Édition du 30 septembre 2002 / volume 37, numéro 6
 
  Vient de paraître
Les relations ethniques dans l’après-11 septembre - Réjean Ducharme: une poétique du débris - Santé, sécurité et transformation du travail

 
Les relations ethniques dans l’après-11 septembre

Il était sans doute ambitieux de chercher à observer si les attentats du 11 septembre 2001 avaient eu un effet sur les relations interethniques à peine cinq mois après les événements. C’est tout de même le défi qu’ont entrepris de relever 16 universitaires, dont 6 de l’Université de Montréal, en consacrant deux jours de colloque à ce sujet en février 2002.

Les actes du colloque viennent d’être publiés, une semaine après le triste anniversaire, sous le titre Les relations ethniques en question, un ouvrage dirigé par Jean Renaud, Linda Pietrantonio et Guy Bourgeault.

«L’exercice était risqué mais incontournable, déclare Jean Renaud, directeur du Centre d’études ethniques des universités montréalaises. Toute la collectivité a été touchée par les attentats et il fallait mesurer à chaud ce qui se passait pour s’assurer qu’on ne dérive pas vers une société de discrimination.»

Deux grands axes ont guidé les chercheurs: le politique, les lois et le contrôle des frontières d’une part et d’autre part les rapports quotidiens où l’on craignait des dérapages entraînés par une association indue possible entre immigration et terrorisme.

Ce que révèlent les médias

S’il faut s’en tenir aux médias francophones, il semble que les dérapages appréhendés ne sont pas survenus. «Les propos exprimés dans la presse sont beaucoup plus modérés que ceux auxquels nous nous attendions», écrivent Victor Piché, directeur du Département de démographie, et Gabriella Djerrahian, assistante de recherche au Groupe de recherche Ethnicité et société.

Les deux chercheurs ont passé en revu 78 articles parus dans La Presse et dans Le Devoir entre le 11 septembre et le 31 octobre 2001 pour prendre le pouls de la perception des Québécois quant à l’immigration. Rien de comparable à ce qu’écrivait le leader de l’extrême droite américaine, Patrick Buchanan, voyant dans «l’invasion des immigrants une menace à notre civilisation».

En fait, les propos les plus extrêmes observés dans nos médias faisaient écho à des articles parus dans le New York Times et le Financial Post, où l’on établissait un lien entre la politique d’immigration du Québec et le terrorisme: en favorisant une immigration francophone, le gouvernement séparatiste du Québec contribue à l’établissement d’une communauté arabe internationale à laquelle peuvent se mêler des terroristes!

Nos leaders politiques ont pour leur part souligné l’importance de ne pas sacrifier nos valeurs d’ouverture à l’immigration même en situation d’urgence. Seul Stockwell Day a réclamé une politique d’immigration plus stricte. Sur ce plan, il est toutefois appuyé par une large part de la population. Un sondage paru dans La Presse du 29 septembre montre en effet que 83 % des répondants montréalais sont en faveur d’un resserrement du contrôle de l’immigration.

À l’école et au travail

À part quelques tensions mineures isolées, aucun dérapage ne semble non plus s’être produit dans les écoles, selon ce que rapporte Marie Mc Andrew, professeure à la Faculté des sciences de l’éducation et directrice du Centre de recherche interuniversitaire de Montréal sur l’immigration, l’intégration et la dynamique urbaine.

À long terme, elle craint toutefois que la tendance lourde à percevoir l’islam de façon négative ne ressurgisse dans certains conflits relatifs à l’espace scolaire, et ce, malgré la déconfessionnalisation des écoles. Marie Mc Andrew souligne la nécessité de mieux cerner les perceptions à l’égard des communautés arabe et musulmane à l’aide de méthodes quantitatives.

C’est précisément ce qu’ont fait Jean Renaud, Victor Piché et Jean-François Godin. Ces trois chercheurs ont revu les données de leur étude longitudinale Ils sont maintenant d’ici! — qui a suscité un vif débat l’année dernière — pour les soumettre au crible de deux nouveaux indicateurs, soit la langue arabe et la religion musulmane.

Ces indicateurs n’ont révélé aucune discrimination particulière quant à l’accès au marché du travail. Sur le plan du revenu, une discrimination touche les personnes de langue arabe dans les 20 premières semaines de leur arrivée au Québec mais n’est plus observable à la 10e année.

Ces données ont évidemment été recueillies bien avant le 11 septembre 2001. Les trois chercheurs pourront mesurer si des changements sont survenus depuis puisque la nouvelle enquête longitudinale de Citoyenneté et Immigration Canada comporte une cohorte établie ici entre septembre 2000 et octobre 2001.

L’ouvrage comporte également des analyses de François Crépeau (Faculté de droit) sur le contrôle des frontières, de Michel Laurier (Faculté des sciences de l’éducation) sur l’apprentissage des langues d’origine et de Guy Bourgeault (Faculté des sciences de l’éducation) sur la dimension politique de l’expression religieuse.

Daniel Baril

Sous la direction de Jean Renaud, Linda Pietrantonio et Guy Bourgeault, Les relations ethniques en question, Les Presses de l’Université de Montréal, 2002.



 

Réjean Ducharme: une poétique du débris

«On trouve de tout quand on regarde bien, quand on se met à traîner les yeux au sol comme un chien», dit Rémy Vavasseur, qui enseigne la récupération à Fanie dans Va savoir. Les collages signés Roch Plante illustrent éloquemment le procédé de décomposition/recomposition à l’œuvre dans les romans de Réjean Ducharme.

Depuis plus de 30 ans, l’écrivain recycle, conserve et transfigure les expressions figées, slogans d’une époque, noms propres trouvés dans les dictionnaires, notices de La flore laurentienne («642 genres, 1568 espèces»), figures historiques oubliées et bribes de textes, des classiques aux chansons. Ces détournements ironiques n’en sont pas moins des hommages aux livres qu’il faut, à l’instar de Fériée dans Les enfantômes, «aimer comme du monde» et aux mots à «verser dans les petits trous du téléphone pour avoir l’impression qu’il fonctionne», comme le croient les Ferron dans L’hiver de force.

Peuplés de déchets sociaux, de marginaux et d’exclus, de «rada», les textes réinventent, à même le bric-à-brac des discours contemporains, une morale exigeante où n’a vraiment de sens que l’amour, tel que les enfants et parfois les femmes l’éprouvent et l’inspirent.

De quel éclatement l’œuvre de Réjean Ducharme recueille-t-elle les débris? Des années 60 peut-être, dont les croyances et les mots d’ordre sont renversés et parodiés? Des rencontres fulgurantes nées du grand désordre de la Bibliothèque ou du scandale douloureux de l’enfance perdue?

Élisabeth Nardout-Lafarge enseigne au Département d’études françaises depuis 1990.

Élisabeth Nardout-Lafarge, Réjean Ducharme: une poétique du débris, Montréal, Éditions Fides, 2002, 293 p.


Santé, sécurité et transformation du travail

Depuis quelques années, la santé et la sécurité du travail subissent des changements attribuables aux transformations de la structure organisationnelle des milieux de travail, à l’évolution technologique et aux nouvelles formes d’organisation du travail.

Dans cet ouvrage, les auteurs exposent des réflexions et des analyses inédites sur les nouveaux risques associés au travail. Ainsi, le concept de santé et de sécurité du travail s’est davantage centré sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles; partant, il s’est également fragilisé par les transformations structurelles de l’organisation. En outre, de nouveaux risques difficilement perceptibles apparaissent sous l’effet des changements continus, des pressions liées au rendement et des difficultés relationnelles, pouvant conduire à la détresse psychologique chez les travailleurs. Par son approche multidisciplinaire, l’ouvrage trace les contours des mutations et montre leurs multiples ramifications touchant divers problèmes de santé et de sécurité du travail.

Camille Legendre est professeur au Département de sociologie.

Denis Harrisson, Camille Legendre et collaborateurs, Santé, sécurité et transformation du travail: réflexions et recherches sur le risque professionnel, Les Presses de l’Université du Québec, 2002, 266 pages, 30 $.




 
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