Édition du 30 septembre 2002 / volume 37, numéro 6
 
  Stratégie d’innovation et économie du savoir: bonnes et mauvaises nouvelles!
Le recteur réunit les présidents des trois grands conseils canadiens.

 

Le recteur Robert Lacroix (à droite) a réuni les présidents des trois grands conseils canadiens: Marc Renaud (CRSH), Tom Brzustowski (CRSNG) et Alan Bernstein (IRSC). À eux trois, ils gèrent un budget de 1,31 milliard de dollars. 

La bonne nouvelle: le Canada investit de plus en plus dans la recherche universitaire. La mauvaise: le Canada a encore l’air d’un pays en développement si on le compare avec les États-Unis.

Ainsi pourrait-on résumer la conférence de Denis Beaudry, président-directeur général d’Univalor (la société à capital de risque créée l’an dernier pour donner vie aux découvertes des laboratoires de l’Université de Montréal et de ses partenaires), au cours d’un colloque sur la stratégie d’innovation tenu le 20 septembre dernier. «Treize universités américaines perçoivent plus d’argent de leurs entreprises dérivées que toutes les universités canadiennes réunies, affirme M. Beaudry. Pour chaque dollar investi dans la valorisation de la recherche, les États-Unis retirent 0,5 ¢; le Canada en retire 0,017 ¢.»

L’Association des universités et collèges du Canada annonçait pour 1999 des revenus de propriété intellectuelle de 22 millions. Elle dénombrait 829 inventions dans les universités canadiennes, résultant d’investissements de 1,4 milliard de dollars. Aux États-Unis, les investissements totalisent annuellement 25 milliards pour 10 800 inventions… Au Québec, c’est encore pire. Le nombre de brevets et de licences y est inférieur de moitié à la moyenne du reste du Canada.

«Ici, nos universitaires ont beaucoup de difficulté à obtenir la collaboration des entrepreneurs afin de développer leurs produits brevetés. Cela ne fait pas encore partie de la mentalité des gens d’affaires», affirme M. Beaudry. Il estime que l’objectif du gouvernement fédéral de tripler d’ici 2010 le nombre d’entreprises dérivées issues d’universités est impossible à atteindre. Tout au plus parviendra-t-on à doubler ce nombre.

À la décharge des Canadiens et des Québécois, le chemin parcouru depuis une décennie est remarquable. «Pour une raison bien simple: il y a 10 ans, il n’y avait rien.»

Trois présidents, trois visions

Ce sombre tableau du PDG d’Univalor contrastait avec les propos enthousiastes de Tom Brzustowski et d’Alan Bernstein, respectivement président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et président des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), invités à la table ronde qui clôturait le colloque réunissant environ 150 personnes du milieu universitaire principalement.

MM. Brzustowski et Bernstein représentaient, avec Marc Renaud, président du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), les trois plus gros organismes publics canadiens en matière de financement de la recherche. Les budgets du CRSNG (678 M$), des IRSC (477 M$) et du CRSH (156 M$) totalisent plus de un milliard.

 

Denis Beaudry, président-directeur général d'Univalor. 

Réunis pour la première fois à une même tribune à l’Université de Montréal, les trois présidents ont présenté leur vision de la stratégie canadienne en matière d’innovation. Selon M. Brzustowski, le Canada aura besoin de 7000 titulaires de doctorat en sciences naturelles et en génie d’ici 2010 afin de remplacer les professeurs d’université qui prendront leur retraite. De plus, les gouvernements et l’industrie réclameront plusieurs milliers de titulaires de maîtrise et de doctorat. C’est donc plus que jamais le temps de poursuivre des études universitaires.

Toutefois, les études, ça coûte cher et les Canadiens doivent, collectivement, faciliter l’accès des jeunes aux universités. Comment? «Nous devons réduire le nombre d’obstacles économiques qui empêchent les jeunes d’entreprendre des études en sciences naturelles et en génie aux deuxième et troisième cycles et augmenter considérablement la valeur des bourses d’études aux cycles supérieurs», estime M. Brzustowski, un ancien professeur de génie à l’Université de Waterloo.

«Petit nouveau» dans le paysage, selon Robert Lacroix, qui agissait à titre de modérateur à cette table ronde, le président des IRSC, Alan Bernstein, a rappelé que le secteur de la santé était le point de convergence de plusieurs disciplines, notamment la robotique, la génomique, la protéomique, les mathématiques, les sciences biomédicales, la nanotechnologie, les soins infirmiers et la réadaptation. «Les défis et les perspectives dans les domaines de la santé humaine et de l’éradication des maladies suscitent beaucoup d’intérêt», a-t-il observé. Le secret de la réussite, à son avis, est la collaboration multidisciplinaire. «Le Canada n’est pas un grand pays. Il faut canaliser les efforts. Les activités doivent refléter les valeurs et les priorités du Canada.»

Pour Marc Renaud, qui retrouvait des lieux familiers puisque le président du CRSH était professeur au Département de sociologie lorsqu’il a accepté son poste en 1997, la technologie moderne ne saurait se passer des lumières des sciences humaines. «Il ne faut pas avoir une vision romantico-capitaliste de la science, a-t-il dit. Les discours sur l’innovation nous laissent croire que c’est la fête. Or, on peut être agacé par la caricature, car derrière cette image il y a une stratégie de marketing. Nous allons tous manquer le coche si nous limitons nos technologies à une affaire de gros sous.»

Prêchant pour sa paroisse, M. Renaud a affirmé qu’après les grands bouleversements qu’ont entraînés l’invention de l’imprimerie et celle de la machine à vapeur, la révolution du millénaire sera celle des sciences humaines. «L’innovation, c’est une affaire de culture, estime-t-il. La capacité novatrice d’un pays se mesure à sa créativité.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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