous.» Le maître de rétorquer: «Si l’on vous offrait un fruit, aimeriez-vous qu’on le mâchouille avant de vous le donner?»

Personne ne peut trouver à votre place ce qu’une chose signifie pour vous. Pas même le maître1.

Pas si loin de nous dans le temps, la science était l’apanage des savants, chasse gardée de gens au quotient intellectuel dit supérieurement élevé. À moins de détenir un goût prononcé et une aptitude profonde pour les sciences, l’élève québécois tiquait quand il s’agissait d’aborder cette matière. Il faut rappeler ces faits à M. Larivée, comme celui où l’on concevait les sciences enfermées dans des laboratoires sous la férule de cerveaux bouillonnants.

Les palmes de M. Schultz, qui racontent l’histoire de Pierre et de Marie Curie, révèlent bien le côté pour le moins aride, sérieux, exigeant efforts et recherche dans une enceinte où le commun des mortels n’avait guère préséance. De là à ce que les livres de science ou de vulgarisation scientifique tiennent le haut du pavé dans les librairies et gagnent en popularité dans le cœur des lecteurs, il aurait fallu pas à pas faire entrer la science dans le discours de tous les jours et le quotidien des gens, je n’irais pas jusqu’à dire à l’exemple du bon horoscope. Parce que la science intéresse, j’en suis sûre, un nombre incalculable de gens. Qui ne veut pas tout connaître du fonctionnement du corps humain et des corps célestes, de l’intelligence à la plus infime étoile…

Certes les librairies regorgent de livres de pseudo-science qui volent la vedette aux ouvrages de vulgarisation scientifique, a mesuré M. Larivée. Seul Hubert Reeves avec son allure de joyeux lutin aux yeux bleus et à la barbe folle, dans ses présentations à saveur de contes, semble nous parler des étoiles, de la stratosphère, etc., comme s’il s’adressait personnellement à chacun de nous en jetant à notre oreille des mots qui nous interpellent au contraire de nous rebuter.

Au désespoir de M. Larivée, les livres de pseudo-science continueront de remplir les librairies. Loin d’abrutir l’intelligence, cette littérature ouvre le monde à son propre univers, le forçant à s’interroger, à faire des gestes pour améliorer sa condition. Il faut savoir aborder cette littérature non comme un dogme mais en séparant le bon grain de l’ivraie, car il est vrai que certains ouvrages ne sont pas à mettre entre les mains de n’importe qui à n’importe quel moment. Ne serait-il pas souhaitable de mettre dans toutes les mains, dès la plus tendre enfance, des textes scientifiques, histoire de préparer l’esprit, d’abolir les barrières, semeuses de combats comme celui dont semble investi M. Larivée? La médecine traditionnelle fait front aux médecines douces devenues de plus en plus populaires, science et pseudo-science s’affrontent, ce qui nous ramène aux luttes de notre enfance […] Ce tirage de couverture science/pseudo-science ne cache-t-il pas aussi la sempiternelle course au pouvoir et aux gros sous?

Il faut éviter de culpabiliser les lecteurs de littérature pseudo-scientifique et de leur faire croire que leurs cerveaux sont à peu près gros comme un petit pois ou risque de le devenir tout comme il est odieux de traiter ceux qui s’intéressent à la science de «rejets» ou de «nerds». […]

En cet ensoleillé matin du 7 septembre, je retourne mon napperon pour y déposer ma tasse de thé et je lis: «Chaque pièce est imprimée à la main, teinte et cousue spécialement pour vous. Et tout comme dans la nature, chacune est unique en elle-même.»

J’aimerais conclure en disant qu’il faut tenir compte de l’unicité de chacun. Ce que science et pseudo-science transmettent, tout ce savoir doit être adapté à chacune des créations uniques que nous sommes. Et c’est ce que les êtres humains recherchent: un savoir qui les touche eux. C’est peut-être ce qui expliquerait la popularité des pseudo-sciences, qui parlent à l’être en particulier afin que celui-ci puisse trouver sa voie.

La science n’a-t-elle pas aussi des failles? Une peur d’avouer qu’elle n’est pas infaillible! Pourquoi faudrait-il tout prouver scientifiquement? N’y a-t-il pas au cours de chacune de nos existences des choses qu’on a traversées sans qu’elles aient toutes été prouvées scientifiquement? Pourquoi faudrait-il démolir l’astrologie, les médecines parallèles, etc.? Ne vaudrait-il pas cent fois mieux composer avec elles comme certains médecins le font? Je pense au Dr Jean-Charles Crombez, de l’hôpital Notre-Dame, auteur de La guérison en écho, ou encore au Dr Deepak Chopra, qui allie médecine traditionnelle et médecine ayurvédique. Ces deux médecins mettent en pratique une nouvelle approche de la maladie et des techniques pas toujours conventionnelles.

On ne peut pas, comme les sciences pendant des années, avoir tenu le public un peu loin de son sillage, lui versant au compte-gouttes de l’information, refusant qu’on la discute et vouloir tout à coup qu’on l’accueille comme de la visite de tous les jours. Les pseudo-sciences ont suivi le peuple même quand on ne cessait de leur taper sur la tête. Est-ce leur fidélité, leur intérêt constant, voire leur humilité, qui leur procurent aujourd’hui dans les librairies un espace sept fois plus important que celui consacré à la littérature de vulgarisation scientifique?

Jeanne D’Arc Blais
Secrétaire de direction et écrivaine
Faculté des sciences de l’éducation

1 Anthony De Mello, Comme un chant d’oiseau, Éditions Bellarmin-Desclée de Brouwer.


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