Édition du 07 octobre 2002 / Volume 37, numéro 7
 
  Vient de paraître
Quand les minorités font la loi - Grands projets urbains et requalification - Les cultures face à la mondialisation - Balzac: la littérature réfléchie

 
Quand les minorités font la loi

Un peu partout dans le monde, les revendications des minorités sociales ou politiques qui cherchent à faire valoir leurs droits et leurs valeurs influent sur les lois en vigueur. Quelles sont les stratégies qu’utilisent ces différentes minorités pour intégrer au droit de leur pays des valeurs non dominantes?

C’est ce qu’a voulu clarifier Andrée Lajoie, professeure à la Faculté de droit, en examinant la façon de faire de groupes de femmes et de groupes d’homosexuels au Canada et en France, de même que de Québécois, d’Autochtones, de Bretons et de Corses dans leur pays respectif. L’objectif était en fait de vérifier le bien-fondé du cliché voulant que les revendications des groupes nord-américains passent principalement par les tribunaux alors qu’en Europe l’arbitrage serait principalement assuré par le pouvoir politique.

L’ambitieuse analyse paraissait en mai dernier aux Presses universitaires de France sous le titre Quand les minorités font la loi. Non seulement l’auteure établit-elle une comparaison entre les milieux juridiques canadien et français, mais elle cherche à tirer quelles sont les conséquences, pour la gouvernance, de l’intégration au droit des valeurs de ces groupes.

En contexte canadien, toutes les minorités étudiées s’appuient sur les valeurs communes que sont l’identité et l’égalité pour réclamer la reconnaissance et des fonds publics. Au Canada anglais, les minorités sociales (gais, lesbiennes et femmes) recourent davantage aux tribunaux en invoquant la Constitution, alors que les groupes québécois préfèrent l’action politique directe.

Pour les minorités politiques (Québécois et Autochtones), une différence significative émerge. Alors que les Autochtones ont obtenu des gains majeurs par la voie politique, les Québécois n’ont rien eu du législateur fédéral par cette approche, affirme Andrée Lajoie.

En contexte français, c’est la voie législative plutôt que politique qui a permis aux femmes de remporter la plupart de leurs victoires (interruption volontaire de grossesse, protection contre la violence et le harcèlement, égalité économique).

Les minorités politiques (Corses et Bretons), que le droit français refuse de considérer comme telles au nom de l’indivisibilité de la république, ont préféré, comme au Canada, emprunter la voie de la négociation politique, qui parfois a débouché sur des accords entérinés par des lois.

Il en ressort des convergences entre les deux pays: les enjeux pour les minorités sont les mêmes tant au Canada qu’en France et les groupes minoritaires français préfèrent, comme les minorités du Québec, la stratégie politique à la stratégie juridique.

La gouvernance

Malgré le titre de l’ouvrage, la conclusion de l’auteure ne laisse pas croire que les minorités font la loi.

«Même si elles ont eu une influence très importante sur les modes contemporains de production du droit, allant jusqu’à renverser la pyramide de la hiérarchie des normes, les minorités font encore les frais de la conciliation, qui ne se réalise qu’à leurs dépens, et leurs intérêts ne seront satisfaits que dans la mesure où ils seront acceptables aux différents groupes dominants auxquels ils s’opposent», écrit Andrée Lajoie en guise de conclusion.

En dernière analyse, les résultats de l’étude l’amènent à affirmer que «toute structure de gouvernance assimilatrice des minorités sociales qui tendrait à nier leurs revendications identitaires conduirait à plus ou moins long terme au blocage social.»

Majorités et minorités sont donc condamnées à devoir s'entendre.

Daniel Baril

Andrée Lajoie, Quand les minorités font la loi, Paris, PUF, 2002.


 

Grands projets urbains et requalification


Cet ouvrage réunit des textes qui permettent de prendre en compte des situations, vécues au Québec comme en France, où est intervenue l’approche «grand projet». Ils proposent d’évaluer la capacité des grands projets à produire des environnements urbains de qualité. Certes, cette notion de grand projet a une résonance bien différente au Québec et en France. Les différences et similitudes sur le plan de la gestion de l’intégration des projets dans le tissu urbain local environnant retiennent l’attention, car elles apparaissent fécondes pour l’approfondissement de la réflexion autour des espaces dégradés ou dévalorisés. Par-delà le récit de chacune des situations, deux questions ressortent de la lecture de l’ensemble des contributions.

La première concerne l’évaluation des grands projets comme moyen de redéveloppement urbain; la seconde s’attache à sa gestion et à son insertion dans le cadre urbain existant.

Sous la direction de Gilles Sénécal, Jacques Malézieux et Claude Manzagol, Grands projets urbains et requalification, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université du Québec; Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, 262 p.

 


 

Les cultures face à la mondialisation


Il n’est guère de sujet qui suscite ces années-ci de controverses plus enflammées que la mondialisation. Pour éviter que le débat se sclérose dans des anathèmes réciproques paralysants, l’État québécois entend confier à un «observatoire» la collecte de données sur le phénomène. Mieux informés, nous ne serons pas dispensés pour autant de prendre position, mais astreints à une rigueur exigeante dans l’argumentation.

En vue de contribuer à ce débat, inquiets de ce qu’il advient des cultures au moment où elles sont livrées à la logique impitoyable de la marchandise, nous avons voulu dans ce numéro dépasser le simple réquisitoire pour soumettre à des analyses et évaluations approfondies les menaces, les résistances déjà à l’œuvre et les stratégies à privilégier pour concilier l’ouverture sur le monde et la promotion de la diversité.

Possibles, vol. 26, no 4, Les cultures face à la mondialisation, automne 2002.

 

Balzac: la littérature réfléchie

Depuis Critique du roman (Gallimard, 1970; «Tel», 1995) jusqu’au Cœur critique (Rodopi, 1997), Françoise van Rossum-Guyon n’a cessé de réfléchir sur les moyens et les buts du roman, et de scruter au plus près son écriture dans les textes, du nouveau roman à Honoré de Balzac.

La comédie humaine est un immense laboratoire pour interroger tous les problèmes que posent la représentation et la communication littéraires, une formidable activité énonciative y bouillonne en permanence. Françoise van Rossum-Guyon étudie les différents niveaux de discours auctoriels et actoriels: métadiscours, discours du narrateur, paroles et dialogues des personnages. Elle souligne le dialogisme du roman et la dynamique fictionnelle des énoncés contradictoires, leur instabilité, leur degré de fiabilité et surtout leur pragmatisme (les situations d’énonciation et les effets des discours sur leurs destinataires).

Nombreuses sont les figures d’artistes et d’écrivains qui peuplent l’univers balzacien. Celles-ci sont étudiées comme des «marques de l’auteur» dans le texte, au même titre que les différentes mises en abîme de l’activité littéraire comme activité artistique. Le cousin Pons, La cousine Bette, Splendeurs et misères des courtisanes, Le père Goriot, Béatrix et Le curé de village sont revisités et analysés dans cette perspective.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à Illusions perdues, qui représente et réfléchit de manière exemplaire la littérature sous toutes ses formes.

Françoise van Rossum-Guyon, Balzac: la littérature réfléchie. Discours et autoreprésentations, Département d’études françaises, Université de Montréal, 2002, 200 p., coll. «Paragraphes».





 
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